Meth. - SHAME

Chronique CD album (43:42)

chronique Meth.  - SHAME

« Nous sommes arrivés sur les lieux après un coup de fil du voisin de palier. Une odeur viciée s’était infiltrée depuis quelques jours dans son logement ; étant donné que l’étage ne comptait que deux appartements, il ne lui fut pas bien compliqué de deviner son origine. Après qu’il eut tambouriné la porte du locataire en vain et obtenu pour seule réponse qu’un silence mortuaire, le pauvre homme fit appel à nous. À notre arrivée, le fumet pestilentiel qui suintait dans le couloir ne laissait que peu de doutes sur la nature de l’émanation ; d’autant plus après avoir pris connaissance du témoignage dudit voisin, qui nous avoua ignorer jusqu’alors la présence d’un éventuel locataire, - pensant l’habitation inoccupée depuis toujours. La porte verrouillée, nous n’eûmes d’autres choix que d’enfoncer cette dernière afin de constater les dégâts.

 

Le logement accessible, nous entrâmes prudemment dans cet appartement à l'allure de caveau ; les effluves fétides s‘étaient maintenant mélangées aux miasmes typiques des environnements depuis trop longtemps scellés. Le corridor nous dirigeait vers une pièce de séjour plongée dans l’obscurité. En enclenchant l’interrupteur, le lustre suspendu au plafond révéla l’étendue de l’horreur esquissée par la puanteur : dans ce décor dévasté était disposé un corps massacré. A l’instant où mon regard se posa sur ce sinistre spectacle, je pensais au médecin légiste qui allait devoir réassembler tout ça. Il était difficile de prétendre que ce charnier n’était composé que d’un seul et unique cadavre, mais ce fut pourtant le cas. La lumière n’avait nullement dissipé les ténèbres.

 

En pénétrant dans ce cloaque, nous remarquâmes que le parquet était entièrement recouvert d’une boue noire entremêlée de sang, - substance aussi collée à la tapisserie déchirée et au mobilier éparpillé. Les exhalaisons étaient telles que nous n’eûmes d’autres choix que d’aérer la pièce en ouvrant la fenêtre, mais à peine les rideaux tirées nous découvrîmes qu’en lieu et place d’une vitre, il n’y avait là qu’un rempart de briques. Une dizaine de crucifix de tailles différentes étaient suspendus aux murs de l’habitation et plusieurs bibles dépouillées de versets arrachés étaient disséminés sur le sol, - seuls les plateaux jonchés de métamphétamines trahissaient l’atmosphère dévotieuse de la crypte que nous venions de profaner.

 

La région était connue pour être le théâtre de scènes de crime situées à la frontière du cauchemar, - l’œuvre de maniaques hallucinés aux motivations mystiques. Je me rappelle les actes barbares ayant traumatisé la population en 1997, perpétrés par un meurtrier au nom emprunté d’un élu politique gay assassiné ; ou encore des disparitions jamais élucidées, revendiquées par un certain Toadliquor, et qui s’en gargarisait à la presse via des lettres anonymes. Depuis lors, nombreux furent ceux à emprunter le sentier tracé par ses œuvres. Néanmoins, si ce tableau macabre faisait émerger le souvenir d’anciennes affaires classées, le modus operandi l’éloignait des tueries auxquelles j’avais été confronté jusqu’alors. La brutalité avec laquelle cette personne avait été mise en pièce se positionne bien au-delà des carnages précédemment observés dans les environs ; la dépouille, - ou ce qu’il en reste – témoignait les traces d’une sauvagerie effrayante et inhabituelle.

 

Les premières analyses effectuées sur le cadavre eurent pour effet de réveiller chez moi les réminiscences d’une enquête que m’avait partagé un collègue il y a quelques temps. Au cours d’un transfert à l’étranger, il fut le témoin privilégié des agissements d’une secte coupable d’atrocités d’une extrême cruauté, et qui s’inscrivaient dans le cadre de rites liés à un ancien culte oublié. Ce groupuscule comptait à sa tête un gourou, dissimulé derrière un déguisement reconnaissable à l’horloge imposante dans laquelle celui-ci enfouissait son crâne. Les informations qu’il m’avait méticuleusement détaillées faisaient affreusement écho aux éléments qui se déployaient devant mes yeux ces dernières heures. Était-ce là un hasard ?

 

Alors que mes collègues abandonnaient les lieux – non sans avoir évacué le défunt et collecté les pièces à conviction -, mon regard dériva vers une trainée de goudron noir qui s’évadait hors du salon, en direction d’un petit vestibule faiblement éclairé. Ce ruisseau graisseux poursuivait sa route vers un mur décrépi et escaladait celui-ci jusqu’à une peinture d’où cette vase semblait naître. Depuis lors, la vision de cette énigmatique toile, - bichrome de noir et de rouge dans laquelle se promène une enfant en larme accompagnée d’un couple sans visage – me hante chaque nuit sans que je puisse en comprendre la raison. »

photo de Arrache coeur
le 19/02/2024

10 COMMENTAIRES

Moland

Moland le 19/02/2024 à 22:19:42

Audacieuse chronique pour 1 album qui ne sortira pas de mon top2024. Quelle tuerie !

Arrache coeur

Arrache coeur le 19/02/2024 à 22:38:57

Merci pour ta lecture et ton commentaire. :)

J'avoue avoir eu du mal à me remettre de la noirceur abyssale de cet album, et je me suis retrouvé assez désemparé à mettre des mots pour exprimer les sentiments qui surgissaient à l'écoute. Finalement, décrire ce "Shame" via une courte nouvelle me paraissait plus simple pour décrire l'ambiance complétement folle et brutale de ce truc (bien qu'audacieux j'en conviens haha).

D'autant plus que je pense qu'il s'agit du genre d'œuvre à découvrir l'esprit un peu vierge d'indications afin de profiter de l'effet de surprise qui fut assez dévastateur chez moi haha. Ce break à 6:10 sur Blackmail, ça m'a littéralement décomposé à la première écoute.

Quelle claque phénoménale !

Moland

Moland le 20/02/2024 à 11:04:56

Ça m'arrive très souvent, depuis quelques années, d'enchaîner systématiquement 2 albums quu me parlent, dans le même esprit. L'année dernière c'était Slowdive et Blonde Redhead, L'année précédente Chat Pile et Ditz... En ce début d'année, cet album et celui de Baratro. Je te recommande. 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/02/2024 à 22:40:53

Tu attires mon attention.

Arrache coeur

Arrache coeur le 25/02/2024 à 10:44:51

Curieux d'avoir ton retour. Il y a moyen que ça te parle ! 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 27/02/2024 à 21:08:58

Je fus attiré par le côté Death de l'intitulé. Il n'y en a pas. Alors le côté lent et chaotique n'est pas ma tasse de houblon du coup. Il n'empêche que la chro colle parfaitement au truc.

Arrache coeur

Arrache coeur le 27/02/2024 à 21:46:56

Alors, pour être honnête, le "death experimental" est surtout là par rapport au riffing inspiré de Portal. Je comprends la fausse piste du coup haha, merci pour la remarque !

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 27/02/2024 à 21:54:36

Cromy ne connait pas la nuance. Quand il y en a peu, lui dira qu'il n'y en a pas.
A chaque chro de Moland (et les classifications qui en découlent), je me marre en imaginant la tête de Crom...

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 27/02/2024 à 22:24:34

S'il n'y avait que lui... (Soupir poussé entre le désespoir et la résignation)

Moland

Moland le 27/02/2024 à 22:58:13

Eh, je vous lis OKAYE 

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