Gros Enfant Mort - La banalité du mal
Chronique CD album (36:02)

- Style
Screamo / post hardcore - Label(s)
Fireflies Fall, 2 Pieds 2 Dents, Dingleberry, Clever Eagle, Non Ti Seguo, Desperate Infant, Sounds L - Date de sortie
4 novembre 2022 - Lieu d'enregistrement Poitiers
- écouter via bandcamp
J'imagine que le nom du groupe chroniqué aujourd'hui aura fait lever plus d'un sourcil parmi le lectorat de CoreandCo, tout comme il en a probablement levé sur d'autres webzines ou salles de concerts. Alors référence à Grand Corps Malade, dissimulation d'acronyme un poil prétentieux ('Gem', joyau quoi), référence obscure et secrète ?
Et bien que la vérité vous soit révélée sur CoreandCo, grâce à Alexis, que l'on remercie : c'est une bête histoire de délire de surenchère de noms les plus abusés à 4h du mat' qui a conduit à ce curieux délice.
Mais personnellement, les noms de groupes, au bout d'un moment, ça n'est plus tout à fait surprenant, et c'est ici plutôt celui de l'album qui m'a fait hausser le susdit sourcil. Difficile de croire à la coïncidence, donc reprendre le titre du fameux bouquin d'Hannah Arendt, c'est osé.
Mais point d'Eichmann à retrouver ici, puisque La banalité du mal, ce ne sont pas (ou en tout cas pas que) les simples employés qui « ne font que leur travail », qui « font ce qu'on leur a dit de faire » (comme dirait un autre truc mort, L'Oiseau Mort) et permettent à l'horreur de tourner en faisant fonctionner les multiples petits rouages de base d'un mécanisme désincarné et de grande ampleur, mais des thématiques plus proches d'un quotidien désespérant, d'un monde qui nous entoure face aux vicissitudes duquel on sent parfois toute notre impuissance. Et dont on perçoit la souffrance partout. Vous pouvez retrouver une explication piste par piste de la signification des textes ici (en anglais, même si les textes sont en français, à vous de choisir).
Mais tout de même, encore une fois, pas facile d'emprunter ce titre pour l'apposer sur un album.
En ce qui concerne la musique, et pour contenter l'amicale des transitions douteuses (faut que je justifie de mon abonnement), c'est plutôt chez son Günther Anders de mari qu'il faudra aller chercher, notamment avec son recueil « La violence : oui ou non » (spoiler : oui).
Même si sur cet album, c'est plutôt un « oui ET non » qu'il faudrait considérer comme plus proche du vrai.
Car si le principal architecte (Gros Enfant Mort étant un one-man-band, auquel se greffent d'autres musiciens pour les concerts) de ce projet a très probablement beaucoup écouté Amanda Woodward et Daïtro, on peut aussi facilement penser à d'autres groupes du genre tels Belle Epoque, Baron noir, Chaviré : un chant qui varie de hurlé à chanté mais quasi toujours compréhensible, des textes en français, des mélodies souvent présentes et une violence contenue qui se présente par sursauts cathartiques plutôt que comme toile de fond des morceaux.
Bref, on est en plein dans la scène screamo hexagonale, agrémentée d'une touche de hardcore/post-hardcore affiliable à Birds in Row notamment, dont l'influence est évidente (sur « L'épilogue de la jeunesse », par exemple, c'est flagrant), et qui ici et là peut aussi faire penser à Aussitôt Mort ou au très bon album de Yarostan sorti en début d'année.
Cela dit, la composition de l'album a eu lieu en grande partie pendant les périodes de confinement, aussi doutes-je un peu que ce dernier ait pu avoir une quelconque influence. Il n'empêche que certaines directions communes se dégagent dans ces dynamiques post-machin associées au screamo.
Au final, cet album de Gros Enfant Mort est réussi, mais se retrouve à mon avis assez ancré dans la problématique récurrente des one-man-band : le manque de confrontation d'idées entre différentes personnes, des gimmicks de composition peut-être un poil trop homogènes. Mais pris d'un autre côté, cela permet aussi de pousser ses idées au bout et d'aller voir ce qu'il en ressort. De ce point de vue là, on aurait du coup bien aimé que la démarche soit poussée jusque dans ses retranchements.
On y trouve une voix peut-être un peu trop présente sur l'ensemble de l'album, qui peine à se mettre en retrait au profit des instruments, et peut-être est-ce une piste à creuser pour de futures compositions.
Mais passées ces brèves critiques un peu trop péremptoires (désolé pour ça), on passe tout de même un fort bon moment en écoutant La banalité du mal, pour peu que le style musical et vocal nous parle. A mon sens, c'est à rapprocher dans les intentions du projet New Grass, autre exemplaire des rares one-man-screamo-bands (inspiré plutôt par Gospel ou City of Caterpillar, pour sa part), que je vous invite à aller écouter si vous appréciez cet album de GEM : vous ferez ainsi très probablement d'une pierre deux coups.
A écouter parce que si ça ne réinvente pas le genre, La banalité du mal n'est pas si banal, et surtout n'est vraiment pas mal.
2 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 21/11/2022 à 10:05:32
"c'est une bête histoire de délire de surenchère de noms les plus abusés à 4h du mat'" : ça reste très frileux finalement comme nom.
Crom-Cruach le 21/11/2022 à 10:07:01
Des potes avaient baptisé leur groupe : "Viol de pute", là, ça envoyait du steack.
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