Einstürzende Neubauten - Rampen (apm: alien pop music)

Chronique CD album (01:14:35)

chronique Einstürzende Neubauten - Rampen (apm: alien pop music)

A l'instar de la plupart des grands groupes qui ont contribué à dessiner les frontières d'un genre et, jamais là où on les attend, ont constamment repoussé celles-ci, au terme d'une carrière impressionnante de longévité, Einstürzende Neubauten finit par dissoudre ses explosions de rage punk dans la sagesse de l'expérience accumulée au fil des années, sans pour autant renier son ADN. Avec Rampen (APM : Alien pop music), les fers de lance du rock industriel teuton livrent une belle porte d'entrée dans leur univers pour tout néophyte rétif à leurs expérimentations du début des 80's. Les fans de la 1e heure, quant à eux, identifieront dans la variété des textures sonores, des arrangements, d'un titre à l'autre, ce qui constitue l'essence de leur musique : la cacophonie domptée et maîtrisée pour la présenter non pas au plus grand monde, mais à l'univers tout entier.

 

Le titre de l'album renvoie à ce que la bande à Blixa Bargeld appelle des rampes : ces improvisations en concert qui permettent au groupe d'expérimenter de la matière brute qu'il distord à l'envi pour en tirer la quintessence de sa musique. Des ponts sans ornementations mais aux structures à la fois solides et complexes bâtis entre le connu et l'inconnu, entre notre monde rassurant, fort de ses repères, et un univers parallèle où tous les codes explosent dans un maelström infernal. Comme autant de bips lancés dans le cosmos à l'attention de tout autre forme de vie intelligente, chaque titre se déploie dans une forme de minimalisme relativement amène qui cache en son sein les différentes formes expérimentales de l'ensemble de l'album. Là réside le génie des Immeubles neufs en déconstruction : allier dans un même titre un travail méticuleux sur une ossature sonore qui creuse en permanence le vaste puits sans fond de l'inexploré et des mélodies avenantes dans leur apparente nonchalance.

 

Il y a un monde, mais en réalité, une passerelle, entre le groove dansant de "Planet Umbra", et "Besser Isses" et sa ligne de basse inquiétante, battue par les quatre vents invoqués par les percus martiales et les nappes synthétiques intersidérales. Alors que le 1e donne envie de sortir ses souliers vernis pour entamer des pas de danse au milieu de volutes de cigare, le second vous fait préférer les bottes pour battre le pavé avec rage. On retrouve cette forme d'oxymore musicale dans la rugosité des rythmiques de "Ist Ist" contrebalancée par la légèreté des lignes de chant appuyée par les quelques accords de piano. Entre ces extrêmes qui se rejoignent en opérant sans effort un grand écart élégant, Neubauten livre du néo folk tout droit composé dans les nues ("Es Könnte Sein") et de la mélancolique et contemplative virée dans l'onirisme d'une fin de soirée, une fin de vie, une fin de monde ("Trilobiten") qui trouverait sa place dans un film de Béla Tarr, avec ses arpèges désabusés et son accordéon aviné.

 

Ce qui lie cette variété d'ambiances dans un ensemble cohérent, c'est ce voile de minimalisme que l'album déplie sur chaque titre pour mieux en révéler les richesses ornementales. Chaque chanson se construit sur une ou deux idées, et avance en cycles d'ostinatos hypnotiques qui, sans avoir à s'éterniser (entre 3 et 5 minutes, en moyenne), emportent l'esprit et le coeur dans une matière musicale organique et paradoxalement froide comme l'espace et le vide qui l'emplit. A ce vaste vide, la musique de Neubauten apporte autant de battements de coeur (comme au début de "Ist Ist") contribuant à en offrir une certaine forme. Aussi insaisissable puisse-t-elle s'avérer, in fine.  

 

photo de Moland Fengkov
le 06/07/2024

1 COMMENTAIRE

Moland

Moland le 06/07/2024 à 09:39:36

Y a 1 coquille au début du dernier paragraphe. Ce qui lie, du verbe lier, et non ce qui lit, du verbe lire. 

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