Fortíð - Narkissos

Chronique CD album (53:40)

chronique Fortíð - Narkissos

Viscéralement attaché au Nord et à sa mythologie, dont témoignait déjà les trois premiers albums de Fortíð, une trilogie consacrée au temps vu au travers du poème cosmogonique et prophétique Völuspá, Einar Thorberg Guðmundsson, alias « Eldur », a multiplié les projets, de même que les attaches septentrionales, lui qui en 2017 est rentré dans son Islande natale après presque une décennie passée en Norvège. Fortíð (« passé » en français) est sans doute son travail le plus robuste et le plus connu, aux côtés d’autres (Katla, Curse, toujours vivace d’ailleurs, ou Eldur, le plus récent).

 

Plus disert sur le papier et en studio que sur scène, Einar Guðmundsson a renforcé son line-up en 2020 avec l’arrivée derrière les fûts de Kristján Einar Guðmundsson (Potentiam) et, l’année suivante, de Kári Pálsson (ex-Nexion) à la basse et aux chœurs. Ce dernier est même associé désormais à l’écriture des chansons ; mais lorsqu’il débarque, l’ensemble du matériel de la future offrande nordienne Narkissos avait déjà été composé…

 

Fortíð

(©Laura Diamond)

 

Narkissos ? Et oui une référence évidente au thème de ce concept-album, mais attention moins à la divinité antique attachée à son propre reflet, qu’aux troubles malins de la personnalité, associés à la sociopathie, qu’Eldur a côtoyée et combattue au cours de son existence au travers plusieurs (mauvaises) rencontres. Par ses paroles, à nouveau chevillées intégralement dans sa langue autochtone, l’album tente ainsi de percer la fragilité de la psyché humaine, faite de jeunesses heurtées, d’instabilités émotionnelles et de chaos intérieurs. Au niveau des lyrics, on peut paraitre loin d’Odin et des divinités nordiques ! À noter toutefois que l’excellent "Illt skal með illu gjalda", ancienne demo de 2015 réenregistrée pour l’occasion (le rendu final n’a plus rien à voir…), est consacrée au dieu Loki et à son rôle dans la mort de Baldur… Niveau narcissisme, on reste ici dans la trame conceptuelle de cet album !

 

Mais qu’importe ! L’essentiel réside dans le fait que, musicalement, Fortíð ne tourne pas le dos à toutes les nuances et à la variété d’un style désormais caractéristique, à savoir ce Viking/Pagan Black Metal, qui ne renie pas son attrait pour une pelletée d’autres nuances (Heavy/Death/Thrash) inspirée de la scène des années 1990, un attrait audible dès l’écoute du morceau éponyme. Fortíð n’a plus rien à prouver, plus rien à envier désormais à un Enslaved, un Einherjer ou encore à un Månegarm.

 

Cette plaque est peut-être plus rugueuse et plus épaisse par instant – dans son écriture comme dans sa production – que sa dernière proposition World Serpent. Elle franchit sans vergogne les frontières musicales et propose à nouveau un mélange riche et foisonnant, à l’image du parcours d’Eldur.  Un très bon titre tel que "Vefurinn sem ég spinn", montre que ses presque 10 ans passés en Norvège ne sont pas demeurés sans effet… Loin s’en faut ! Les passages rudes, menaçants, tempétueux (ouch "Tímans ör") côtoient sans cesse des sections plus progressives, qui toucheront à coup sûr chez vous une corde sensible ("Þúsund þjáninga smiður"). Peut-être est-ce la faute des chœurs triomphants ("Illt skal með illu gjalda", sublime "Uppskera"), offrant à nos esgourdes une teinte Pagan/Folk habilement inséré dans le mix final ? Peut-être est-ce celle d’un riffing d’une grande profondeur, poutré par des solis bien sentis ("Rotinn arfur") ? Peut-être est-ce tout simplement la conséquence d’une écriture d’ensemble propageant sur les quelque 54 minutes de ce Narkissos, un souffle épique, tantôt sombre, tantôt mystérieux, tantôt majestueux… ? Quoi qu’il en soit, l’expressivité créative peu commune de cet album, forgée dans des ambiances bigarrées et des émotions contrariées, clôturée superbement par "Við dauðans dyr", m’a offert l’une des écoutes les plus probantes de l’année qui vient de se dérober.

photo de Seisachtheion
le 23/02/2024

2 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 23/02/2024 à 10:30:03

La "mort" de Baldur est l'une des premières infox portée par le sur-puissant lobby des Ases qui contrôlent en sous-main les neufs royaumes

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 23/02/2024 à 13:26:47

Ah ah !!!
Bon album même si je préfère le précédent qui a beaucoup tourné.

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