Jean Jean - Fog Infinite

Chronique CD album (36:48)

chronique Jean Jean - Fog Infinite

Un seul maître-mot suffit pour résumer la nouvelle offrande de Jean Jean : feelgood. A l’instar d’un feelgood movie de bon aloi tel que Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, pour ne citer qu’un exemple, ce genre de film qui titille vos madeleines en les sollicitant allègrement par le truchement de l’évocation d’une époque bénie, fantasmée ou non, qu’importe,  où tout semblait simple, couler de source, pour baigner dans une chaleureuse insouciance qui se moquait des conventions pour simplement exister, Fog infinite déclenche de fortes décharges de dopamine sans avoir à sortir les cotillons, les confettis ou quelconque autre artifice signifiant de manière trop ostensible un esprit de fête qu’on sommerait l’auditeur d’adopter à son écoute. Adonc, ce nouvel album, contrairement à ce que suggère son titre, n’étend pas une nappe de brume sur nos esprits mélomanes de l’extrême déjà tourmentés par la multitude de riffs acérés ou plombés, d’agressivité cathartique ou thérapeutique, d’expérimentations toujours plus jusquauboutistes qui inondent les bacs chaque semaine. Au contraire, il nimbe ses 9 titres d’une clarté salutaire qui, pour le coup, s’avère infinie, à l’instar de la liberté créatrice que s’accorde le trio.

 

Pour autant, si Jean Jean explore volontiers son penchant electro, déjà bien présent sur son précédent opus, il ne renie pas ses débuts davantage orientés vers le monde complexe du math rock. La batterie s’allie aux boîtes à rythme pour conférer aux structures rythmiques une dimension organique bienvenue, tandis que les guitares, si elles épousent le son des machines, restent essentielles et bien présentes. Si le groupe livre un album qui invite au déhanchement endiablé, il construit des ambiances paradoxalement automnales, mais aussi lumineuses qu’un été indien. Qu’on ne s’y méprenne. Si chaque titre vous donne envie de danser nu, le corps enduit de beurre de cacahuète, coiffé d’une perruque phosphorescente, ce ne sera pas aviné dans un club paumé d’Ibiza face à un David Guetta du pauvre. Car Jean Jean fait bouger les fesses et sollicite les zygomatiques, sans aucune once de pose mais avec une classe folle.

 

On l’aura compris : Fog infinite maîtrise le sens du son. Il convient de préciser qu’aux manettes, le groupe s’est payé le luxe des services d’un certain Franck Huesco, alias Carpenter Brut. En vérité, on creuse le champ sémantique du bien-être, depuis le début de cette chronique, mais il convient de se montrer plus nuancé. Indéniablement, on ressort de l’écoute de l’album aussi revigoré qu’après une séance d’aérobic dans un sauna en bord de lac près de Turku, mais le brouillard du titre justifie sa présence sur des passages, voire des titres, aux atmosphères rappelant le post-rock qui appartient également à l’ADN du groupe. Tout est affaire d’équilibre et de dosage, et si la musique chatoyante reste la dominante de l’ensemble, l’album ne tombe pas dans le piège du clubbing à tout crin ni dans celui de la synthwave romantico-dépressive qui s’excuse d’exister en arborant les atours du revival 80’s. D’un morceau à l’autre, tous relativement courts (entre 2 et 5 minutes), le groupe varie les tempos, du frénétique “Concord lights” au presque mélancolique “Sept sorts”, en passant par le mystérieux “Point de fold” ou encore l’épique “Hyperlapse” qui sonne comme une course folle qui vous fait vous sentir vivant. Sans se perdre en chemin, mais sans s’y enliser non plus. Car de cette variété qui demeure cohérente de bout en bout, Jean Jean affirme sa personnalité en assumant les directions qu’il impose à l’évolution de sa musique. Au fond, comment s’embourber ou se perdre sur une route qu’on trace soi-même ?

photo de Moland Fengkov
le 10/12/2022

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