Mirar - Mare

Chronique mp3 (29:49)

chronique Mirar - Mare

Mon algo Spotify galère de plus en plus à me surprendre, surtout avec quelque chose comme 3627 tracks dans mes titres likés. De quoi finir par douter de la fiabilité proverbiale que je lui loue depuis le début de mon abonnement… Jusqu’à ce qu’un nouvel éclair de génie, le genre à ne lui prendre que tous les dix mois, ne traverse ses petites données pour me rassurer, à l’instar de la « Madeleine » ayant récemment titillé la glande mnésique de mes esgourdes. Une bonne occasion de partager une découverte à tous les niveaux, Mirar s’étant formé il n'y a pas plus de deux ans et n'ayant pour l'instant qu'enchaîné single sur single.

 

Rien que le sous-genre que j’ai accolé à Mare ne doit rien au fruit du hasard ; comprenez bien la difficulté que peut représenter la tâche de synthétiser en une formule claire le brouillon de mon paragraphe réservé aux sous-genres, dont le copié-collé donne à peu de choses près « HxCx mathcore  // prog baroquecore – expé/noisyyy – deaht/doom djrrnt ???? » ; n'est pas Cglaume qui veut… D'autant que les premières notes de « Rachma » ne donnent pourtant pas forcément le ton à ce niveau-là et, aussi soignées soient-elles, ne confineraient qu’au croisement entre Meshuggah et Betraying the Martyr – une bonne chose malgré tout, n'allez pas sortir ce commentaire de son contexte ! L’entrée en matière à base de piano de comptine enchaîné sur une succession indolente de riffs ultra saturo-syncopés plonge en effet dans une atmosphère de djent assez exotique dans ses modulations.

 

Dès « Rose Bonbon » pourtant, la doucereuse caresse de l’hybridation chatouille un peu plus chaque nouvelle minute passée en compagnie de Mirar. Tout au long de l’album tabassent sec de très courts blasts saccadés en appui de mélodies ultra stridulantes avec une rage ne qu’envierait rien de moins que Frontierer (« Oslo » pour la plus exaltante). Sans que jamais ne s’atténue l’état de transe permanente diffusé par une brassée de nappes atmosphériques mystico-indus (« Hestehov » en tête) aux agréables accents de Vildjartha – ça ne trompe pas d’ailleurs : ledit groupe figure ostensiblement dans leurs tags Bandcamp. Poussée à l’extrême dans sa structuration, la combinaison de tous ces aspects laissera, au choix, soit aller au rire moqueur provoqué par l’impression de parodie de djent qu'elle peut produire, soit conquérir par la grâce surnaturelle qui peut s’en dégager.

 

Véritable labyrinthe de riffs écrasants, de breaks ambients poisseux et d’envolées lyriques délicates à base de clavecin (!) et de piano, Mare se construit mentalement au fil d’une écoute apaisée assortie d'un certain masochisme. Pièces de Rameau, Invention n°13 de Bach et Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov y côtoient un torrent de brutalité cathartique aux multiples facettes que distillent sa polyrythmie tout comme un florilège de velléités extrêmentales. Dans une construction parfaite, brillamment résumée par les neuf minutes – le double de la deuxième plus longue du skeud – de la track finale « Cauchemar » en, effectivement, un cauchemar rythmique et archite(x)tural ponctué de ses arpèges oniriques paradoxalement plus débridés que reposants dans leur positionnement.

