Mandibula - Self Devourment
Chronique CD album (19:52)

- Style
OSDM - Label(s)
Kythibong Records - Date de sortie
24 mai 2024 - écouter via bandcamp
Il y a les albums dans lesquels on plaçait beaucoup d’espoir, et qui, au final, font « Pshiiiiiiiiitt… ». Et il y a ceux qu’on pensait n’être que de gentils petits interludes sympatoches entre deux skeuds mortels, et qui, sans crier gare, vous mettent une belle tartignole (cherchez pas, c’est entre la tartine et la torgnole) en travers la mouille.
Devinez dans quelle catégorie Self Devourment boxe... Gagné ! C'est peu dire que cette gourmande galette m’a chatouillé les dents de sagesse au marteau-piqueur ! Et il faut croire que j’ai développé une sorte de masochisme maxilaire, car c’est un sourire radieux qu’a déclenché chez moi cette redistribution violente de la pulpe gingivale. En même temps, vu le nom du groupe, il eut été étonnant qu'en de telles circonstances mes mâchoires ne béent pas…
Mandibula, donc. Un groupe de zoo-orthodontistes, peut-être. Une bande de vénères mercenaires, certainement. Qui pratiquent un Death Metal résolument old school, mais loin d’être basique. En gros, sur ce premier album, ça lacère, ça bouscule, ça grésille, ça vocifère, le tout dans le cadre convivial de la libre expression d’une saine sauvagerie. Sauf que la chose est exécutée avec une intelligence et un feeling qui trahissent un amour vrai pour l’art pratiqué, ainsi qu’une grande expérience.
« Jamais entendu parler de ton Clavicula, là... Comment ? Mandibula ? Oui, ok, pas mieux… »
Il faut dire que la formation est « toute fraîche », c’est vrai. Parce qu’à part un EP en 2020, avant ce premier album son CV était vierge comme un champion de sudoku. Au vu du line-up officiel de la troupe, il est manifeste que, sans doute plus pour titiller notre curiosité que pour échapper à la CIA, les loustics veulent rester dans un relatif anonymat. Car la seule chose que l'on nous apprend d'eux, c’est que leur bagage musical est conséquent. Celui-ci, en revanche, semble n’avoir été posé que dans des genres relativement éloignés de l’OSDM ici pratiqué. Ainsi, les formations où ceux-ci sont passés – La Colonie de Vacances, Les Agamemnonz, Pyjamarama, John Makay, Spelterini – ne brillent pas par leur expertise en matière de growl, ou de blast. Quoique, attendez voir : si l’on gratte un peu, on découvre que derrière la basse, c’est Romain Caron qui s’active. Et celui-ci a quand même fréquenté du beau monde au sein de We All Die (Laughing) et CinC.
Alors oui, même sans abuser du protoxyde d’azote, ce nom peut faire sourire (… Menthe à l’eau + Bidibule ?). Et c’est vrai, cette pochette sent la flaque de vomi tartinée en couverture d’une K7 de trve Nekro Black. Pas de quoi surexciter nos glandes salivaires, donc. Pourtant ces 19 minutes font dans le concentré de kiff, de disto brûlante, d’éclaboussures acides, de brutasserie sévère rappelant l’école polonaise, de groove crapuleux, d’atmosphères méphitiques, le tout emballé dans une prod’ granuleuse du meilleur goût … La chose étant de plus rehaussée par un mastering réalisé à Portland, aux Audiosiege studios – cf. 200 Stab Wounds, Dopethrone, Necrot, Xibalba & co.
Quand « Lurid Human Extinction » et « Kneeling dow » se contentent de nous coller de violents directs à l’estomac (avec de petites pointes grindy quand la bastonnade s’intensifie), les morceaux suivants travaillent plus sur les ambiances, jusqu’à développer de vrais airs de ressemblance avec les regrettés Solekahn. C’est du moins le parallèle qu’on a envie de dresser dès « Industrial Dehumanization », morceau progressant avec l’inéluctabilité et la massive pesanteur d’un rouleau compresseur aussi volumineux qu’un porte-conteneur chargé ras-la-gueule. Et l’on s’enfonce toujours plus profondément dans la cave de Tonton Hadès lors d’un « Pledge Of Agony » nous proposant un barbecue où les chipos sont grillées à même la mésosphère.
C’est le moment que choisit Mandibula pour nous prouver qu’il possède de nombreuses autres cordes à son arc. Car si « One Last War » nous roussit là encore le poil sur des charbons ardents (ouh le beau riff infernal en intro !), c’est pour mieux nous conduire, de tabassage sévère en morbidangelerie tourmentée, vers une séance de saucissonnage guitaristique où ça découpe du sushi sans cesse ni pitié, jusqu’à en devenir hypnotique… Et après nous avoir à nouveau attendri la viande lors d’un « Crawling Dead » pétant le feu tout autant que nos dents (… on n’oublie pas les fondamentaux !), le groupe finit de brûler les éléments de décor encore debouts via « Possessed X Kill », final dantesque démarrant bille en tête comme le plus énergique des bidasses, avant de cramer la totalité de ses munitions – basse punk hyperactive, décélération saccadée, puis déversement systématique de napalm sur des terres environnantes pourtant déjà méchamment brûlées lors des six assauts précédents.
Du coup, c'est surpris, puis drôlement emballé, que l’on est, par cette Mandibule ne manquant pas de mordant ! On vous conseille donc de passer outre les douloureuses séances de dévitalisation de molaire que son patronyme vous rappelle, de ne pas lui tenir rigueur pour cette pochette minimaliste et monochrome – qui vaut mieux qu’un gribouillage généré par Midjourney, mais quand même – et de vous plonger dans ce Self Devourment, qui va délicieusement vous dévorer de l’intérieur…
La chronique, version courte : Mandibula est une association de musiciens chevronnés – mais jusqu’ici pas plus versés que cela dans l’OSDM –, qui propose, avec Self Devourment (son premier album), un gros pavé de Death moulé à la louche témoignant de ce savoir-faire et de cette précision méticuleuse qui caractérisent les meilleurs artisans. Durant ces intenses vingt minutes, on sent la terre trembler, les coups pleuvoir, les armées infernales se préparer à la grande razzia finale, comme si Solekhan et les légions du Death polonais de la fin des 90s s’étaient alliés pour ressusciter le cadavre de Morbid Angel et en faire le dernier des boss de fin de niveau de Grand Theft Auto 666 : Fury Road.
2 COMMENTAIRES
Pingouins le 14/06/2024 à 12:56:43
Ah il me semble que j'avais écouté quelques uns de leurs morceaux, faudra que je tente cet album
Crom-Cruach le 14/06/2024 à 13:31:34
Pas accroché
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