Male Gaze - Gale Maze

Chronique Vinyle 12" (25:00)

chronique Male Gaze - Gale Maze

« Dans la famille « styles musicaux usés jusqu’à la corde mais néanmoins repris à outrance », je demande… Mmmmmh… la mère, le fils et le cousin débile.

- Bravo, j’en ai deux sur trois. Tiens te voilà le garage et le post punk. Par contre, désolé pour le cousin débile, j’ai pas le reggae.

- Cool, m’en fous. Avec ces deux cartes plus le rock psyché que je me gardais jalousement dans la main, je vais monter un groupe.

- Puissante combinaison !

- Ouais, je vais appeler ça Male Gaze*. »

 

Bon, ben voilà, vous avez la recette du disque dont il est question ici. Et, une fois n’est pas coutume, cette dernière suffirait presque à faire de ladite galette un chef d’œuvre. Je m’explique dans le détail… Imaginez récupérer :

1) les grosses basses autoroutes et l’énergie punk du Garage qui tache (avec option batterie qui tabasse)
2) les grattes vaporeuses et stridentes du post punk (avec option chant habité plein de reverb)
3) les effets trippants du rock psychédéliques (avec les arrangements popisants qui vont bien)
 

Sérieusement, la simple évocation dudit cocktail ne vous donne pas déjà juste envie de monter un groupe ? Et ben à moi si, un peu. Et dans le cas de Male Gaze, cela se révèle particulièrement pertinent. D’une part, ce qui choque dès les premières secondes du disque, c’est la limpidité radicale du propos, pile en équilibre entre les trois courants suscités, clairement, sans chichi ni originalité révolutionnaire. D’un autre coté, et c’est bien ça qui va faire la différence entre les américains et une bonne grosse palette de concurrents contextuels, la qualité des compos saute illico aux oreilles.

 

Urgentes et directes, les titres de ce Gale Maze savent nous faire passer de la frontalité mélodique d’un rock uptempo (« Smog »), à une mélancolie revancharde et rageuse (« Early Surgeon »), à de bonnes séances d’headbanging qui sentiraient presque la ganja (« Gale Maze »). Portées par une basse sous-accordée au toucher que pas mal de groupes de doom ou de stoner ne renieraient pas, ces (à peine) 25 minutes passent comme une lettre à la poste mais non sans laisser contusions sur les chairs et goût de sang derrière les amygdales. Cependant, j'ai clairement l'impression que les américains nous molestent physiquement pour mieux détourner notre regard de leur véritable cible : le cœur. En effet, une seule petite seconde d’attention pour ce chant spectral, habité, mélodique, cafardeux mais plein d’une énergie cathartique, voire salvatrice, et c’est les vrais défenses qui se mettent à tomber. On sent bien ici l’héritage de Ian Curtis dans la manière de se positionner, mais Matt Jones reste finalament assez loin de l’imitation simiesque ou du clin d’œil trop appuyé (oui comme on l’entend dans 90% des groupes qui se réclament de Joy Division).

 

Comprenons-nous bien : les compos de Male Gaze sont diaboliques, efficaces, dansantes et entêtantes, c’est un fait… Mais les chansons de Male Gaze, c’est-à-dire ce qu’elles deviennent dès lors que le chanteur commence à donner de la voix, sont tout simplement passionnantes. Il n’a pourtant jamais été question ici de musiciens hors pairs, d'organe d'exception, de gimmicks inédits, de choix stylistiques absolument novateurs ou encore d’un son à tomber à la renverse (quoi que celui-ci soit très loin d’être dégueulasse)… La vérité, simple et nette, c’est que les mecs de Male Gaze savent écrire des chansons, des vraies, du riff introductif au refrain en passant par l’arrangement de fin de compo. Et dans la famille « tout nouveau groupe qui sait pourtant écrire de vraies chansons qui défoncent », je vous jure qu’ils ne sont pas si nombreux que ça (je pense notamment aux Eagulls l'année dernière)... Je vous jure aussi que ça part dans le top 2015 sans sourciller.

* "Male Gaze" fait référence à la théorie de la féministe Laura Mulvey décrivant la tendance de la culture visuelle à illustrer le monde et les femmes à travers le prisme du point de vue des hommes et de leurs attitudes... Voilà, vous dormirez moins cons.

photo de Swarm
le 06/11/2015

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