 

Lourde comme un porte-voitures à portes-voitures, grasse comme un sceau de vingt sceaux de tenders KFC, précise comme un tir calibré par lunette de visée holographo-télescopique infrarouge ACOG à rayonnement plasmo-dynamo-xylophographique malgré l'impression de bordel ambiante – tout un art, j’vous dis ! –, la musique de Mirar pénètre et transporte son auditeur dans un abîme insondable d’exaltation sonore. Une griserie musicale que je n’avais pas connue depuis « Elusive Mojo » (Ecstatic Vision, au cas où celle-là n'aie pas encore provoqué votre kif de la décennie ; d'ailleurs je vous ai même mis le lien z'avez plus d'excuse), qui fait donc sans doute jouer la nostalgie au-delà de la prétendue objectivité analytique. Mais si les voyages intérieurs, finalement, ont ceci en commun avec les chroniques d’albums qu’ils n’engagent que le point de vue de leur transcripteur, les deuxièmes ont au moins l’avantage de pouvoir vous motiver à réaliser les premiers.

photo de Aldorus Berthier
le 26/07/2024

13 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 26/07/2024 à 11:59:32

Bigre, quelle chro !
Et quel enthousiasme !
Y'a des chances que ça me cause pas, mais j'irais bien y guetter pour z'y voir.

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 26/07/2024 à 13:29:41

Eheheh, un coup de cœur ça ne s'invente pas ! 👍

cglaume

cglaume le 26/07/2024 à 13:59:16

J'aurais attribué la même étiquette à vus de nez haha

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/07/2024 à 16:51:34

C'est moi ou y'a pas un mot sur mon tableau préféré du Caravage "Judith décapitant Holopherne"?

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 26/07/2024 à 18:08:16

@Cromy Disclaimer : moi jsuis plus littérature, la peinture ça m'ennuie. Je raconte déjà tellement de conneries dans mes chroniques, si en plus j'y dis de la merde sur l'art tu vas encore plus me détester 👀

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 26/07/2024 à 21:12:20

Quelle est donc cette allégation sans source ni fondement ?

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 26/07/2024 à 22:28:27

Quoi donc, que tu me détestes ? Ah mais il n'y a rien d'allégué dans la mesure où si ce n'est pas le cas eh bien concrètement ça ne fait aucune différence ! 😁

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 27/07/2024 à 08:09:34

Et vice versa 

Pingouins

Pingouins le 27/07/2024 à 14:34:06

En ce qui concerne Mirar : sympa comme disque, j'aime vraiment bien l'usage des dissonances, un peu plus que chez HLB ou Vildjharta, mais par contre je trouve que ça se cache parfois un peu trop derrière la grosse prod pour donner du relief (d'autant plus du fait de l'absence de chant). Du coup comme dans tout ce courant "thall" machin là, j'ai tendance à voir pointer l'ennui à mesure de l'écoute, parce qu'il manque un peu cette rage et cette passion qu'on peut trouver ailleurs. 
Là c'est déshumanisé et mécanique et c'est le but du style (encore des suiveurs de Meshugg' hein on va pas se leurrer), mais du coup y'a un côté trop homogène je trouve, malgré les différences internes aux compos.
Ceci étant dit, je l'ai quand même écouté plusieurs fois et l'ai malgré tout apprécié :)

Pingouins

Pingouins le 27/07/2024 à 14:35:31

Et la pochette me fait penser au dernier Lifecrusher aussi, bien que le trait soit complètement différent :)

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 27/07/2024 à 16:23:07

Définitivement typé Meshuggah, la question se pose même pas. Pour aller dans ton sens j'ai même vu jsais plus où un commentaire noté le plus bas qui se disait que ça donnait beaucoup trop l'impression d'être fait par une IA. Mais bon que veux-tu, je suis si mauvais public que ce genre d'expérience je m'y laisse entraîner beaucoup trop volontiers 👌

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 01/08/2024 à 11:25:54

@Pingouins : c'est le Caravage nom d'une petite décapitation.

noideaforid

noideaforid le 10/08/2024 à 14:52:54

C'est le genre d' "œuvre'' malaisante et irritante comme quelqu'un qui ronge ses ongles en tenant une conversation. ça me fou même la nausée en fait. Je comprends vraiment le trip musical( qui n'est pas pour moi) c'est vraiment une torture pour mes nerfs. En gros je trouve ça pas assez glaireux.

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