Dying Wish - Fragments of a Bitter Memory

Chronique CD album (35:06)

chronique Dying Wish - Fragments of a Bitter Memory

Avis aux amateurs et amatrices de trucs qui « commencent dès le début », selon l'expression consacrée : Dying Wish offrent derrière cette pochette hideuse un très bon premier album, s'inscrivant dans la lignée de la nouvelle génération de groupes de hardcore actuellement en pleine effervescence aux Etats-Unis (SeeYouSpaceCowboy, Knocked Loose, Jesus Piece...).

 

Une fois n'est pas coutume, et comme quelques images parlent parfois mieux qu'un long discours, j'ai envie de commencer par le petit live qui va bien, ça nous changera du déroulé classique des chroniques de disque :

 

 

Comme vous l'aurez probablement constaté si vous avez jeté un œil à la vidéo (ou si vous offrez une oreille au disque), y'a du peps, y'a de la gniaque, que dis-je, y'a de la fougue et de la jeunesse, et ça fait plaisir.

 

Pour essayer de dresser une cartographie musicale de Fragments of a Bitter Memory, disons qu'on est en présence d'un hardcore moderne métallique à l'agressivité proche des premiers Walls of Jericho, à deux doigts d'un metalcore (qui penche côté hardcore) qui de metal a surtout un riffing aux influences évidentes de la scène death mélodique suédoise des années 90 (coucou At the GatesSlaughter of the Soul ou le early In Flames).

Le tout agrémenté de réguliers breaks à distorsion temporelle et à déterioration accélérée de maxillaire, inspirés de toute la modernité hardcore, souvent attendus, mais qui fonctionnent bien. Le premier morceau en compte déjà deux en moins de deux minutes.... Quand on vous disait que ça commençait dès le début !

 

Et puisque l'on parle de mâchoires, parlons de celles qui s'agitent derrière le micro.

On a déjà parlé au moins une fois d'Emma Boster en ces pages, puisqu'elle avait été invitée sur l'excellent A Different Shade of Blue de Knocked Loose en 2019. A l'écoute de Fragments of a Bitter Memory, on ne peut que se dire que ça relevait de la logique tant la voix d'Emma est agressive, soutenue et pleine d'un fiel pas si éloignée dans l'intention de celle de Bryan Garris (de Knocked Loose, justement) ou de Katie Davies de Pupil Slicer.

D'ailleurs, qui retrouve-t-on en guest sur « Enemies in Red » ? Exactement, Garris. C'est Bryan. Pardon, brillant.

 

Sur cet album, Emma a le bon goût de se cantonner en grande partie au chant hurlé, qui est absolument excellent à mon sens (et ultra efficace en live), et de ne pas trop s'aventurer dans le chant clair, même si celui-ci fait tout de même parfois irruption (« Severing the Senses », « Fragments of a Bitter Memory »). Si ce chant clair n'est pas toujours très bien intégré dans l'intensité des morceaux, on en tire malgré tout la probable volonté de s'en servir pour créer quelques aérations et avoir des refrains un peu plus catchy, et d'insister sur certaines lignes de texte. Par ailleurs, l'usage de cette voix claire a d'un autre côté le mérite de rendre l'impact du retour des voix hurlées encore plus percutant qu'elles ne l'étaient déjà.

 

Au niveau des textes, on est dans la plus pure tradition hardcore, empreinte de luttes personnelles et parfois collectives, de recherche de l'égalité de tous et toutes, de la mémoire des potes qui nous ont quitté (« Until Mourning Comes », en hommage à Riley Gale de Power Trip), de doutes et de combats au quotidien. Le titre de l'album, Fragments of a Bitter Memory, est déjà parlant en ce qui concerne les émotions personnelles que les membres du groupe mettent dans leur musique.

Si l'on n'est généralement pas dans la dénonciation politique directe, rappelons tout de même que Dying Wish et Knocked Loose se sont associés suite à l'assassinat de George Floyd par la police à Portland pour sortir un t-shirt « Our Enemies in Blue », dont les bénéfices ont été adressés au mouvement contre les violences policières.

 

Et pour citer un bout d'une interview faite avec Revolver Mag, « la thème général est plutôt centré sur toute cette souffrance et cette douleur qui dérivent de l'actuel système socioéconomique et politique. Tout est affecté. Il y a beaucoup d'incertitudes et de tristesse, à mon sens. Je ne sais pas si les générations précédentes ont ressenti la même chose, mais on dirait que toute cetet merde atteint une intensité à pic en ce moment. Tous ces systèmes dysfonctionnels dans lesquels on vit sont responsables de tellement de souffrances... ».

Et pour continuer la même interview, côté interviewer cette fois, pour savoir de quoi on parle : « ces catégorisations, comme la définition de « female-fronted », ne sont souvent que des distractions vis-à-vis du sujet réel : Everyone should fucking hate the system ».

