Monochromatic Black - Pneuma

Chronique CD album (23:57)

chronique Monochromatic Black - Pneuma

Parmi les choses parfois pénibles lorsque des groupes deviennent des phénomènes de mode, et quand bien même ces groupes ont le talent pour le mériter, la cohorte de gens qui passent leur temps à dire que leur combo favori a tout inventé se pose là (bon, je dis ça, mais je suis le premier à dire que ça ne servait plus à rien de faire de la musique après Ekkaia, qui ont définitivement plié tout le monde). Prenons Jinjer par exemple. Très bons musiciens, excellente chanteuse à la versatilité certaine, forte présence sur scène. Mais pas mal de monde a tendance à oublier (ou à ignorer, simplement, puisque ce groupe sert beaucoup de porte d'entrée vers l'"extrême") que des chanteuses capables d'enterrer bon nombre de vocalistes mâles lorsque l'on en vient au growl, ça fait pas mal d'années que les scènes de tous les pays en voient passer, dans autant de groupes qu'il existe de styles. Et que les groupes actuels ne sont donc pas nécessairement des copycats des Ukrainiens. Mais si vous lisez CoreandCo, vous êtes a priori déjà au courant.

 

On peut donc peut-être commencer à s'intéresser à d'autres formations, sans faire de ce « groupe phare » une référence absolue. Et donc découvrir de plus petits groupes qui suivent leur propre voie.

 

Parmi ceux-ci, Monochromatic Black, originaires de Long Island (New York), qui en 2019 délivrent ce premier album, Pneuma. Puisque l'on a commencé par parler des parties vocales, continuons sur cette voie : si les quelques parties claires de Tanya Beickert sont somme toute assez banales, similaires entre elles et de fait pas inoubliables, le reste fait plus ou moins l'effet de se prendre un train lancé à pleine vitesse sur le coin de la gueule. Comme Mallika de chez Abnormality, Makiko de Monnier / Flagitious Idiosyncrasy in the Dilapidation ou Ira de Dehydrated, non contente de pouvoir exhaler des lignes de chant assez basses pour labourer la terre qui n'ont rien à envier aux velus et suants chanteurs de grind ou d'autres groupes deathcore (« The Herd »), Tanya fait preuve d'une impressionnante capacité à varier les techniques et les hauteurs de ses hurlements, du ton plutôt haut placé et nasal proche du black metal au gruik gruik profond le plus death qui soit (« Visage »), le tout avec un grand contrôle. Les pistes vocales sont souvent doublées pour accentuer cet effet de profondeur, certes, mais la performance n'en est pas moins remarquable. Un dynamisme très réussi donc du point de vue vocal, et qui à mon sens justifie déjà en soi l'écoute de ce disque.

 

Du point de vue strictement musical ensuite, sur les six morceaux structurant Pneuma, Monochromatic Black se détachent un peu des standards du deathcore, en proposant un emballage parfois assez progressif (« Dream Catcher »), sans en faire des tartines non plus, entremêlé de passages plutôt death technique (« Phosphenes »). On y trouve donc pêle-mêle du bon vieux blast des familles, une grosse caisse qui souffre le martyr, de la rythmique syncopée, des gros breakdowns qui tâchent les murs du sang échappé de vos nez cassés sur un mouvement malencontreux autour de coups de charley isolés après quelques notes de corde à vide, des solos de guitare pas trop exubérants et un batteur survitaminé au touché toujours assez intéressant.

 

Mais on n'est pas seulement sur une démonstration de technique et de violence, un certain nombre de passages restent assez catchy (« The Herd », « Phosphenes ») et rendent l'écoute véritablement fluide. Là encore, beaucoup de dynamisme dans la musique, donc. Aucune monotonie ne s'installe, le groupe gère très bien ses temps forts et propose un ensemble de compositions de grande qualité.

 

Quant à l'idée générale derrière Pneuma, celle que l'on retrouve dans les paroles à mesure que l'on progresse, il s'agit d'une reprise de confiance, de l'estime de soi, grâce à laquelle, même avec un moral plus bas que terre, on peut se relever et retrouver la force d'aller de l'avant, à travers nos épreuves et nos expériences. Pas loin de ce qu'on peut trouver plus régulièrement dans le hardcore que dans le death et assimilés, donc.

 

La production (autoproduction, d'ailleurs) est très bonne, très propre, la voix logiquement assez mise en avant puisqu'il s'agit de l'un des arguments de vente majeurs du groupe (mais bien loin d'être le seul), mais on peut regretter de ne pas percevoir la basse plus souvent que lorsque celle-ci est isolée, car elle se noie un peu dans la saturation générale. Il n'empêche que le travail réalisé à ce niveau est excellent.

 

Bref (car ce disque l'est : 24 minutes d'un bout à l'autre du tunnel), un début tout à fait convaincant pour cette jeune formation, qui – espérons-le – ne succombera à ce qui arrive trop souvent aux groupes extrêmes avec chanteuse : privilégier la valeur choc de l'image à l'expression de leur talent dans leur musique.

Sur Pneuma, c'est plus que réussi, et les membres de Monochromatic Black expriment pleinement une personnalité qui leur est déjà propre, ce qui n'est pas rien pour un premier album.

