Gematria - Gematria II: The Spindle of Necessity

Chronique CD album (11:13)

chronique Gematria - Gematria II: The Spindle of Necessity

Si l’ami à longues oreilles jaunes a depuis longtemps son doctorat es Nawak, j’avoue que je suis assez confiant pour mon BEP WouaDeFeuk. Sérieusement, je ne sais pas comment je me débrouille mais j’ai le chic pour, quand je me lance en aveugle sur un album, tomber sur des groupes qui yoyottent entre le puissamment chéper et le parfaitement chelou. Gematria est de ceux-là et quand il s’agit de chroniquer leur dernier album The Spindle Of Necessity, c’est plus vraiment de la chronique mais quasiment de l'exégèse.

"Roh non, encore une chronique trop longue de l’autre pignouf qui va encore bavasser pendant des lignes". Certes, mais vous pourriez bien remplir votre besace culturelle au passage.

 

Gematria est un duo bicéphale (voire bi-bicéphale) dans lequel on trouve Ray Suhy (Six Feet Under, Cannabis Corpse, East Of The Wall) et Steve Honoshowsky (Daughter Vision, Billy Martin’s Fang Percussion, No Use For Humans). Jusque là, tout va bien, rien à signaler. Revenons plutôt un instant sur le nom du groupe. Gematria aussi nommé guématrie, arithmologie ou science des nombres est une approche explicative de la bible dans laquelle on transforme les mots en nombres, chaque lettre ayant une valeur. A vaut 1, B vaut 2 et caetera? Ah non, en fait, c’est plus compliqué parce que ça se base sur l’alphabet hébraïque qui ne partage pas toutes les lettres avec son cousin latin. Par exemple, la guématrie donne au mot "bible" la valeur de 66, à “Jesus” 666 et à “Lucifer” 666 aussi, on peut donc en déduire que…Euh..Bah rien du tout en fait parce que la guématrie est une science ni dure ni molle mais complètement pétée du ciboulot souvent brandie par les couteaux les moins affûtés du grand tiroir des exégètes bibliques. Vous allez me dire "oui, tout ça, c’est très intéressant mais on s’en tamponne la calculette".

Oui mais non car nos deux amis américains ont utilisé la guématrie pour composer ce deuxième album. Ils ont pris des textes d’Aleister Crowley (un occultiste, poète, romancier américain du début du 20ème siècle) et en ont fait de la musique. Je n’ai pas vraiment de détails sur le passage de ce système numérique à un système musical, je ne sais pas non plus dans quelle mesure le résultat de cette conversion a dû être retravaillé ensuite. Ne crions pas au génie car l’écriture contrainte en musique existe depuis un bail. Et comme les travaux de l’OuMuPo (équivalent musical de l’OuLiPo) ne sont pas vraiment le coeur de cible de CoreAndCo, on va quand même citer After The Burial avec "Pi" ou le plus pédagogue Ron Jarzombek, le Jamy Gourmaud du métal/death/prog, avec "In The Name Of Ron".

 

Côté Gematria, qu’est ce que ça donne? Ehhhh behhhh, ça donne du King Crimson sans voix et en format court. Comme j’adore King Crimson, surtout la période avec Belew, je ne peux donc difficilement déclarer que je n’aime pas Gematria. On y retrouve ce côté intensément progressif, très musical, dédié complètement aux ambiances mais malgré tout très écrit, très travaillé. Les morceaux sont beaucoup plus courts que chez les britanniques, globalement plus digestes avec une saveur légèrement plus électronique (trois fois rien), plus funk ("The Elusive One") ou plus inquiétante ("Ritual"), globalement plus facile à saisir et bien que plus récents, ils ne sonnent pas plus modernes. Comme chez King Crimson, ils ont ce côté très intemporel, hors de toute contemporanéité (sauf peut-être la batterie qui sonnent vraiment très 80/90).

La proximité des deux formations se constate aussi dans le son. Savoureux, très travaillé, dans lequel les instruments organiques sont souvent doublés par leurs cousins synthétiques pour donner à l’ensemble une patine très particulière, à la matité vraiment délectable servie par une production fine et respectueuse de la Sainte-Trinité : musiciens, morceaux et auditeurs. Amen!

Côté technique, si le niveau n’atteint pas à mon avis celui de Fripp, Belew ou Levin, ça taquine joliment quand même mais en mode "l’air de rien, faites pas gaffe on est bon mais c’est pas l’important". Bref, pas besoin d’un master en ethno-musicologie pour se faire happer par l’album et en apprécier les contours.

 

Comme évoqué plus haut, la galette est complète mais légère : 9 titres pour 29 minutes. Pas très prog tout ça mais parfaitement digeste et du coup, on se l’enchaîne 2 ou 3 fois d’affilé avec plaisir. Il n’y a pas de morceaux plus faibles, de morceaux dispensables, tout semble bien à sa place...D'ailleurs, le concept même de “place” perd ici de son sens. Il n’y a pas vraiment de progression au fil des titres.

 

The Spindle Of Necessity est un véritable concept album, s'écoutant comme une B.O qui se fondrait magiquement dans l'air ambiant et ferait oublier sa complexité, un objet sûrement très intellectualisé à la création mais très abordable à l’écoute. La proximité de King Crimson, assumée, ne lui confère pas une saveur totalement unique mais il devrait largement plaire aux fans de rock prog aérien, savamment éthéré, bercé par des palettes musicales pléthoriques.

 

On aime bien : le concept vraiment perché autour de l’album, du rock prog bien foutu et intemporel, le format digeste

On aime moins : très proche de King Crimson..trop?

photo de 8oris
le 20/09/2022

5 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 20/09/2022 à 12:59:58

Encore une chronique avec petits oignons, basilic et piment d’ex-Paulette 👌😁

Pingouins

Pingouins le 20/09/2022 à 15:12:50

King "of" Crimson ?
Sinon la chronique donne bien envie de jeter une oreille :)

8oris

8oris le 20/09/2022 à 15:44:08

Rah la coquille malheureuse. Honteux je suis, corriger je vais

Pingouins

Pingouins le 21/09/2022 à 18:03:26

Rock prog metallisé tout de même ! Ca me fait penser effectivement à KG, mais qu'on aurait modernisé à coups d'influences à la Primus / Ne Obliviscaris / et même un peu Dillinger par endroits.
Sympathique, mais finalement sans gros plus.

8oris

8oris le 21/09/2022 à 19:05:05

Tout est dit dans cette dernière phrase...

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