 

Comme il faut bien en parler, quelques petites fautes de goût viennent tout de même entacher l'effort à mon sens, à commencer par la pochette, mais aussi le chant clair sur le dernier morceau « Drown in Silent Black » qui fait vraiment trop américanerie à la con pour moi, et peut-être un manque d'inspiration sur le fondu final du morceau qui donne son titre à l'album.

Certain·e·s trouveront peut-être un aspect trop moderne à l'ensemble, trop proche du metalcore par endroits, mais le riffing souvent assez old-school me semble être une jolie pirouette pour éviter en grande partie cet obstacle, au moins à mes oreilles.

Et peut-être, à mesure de l'album, trouvera-t-on quelques gimmicks un peu répétitifs ou quelques sensations de déjà entendu.

 

Mais dans l'ensemble, Dying Wish livrent avec Fragments of a Bitter Memory un premier album solide, qui se serait probablement hissé dans mon top de l'année dernière si j'avais eu le temps et la présence d'esprit de l'écouter de façon assez consistante. En attendant, il rejoint confortablement mon #toptroptard.

 

Si vous aimez les coups de caisse claire ou de cymbales bien isolés au milieu de gros breaks qui tâchent et qui viennent l'étaler au rouleau compresseur, aux silences violents, vous avez frappé à la bonne porte, ou tout du moins glissé les écouteurs dans la bonne oreille.

Si vous appréciez les rythmiques syncopées qui vont bien mêlées à l'aspect le plus tranchant du hardcore 00's, vous êtes avez là encore mis le pied en d'heureuses contrées, avec même un peu de 2-step qui traîne (« Hollowed by Affliction », « Now You'll Rot », ....).

Et si le groove délicieusement old-school du riffing At the Gates-like vous séduit par son côté finalement assez punk, alors vous serez comblés par la mixture élaborée par Dying Wish, d'autant que la production rend vraiment honneur à la force d'impact des morceaux.

On retiendra en particulier la triplette de morceaux d'ouverture de l'album, qui fonctionnent particulièrement bien pour faire une entrée fracassante sur la scène.

 

De plus, l'anecdote gratos de fin de chronique, la légende veut qu'Emma Boster ait décidé de monter un groupe de hardcore après avoir vu un concert de Punch à Portland. Et comme Punch est l'un des meilleurs groupes du monde, forcément, ça me les rend sympathiques.

 

A écouter en guise d'entraînement par les prétendant·e·s à l'ascension de la Directissime Talon-Dentier.

photo de Pingouins
le 21/07/2022

6 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 21/07/2022 à 15:06:02

Super chronique avec son lot de petites anecdotes, par contre groupe absolument sans saveur. Pour moi "death mélo + hardcore = metalcore", d'ailleurs j'ai lu sous une de leurs vidéos Youtube ce commentaire que je trouve assez pertinent "2006 Metalcore is back with a vengeance, and Dying Wish sure delivered"

Pingouins

Pingouins le 21/07/2022 à 16:10:41

Je comprends tout à fait pourquoi on peut trouver ça "sans saveur" et déjà entendu, et j'avoue que c'est surtout le live qui m'a fait basculer dans l'album plutôt que le contraire. Mais perso y'a ce petit côté "à l'ancienne" qui marche bien je trouve, en tout cas j'y reviens pas mal en ce moment. Et  comme je le disais, j'aime beaucoup le chant hurlé.

Et j'avoue avoir volontairement esquivé l'étiquette "metalcore", qui a presque fini par devenir un truc péjoratif. Là ça reste assez différent des As I Lay Dying, Killswitch et toute cette tendance là, qui est celle que perso je range dans metalcore. Ici c'est quand même plus orienté hardcore.
'fin bref, merci au final :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 21/07/2022 à 20:16:13

Ta chronique donne vraiment envie d'y croire. C'est sympa. Inoffensif mais sympa. 

daminoux

daminoux le 21/07/2022 à 20:31:37

je vais revenir sur l’étiquette on est sur du métalcore typique des années début 2000 mais de mon coté ça ne me gêne pas car j'en ai beaucoup écouté et cette album me rappel de très bon souvenir de groupe que j'ai écouté. donc pour moi c'est un excellent album de métalcore revival qui me donne envie de replonger dans undying, Neaera, les premier caliban, Darkest Hour

Freaks

Freaks le 21/07/2022 à 22:29:53

Et pourtant... ce groupe perso me tiens en respect total ! Mis à part un chant ultra deter qui se gâche un peu ds de dispensable mièvreries.. Pour le reste les vibs hardcore m'emoustille ++

Freaks

Freaks le 22/07/2022 à 00:23:41

Les inserts live aussi ça rend bien compte de l'énergie et de l'enthousiasme partagé du truc :p  La formule est déjà opérée/ante sur certaines de vos chroniques.. et ça donne envie de se caler.. Juste c'est quoi un raccourci clavier? :p Blague à part, très chouette chronique pour un groupe qui fait son office sans trop poser de questions..et ça fait du bien...

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