Filth Is Eternal - Find Out

Alors que l’actualité musicale a la mâchoire plongée à dévorer les misérables derniers restes purulents du cadavre In Utero sorti il y a maintenant trente ans (un p’tit ravier de 72 titres pour les nécrophages de tout bord), un p’tit groupe de Seattle en a profité pour cracher son second album intitulé Find Out ce 29 septembre 2023 – deux ans après son premier effort. Une énième sortie qui s’efforce de gratter ce dôme temporel encombrant qui surplombe la ville, imposé par une sphère médiatique faisant de la capitale de l’État de Washington une sépulture à vénérer – et refusant par la même occasion qu’elle puisse être considérée comme autre chose que le berceau et cimetière du grunge. Grosse pensée pour Sanctuary / Nevermore au passage.

À la vue des 14 titres pour 28 minutes (les plus matheux d’entre vous calculeront aisément la durée moyenne de ces gifles), il serait facile d’imaginer au premier abord la musique de Filth is Eternal comme une furie grind dévastatrice, mais il n’en est rien : Find Out se dévoile en brulot de hardcore gratiné de hard rock, notamment en raison de la performance vocale de Lis Di Angelo, rappelant le timbre de l’impressionnant Sebastian Bach sur les deux premiers albums de Skid Row. Le résultat est donc un peu moins d’une demi-heure de punk hardcore à décrocher les lustres du plafond, le tout avec de l’arrachage de cordes vocales à détapisser le salon. Cet aspect vocal extrêmement appréciable impose immédiatement une forte identité aux compositions du trio.

Néanmoins, l'impression qui consiste à penser que des titres courts impliquent de facto un tempo plus rapide ne s’applique pas dans le cadre de ce Find Out : la grande majorité des compositions – qui dépassent rarement la vitesse légale autorisée – sont construites autour d’un simple riff de guitare qui varie lors du refrain (« Magnetic Point », « Roll Critical »), quelques fois agrémentés d’un solo pied ligoté à la wah-wah (« Crawl Space »). Parmi les moments forts de la galette, on retiendra ce morceau introducteur « Half Wrong » ; et surtout l’enchaînement des « Curious Thing » / « Into The Curve » (ce riffing tournoyant à briser les cervicales) / « Pressure Me » / « Body Void » / « The Gate » qui serait capable d’exciter le plus neurasthénique des fonctionnaires publics.

Le plaisir est donc immédiat – pas le temps d’enfiler le perfecto que la bagarre a déjà laissé son lot de vaincus au bord du trottoir. Malheureusement, la faible variation du tempo entre les différents titres crée une profonde homogénéité, seulement mise à mal par le final « Loveless » (mais où sont les breaks dévastateurs mi-tempo ?) ; ce sentiment est assez dommageable, d'autant plus lorsque l'on se rend compte de l’efficacité d’Emily Salisbury derrière les fûts lors de ses rares moments d’expression solitaire (« Curious Thing », « Last Exit »). Par conséquent, le trio de Seattle bénéficie d’une certaine marge pour la suite afin de rendre ses coups de batte encore plus percutants (décoller la tapisserie c’est bien, mais s’agirait de démolir ce qu’il y a en-dessous).

Au final, que ce soit dans les ruelles brumeuses de Londres ou sous la pluie torrentielle de Seattle, il semblerait que la crasse soit éternelle – qu’importe le temps et les modes. 

Arrache coeur

le 09/11/2023