On attend impatiemment la confirmation avec le prochain, a priori en court d'écriture.

photo de Pingouins
le 28/09/2021

12 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 28/09/2021 à 11:08:55

"des chanteuses capables d'enterrer bon nombre de vocalistes mâles lorsque l'on en vient au growl, ça fait pas mal d'années que les scènes de tous les pays en voient passer". Pas d'accord: en réalité leurs vocaux sont souvent interchangeables et font immanquablement penser plus ou moins à la daronne Gossow. Pour une Malika et une Makiko, combien de copycats existent ?

Pingouins

Pingouins le 28/09/2021 à 16:00:31

Ok, j'ai peut-être un poil forcé le trait, mais il n'empêche qu'on en trouve quand même désormais un certain nombre avec une vraie personnalité stylistique et une vraie profondeur dans le chant, et je trouve que Beickert ne s'en sort vraiment pas mal, dans un style qui n'est pas du tout celui de Gossow pour le coup.

el gep

el gep le 28/09/2021 à 16:37:38

Moi je me demande s'il ne serait pas plus intéressant que des chanteuses essaient de proposer des voix extrêmes sans forcément vouloir trop ressembler à ce que font leurs acolytes mâââles. Enfin, c'est souvent plus ceux qui en parlent qui disent ça et ce ne sont pas forcément les intentions des dites chanteuses à la base, certes voui. Mais bon, 'voyez ce que je veux dire?
Ca existe dans le Punk, Crust et Hardcore je crois. Cela dit. Bref.

Pingouins

Pingouins le 28/09/2021 à 16:59:08

@ gep : il va falloir en revenir à Julie Christmas, encore et toujours :) :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 28/09/2021 à 18:32:45

Yep Gepeto dans le HxC, mais quand tu vois et entends la Candace de WoJ, tu te dis que les mâles sont vraiment à l'amende...

Freaks

Freaks le 28/09/2021 à 18:53:06

C'est toujours dommage pour des meufs de s'aligner sur des canons vocaux masculins.. Walls of Jericho, Butcher Babies etc., en sont les exemples les plus stéréotypés à ma connaissance même si effectivement pour les dernières ça growls méchamment. Effectivement Pingouins, Julie Christmas propose un truc vraiment intéressant.. Un chant féminin, complexe et puissant... Pour le coup je trouve que ça a beaucoup d'GUUEULLLE! :p

el gep

el gep le 29/09/2021 à 10:16:42

Ah pardon Cromy, mais oui, aussi dans ce sens-là, WoJ, tout ça... Ce que je voulais dire, me suis mal exprimassionné, c'est que tu trouves des femmes spécialement dans le Punk, le Crust ou le Hardcore qui justement n'essaient pas de faire tout pareil (ou mieux) que les bonshommes, tout en s'éclatant la gueule tout autant, tout autant, différemment.
Brouef...

8oris

8oris le 30/09/2021 à 10:23:24

Le problème, c'est que les voies saturées s'obtiennent majoritairement avec une technique qui n'utilise pas les cordes vocales mais les bandes ventriculaires. Plus c'est saturée (growl), plus c'est comme ça que ça fonctionne.
Du coup, la distinction physionomique homme/femme est extrêmement gommée. Du coup, il est vraiment délicat pour une femme qui chante en saturé de ne pas sonner comme...n'importe quelle autre voix saturée (masculine ou féminine). La différence se fera au niveau de la résonnance, de la gestion du souffle qui vont conférer plus ou moins de puissance au (à la) chanteur(se).


Bon, sinon, j'ai écouté ce Pneuma, convaincu par la chro convaincante du Lapin et...j'ai été assez déçu. Ils sont tous très bon mais j'ai trouvé ça fouilli et totalement random. Il y a quelques passages intéressant mais globalement ça manque de cohésion et/ou de cohérence pour moi. J'y aurai pas mis 4/10 non plus mais j'y aurais pas mis 8,25/10! ;)

el gep

el gep le 30/09/2021 à 11:33:44

Eh-hé merci pour les informations techniques Boris!
Mais justement, dans la vie (mêmes des voix extrêmes) y'a pas que le growl!

Pingouins

Pingouins le 30/09/2021 à 14:44:50

@ Boris : j'avoue, je me suis aussi peut-être un poil laissé emporter par l'enthousiasme, parce qu'il est arrivé à un moment de ma vie où il tombait à pic, donc j'y associe peut-être un peu plus que je ne devrais et j'ai une certaine affection pour le groupe. Disons que ce sera la chronique "coup de pouce" ;)

(pour nuancer j'ai été hyper déçu par les titres qu'ils ont proposé plus récemment)

Et j'ai toujours autant de mal à mettre des notes sur la musique, donc ça peut être un peu random en effet ahah ;)

8oris

8oris le 30/09/2021 à 19:24:52

On est d'accord, mettre des notes, c'est compliqué mais je sais bien que ça n'engage que le chroniqueur.
Au fait, 1000 confuses, j'ai écrit "lapin" au lieu de "pingouins" dans mon précédent. Il y a tellement de bonnes plumes sur ce site que je les confonds. XD

cglaume

cglaume le 30/09/2021 à 22:27:55

Les bonnes plumes, c'est facile: c'est le pingouin. Le lapin se balade tout le temps à poil, lui. Mais c'est vrai qu'on va et écrit à poils et à vaplumes sur ce webzine :D

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