Fragile Figures - ANEMOIA

Fragile Figures (non, il n'y a pas de fautes dans ce nom) est un trio français colmarien fondé en 2019. C'est surtout parce qu'ils sont signés chez Atypeek (l'écurie de Traître Câlin et des Vulves Assassines, deux excellents poulains) que ma curiosité a été aguichée et bien m'en a pris. Plus qu'un groupe, ils se définissent comme un projet non seulement musical mais aussi visuel, l'un des membres (qui en est une…#MWOS) s'occupant du vjaying en live. Un poste qui n'a vraiment rien de fantoche dans cette formation.

Fragile Figure propose en effet une musique instrumentale à forte dominante électronique mais développant des aspects plus organiques grâce à une vraie basse jouée avec des vrais doigts. Assez proche d'un JMPZ sous morphine ou d'un RQTN sous peyotl, aussi qualitative que les travaux de Clint Mansell, l'électro de Fragile Figures mise sur le trippant cinematographique plus que sur le dansant rythmique.

Dans Anemonia, Fragile Figures dessine ainsi les contours d'une image et nous laissent le soin d'effectuer la mise au point, ils offrent une palette de couleurs et nous laissent manipuler les pinceaux. Ni totalement atypique, ni complètement novateur, l'objectif de Fragile Figures est donc d'orienter plus que de conduire l'auditeur, de lui proposer des directions tout en lui faisant garder à l'esprit que l'important, c'est le voyage, pas la destination.

Force est de constater que l'on suit avec un vrai plaisir ce GPS musical qui nous guide à la fois partout et nulle part dans notre propre intimité sans jamais se perdre ni nous avec. Un voyage jalonné d'émotions réelles et entières.

Le côté instrumental n'est cependant pas totalement livré à lui-même et sert de support à des samples, de superbes extraits de films (dont je n'ai, honteusement, pas les références), choisis et incorporés avec soin. Un choix artistique qui rappellera à certains la démarche pratiquée chez Hyno5e même si ici, cela m'a semblé plus sporadique.

Les sons de synthés sont bien choisis, globalement assez modernes et judicieusement exploités de façon à remplir l'espace sonore sans laisser de trous ni se marcher dessus.. Il y a quelques coquilles ça et là : cette énervante cloche sur "Noar" mais surtout les samples rythmiques qui sonnent un peu trop TR-808 pour moi. Bon, j'exagère peut-être un peu mais j'ai trouvé aux sons des rythmiques un côté un peu minimaliste, un peu "cheapos" qui dénotent avec le reste des instrumentations que l'on sent plus travaillées, fignolées au niveau des sons. Peut-être était-ce là un choix artistique, mais en ce cas je le trouve maladroit. Un travail aussi léché sur les samples rythmiques aurait renforcé la cohésion des morceaux et donc leur impact. C'est d'autant plus dommage que la production est globalement propre. Il y a parfois quelques soucis d'équilibre comme dans "Mute" où la rythmique surplombe sans qu'il me semble qu'elle le mérite. On regrette aussi que la basse n'ait parfois pas été plus mise en avant, elle aurait peut être donner à l'ensemble une tonalité générale plus unique.

Même s'il n'est pas exempt de quelques erreurs (que l'on qualifierait, sans aucune forme de condescendance, en erreur de débutant), Anemoia est un bon premier album, on y trouve de la vraie belle musique à l'image, intéressante, qui dépasse le cadre de sa seule étiquette, nous emmène facilement avec elle, toute pleines de belles intentions qu'elle est.

A noter que l'album est disponible au format vinyle chez Araki records & KdB records, deux labels qui galèrent malheureusement à écouler leurs exemplaires. L'album mérite largement d'être acheté dans ce format pour soutenir ces deux acteurs en souffrance.

On aime bien: de l'électro cinématographique pleine d'images, pleines d'émotions

On aime moins : les rythmiques en deçà du reste et malgré tout très mise en avant

8oris

le 05/04/2023