Madame B - Insid(h)er

Chronique CD album (46)

chronique Madame B - Insid(h)er

De Madame B, on retient le Topsy Turvy World chroniqué en ces pages (ici), où je faisais part de mon sentiment étrange de bien-être à plonger dans les eaux glacées d’un minimalisme électronique diablement attirant. Les fantômes de Gudrun Gut ou Pj Harvey posant sur nous des regards bienveillants. Pour son cinquième effort, il convient d'esquisser un portrait.

 

Pour qui ne connaît pas les travaux de la Lady Barré, il faut savoir que nous sommes dans la plus pure tradition du Do It Yourself. Les esprits chagrins pourront chercher des défauts liés à la production, il n’y en a pas puisque loin des effets d’arrangements de studio, le parti pris est entièrement dévolu à l’épure. Exercice casse-gueule s’il en est parce que du coup tout est nu. Les compositions doivent briller sans artifice. Lorsque l’on connaît un peu l’auteure, on devine qu’elle cherche davantage la rugosité du propos plutôt que son aseptisation. Ce disque est donc dérangeant pour sa pureté.

 

Au niveau des compositions, il faut se référer en premier lieu au crépusculaire « And I come and I go » posé en troisième position sur la plaque. Des notes fortes, jouées avec conviction et passées au prisme d’une pédale d'effet rudimentaire (la DD5 certainement), une voix de ventre qui pose le verbe haut et des percussions malingres. On est touché à l’os et aux nerfs et ce titre est simplement émouvant.  Son prédécesseur « Ain’t got no Soul », extirpé de la même veine, joue avec nos peurs pour son côté mystique, piano noir à l’appui. « Brown disaster » joue volontiers sur une forme de surenchère, métaphore de l’univers industriel propre à SPK par exemple. « Explode » est la vraie fausse pop song du disque (curieux de voir ce que Lilly Allen pourrait en faire - ou inquiet plutôt). « I’m the worst » entre punk minimal et vague froide nous rappelle la force d’un groupe comme The Slits, sauf que derrière ce titre, c’est bien l’artiste seule qui sévit. Oui il y’a beaucoup de références au rock fait par les filles et ce quelles que soient les époques traversées. Il suffit d’ailleurs de parcourir le blog de Madame B pour en percevoir toute la richesse d’un mouvement qui se perpétue.

Il ne faut pas voir – Rock fait par les filles – comme une expression réductrice. Non, ici on parle d’histoire.  Des Slits donc, mais de Patti Smith à Pj Harvey (toujours) en passant même par Wendy ‘Plasmatics’. Will Sintaste qui appuie la dame sur l’excellent « Good Taste » a bien compris le propos. Le son est costaud, la rytmique incisive, la hargne et la voix de Madame B intacte. « Rock’n’Roll » de Gary Glitter est donc un bon morceau, en tout cas dans les mains de l’experte.

 

Il y’ait des chanteuses à voix, celles qui chantent en tête de pont (des têtes de linottes ?)… Insupportables.  Des chanteuses de gorge (oui que l’on devine profonde, comme ça c’est fait).  Des chanteuses de cœur, des choristes maladroites… Et des chanteuses qui chantent avec leur corps, leur ventre, siège de leur force, parfois de leur suprématie mais aussi de leurs interrogations. Beau disque à l’émotion crue.

 

"Noisy Silence" et "Good Taste" figurent initialement sur Noisi(h)er Silence disponible ici. La Dame ne s'arrête pas là puisqu'en ce début 2011, elle est déjà à l'affiche du dernier disque de Camp Z (chez Zorch Factory Records) et elle participe à un album en compagnie des américains de Guilty Stranger (Zorch Factory Records) !

photo de Eric D-Toorop
le 05/03/2011

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