Harun Demiraslan - In Motion

Chronique CD album (32:17)

chronique Harun Demiraslan - In Motion

« In Motion tu dis ? Fais voir. Des morceaux groovy et instrumentaux, des rythmiques chaloupées et animales, Harun Demiraslan, Gérald Villain, Matthieu Mezger, la Klonosphere... Chouette, trois ans après Back in Business, Step in Fluid revient avec un troisième album !

 

Comment ça, non ? C’est abusé : le remplacement de Florent Marcadet par Morgan Berthet (Myrath, ex-ETHS) et de Stephane Dupe par Geoffrey Neau (ex-ETHS) ne justifie pas que l'on change l'enseigne de ce respectable établissement musical ! »

 

Eh oui, forcément, certains vont être tentés de simplifier. Pour toutes les raisons listées ci-dessus. Et parce qu’In Motion renferme des saveurs desquelles émane comme un air de déjà-vu. On risque par exemple de taper du pied dans le liquide de « Born Again ». Sur « Brothers » on aura un peu l'impression de se prendre dans la trombine la grosse pogne velue et amicale de Trepalium. Et ceux qui savent ressortiront Mali Kanu pour vérifier qu'ils n'ont pas la berlue et que, en effet, la saveur africaine de certaines pistes renvoie bien à l'EP de 2017 (dont certains titres bénéficient ici d'une seconde vie). Pourtant il était nécessaire que ce nouvel album se démarque clairement de la production précédente du guitariste poitevin. Car si l'on y retrouve sa patte très particulière, cette fois celle-ci imprègne des compos écrites en dehors des contraintes propres à chacun de ses autres groupes, comme autant de photos glanées dans l'album de sa vie. Et c'est d'ailleurs ce côté « disque bilan » qui explique pourquoi celui-ci fait naître autant de sensations familières : en effet Step in Fluid comme Trepalium font partie intégrante du parcours de ce dorénavant quadra', au même titre que les membres de sa famille, c’est pourquoi tous ont logiquement droit à un morceau dédié.

 

In Motion peut donc être envisagé comme un voyage dans l'intimité musicale d'Harun Demiraslan. Les huit titres qui le composent déclinent en autant de tableaux différents cette puissance veloutée et cette sophistication organique qui caractérisent son style, au sein duquel la rythmique – délicieusement accidentée et féline – tient un rôle primordial, et où ce ne sont pas les doigts qui dictent aux instruments leur conduite, mais les émotions. Oui, bon, c’est vrai : dit comme ça on croirait lire le discours prétentieux de la chargée de comm’ d’une expo parisienne. Pourtant c’est bien ainsi que les mots viennent quand on essaie de coucher sur papier les douces sensations ressenties au cours de cette grosse demi-heure de kiff Metal/Rock instrumental. À cela il faut encore ajouter des touches africaines – percussions, chants (très peu, afin de respecter le caractère instrumental de l'œuvre), odeurs, couleurs – notamment sur le songe « Under The Sun » et le tranquillement indolent « I Bisimilah Lily ». Mais aussi quelques touches plus expérimentales, tel le démarrage proto-électroïde de « Her » (qui n'est pas sans rappeler Herbie Hancock), ou un « Surtention » qu'on qualifiera de Post-Funk insectoïdo-progressif (il méritait qu'on lui invente une étiquette sur mesure !).

 

Mais ce qui nous fait revenir sans cesse vers In Motion, ce sont ces petits moments de pure félicité où tous les éléments se combinent pour non seulement livrer une expérience singulière, mais également inonder nos sens d'un brûlant jus d'endorphine. C'est par exemple le cas de « Nomad », promenade à la fois nonchalante et exigeante, effectuée les mains dans les poches, le front crânement dressé face au soleil levant, sur de petits chemins de pierre serpentant au milieu d'une végétation éparpillée. C'est le cas d'un « Born Again » frais, optimiste, frémissant, porté par des percussions légères et une foi inaltérable en des lendemains forcément bienveillants. Et c'est tout particulièrement le cas de « Her », qui pétille, tortille malicieusement, mais laisse jaillir à intervalles réguliers de vastes poussées lumineuses de plénitude toute-puissante.

 

Alors si d'habitude vous êtes de ceux qui évitent les albums solos (« ... parce que franchement, écouter un artiste se chatouiller le nombril au cours d'un exercice prétentieux de MOI JE musical, non merci »), vous serez peut-être réticents à tenter l’aventure. Ce serait laisser une réaction épidermique vous empêcher de vivre un véritable moment de délectation musicale, vraie et intense. Inutile de vous dire qu’on vous conseille de dépasser ce mécanisme d’autodéfense compréhensible, mais ici sacrément mal venu. Pour une fois qu’Harun nous propose de passer un moment chez lui, vu l’extrême bon goût de la déco et la chaleur de l’accueil, il serait dommage de décliner l’invitation.

 

 

PS : à noter les featurings de Christophe Godin sur « Surtention » et Richard Daudé sur « Her »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: In Motion, c'est un recueil de tranches de vie instrumentales au groove à la fois onctueux et subtile. Ce sont quelques frissons nostalgiques furtifs chassés par la tiédeur matinal d'un soleil africain. Pour tout dire, ce premier album ressemble un peu au bilan serein de la quarantaine heureuse... Ce n'est ni Trepalium, ni Step in Fluid, ni même tout à fait la suite de Mali Kanu. C'est un autre visage de Harun Demiraslan, familier mais différent. Et c'est un trésor de plus à partager avec le plus grand nombre.

 

photo de Cglaume
le 08/11/2022

4 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 08/11/2022 à 11:14:43

Très sympathique même si pas fan de l'approche electro (sons parfois un peu cheap qui sonnent limite Muzac) et musique du monde (qui tombent un peu comme un cheveux sur la soupe) que je trouve parfois maladroites. A noter que l'album aurait été composé en 20 jours, du coup, chapeau! 
Après, cet album n'apporte pas grand chose de frais. Je trouve que, quelque soit le projet, Harun Demiraslan fait du Harun Demiraslan (surtout depuis H.N.P), au delà de sa patte, de son "son" caractéristique, c'est quand même très souvent les mêmes types de plans. Difficile à l'écoute d'affirmer que les morceaux ne sont pas des chutes de son travail avec SIF ou Trepal dans lequel son empreinte est déjà fortement marquée. Disons que je n'ai pas l'impression de découvrir une nouvelle facette de ce musicien, pas plus que son intimité comme tu l'évoques. Le track by track dispo sur son site (qui intellectualise et explicite un peu trop chaque titre) confirme bel et bien que cet album a largement de quoi être classé dans la catégorie "Chatouillage de nombril". Mais franchement, il a bien raison: il avait surement l'envie de le faire, probablement les moyens, il connaît du monde, il s'est fait plaisir, pourquoi pas.

cglaume

cglaume le 08/11/2022 à 12:38:26

Pas vraiment d’accord avec toi 😝
Harun est un peu comme Devin: c’est tout le temps sa patte caractéristique, mais pas toujours le même gant. Et pour une fois il joue hors cadre, et donc plus “profondément” que jamais

cglaume

cglaume le 08/11/2022 à 12:40:41

Pas vraiment d’accord avec toi : bis. Les touches World tombent avec sobriété et à propos. On n’est pas franchement branchés sur le même canal cette fois 😉

8oris

8oris le 08/11/2022 à 12:43:10

Une fois n'est pas coutume. ;)
Bon, après, je trouve l'album très bien. Peut-être qu'au fil des écoutes, le clou continuera de s'enfoncer.

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