Navian - Reset
Chronique Maxi-cd / EP (20:57)

- Style
Modern Prog printanier - Label(s)
Indie Recordings - Date de sortie
2 septembre 2020 - écouter via bandcamp
Pour certains, sans cuir ni martinet ni pinces électrifiées, nulle érection. Pour d’autres, sans poils ni violence ni Bleuâârgl abyssaux, nul orgasme auriculaire. Sans doute Navian est-il compatible avec les exigences du premier de ces deux groupes. Par contre Reset risque d’avoir du mal à emmener les membres du second au nirvana de la jouissance musicale. Car non seulement les photos officielles des Norvégiens montrent un trio de gentils garçons semblant avoir brillamment réussi leurs études de Communicants en Entreprise. Mais de plus, après vérification, leur musique ne contredit que faiblement l’adage qui prétend que l’habit ne fait pas le moine. Car sur ce premier EP on ne trouve ni démon grimaçant sodomisant des boucs, ni psychopathe pratiquant l’ablation de la vulve au canif, ni viking ensanglanté se taillant des pointes de flèches dans les tibias de ses ennemis. De fait Reset n’est que volupté, élégance et fraîcheur. S’il était un plat, ce serait un carpaccio de langouste sur lit de poires et basilic. Si c’était un paysage, ce serait de verdoyantes collines où gazouille un riant ruisseau. Si c’était une pratique érotique, ce serait un massage pelvien à la plume d’autruche.
Si vous décidez malgré tout de continuer la lecture de cette chronique, il est temps de vous déchausser, d’abaisser le dossier de votre chaise-longue et de remettre des glaçons dans votre verre de Martini, car ce que je vous propose à présent, c’est une escapade de 20 minutes à Metal Prog Wonderland…
Notre guide en ces contrées – Navian, donc – joue dans la catégorie des Animals As Leaders et autres Scale The Summit : il propose un Metal instrumental de très haute volée où la technique est mise au service de la réalisation d’époustouflants tableaux naturalistes. Très peu typé « Djent » (contrairement à la formation de Tosin Abasi), le trio osloïte n’a pas son pareil pour suggérer la douce caresse des rayons du soleil sur la joue, le souffle d’une brise légère sur les avant-bras, l’odeur puissante du jasmin, ou les hauteurs vertigineuses de massifs imposants. Pourtant les bougres sont jeunes encore, leur licence en musique contemporaine est encore toute fraîche, et ceux-ci pourraient donc vouloir montrer à un public impressionnable combien ils ont de solides chances de médailles au concours de celui qui a la plus grosse maîtrise instrumentale.
Mais il n’en est rien : la guitare de Martin est avant tout narrative, la basse de Christian rassurante, et la batterie d’Ola sobrement motrice, les trois compères arrondissant encore un peu plus les angles à l’aide d’un clavier qui apporte volume et rondeur à des compos toujours accueillantes. « Blank Space » est sans doute le morceau qui laisse le plus entendre ses racines « modernes » ainsi que sa parenté avec Animals As Leaders. Pourtant ceci ne l’empêche nullement de dessiner dans le ciel azur de majestueuses arabesques, tel une Patrouille de France s’abandonnant l’espace de 5 minutes à des aspirations poétiques peu en phase avec sa nature militaire. Ces premiers pas dans l’univers de Navian sont également l’occasion pour celui-ci de mettre les choses au clair : oui, son monde est effectivement moelleux et bienveillant, mais il n’en reste pas moins Metal. D’où une bonne petite salve de blasts à la toute fin du morceau. Plus vaporeux et frais, « Schoolyard » est la sérénité faite Prog. Le titre nous emmène loin de la ville afin de nous révéler les secrets de Dame Nature dans toute leur majesté, leur complexité, mais aussi leur tranquillité. « Shiba » prolonge cette étude en y ajoutant une pointe de lyrisme pastoral, l'exercice se concluant sur une symphonie de couleurs papillonnantes provoquant ce genre de plaisir béat qu'on avait ressenti en découvrant le All Hail Bright Futures de And So I Watch You From Afar.
Aaaahh qu'on est bien... L’horizon est plein de promesses, l’altitude grisante, le vertige joyeux.
S’il souligne sans ambiguïté le côté clairement bobo de la formation, le titre « Match Tea » indique également le caractère extrême-oriental d’une 4e piste qui, sans jamais tomber dans la caricature, nous emmène rêvasser sur les versants du Mont Fuji. Le clavier adopte pour l’occasion les petits pas de la geisha pour un rendu proche de celui d’un xylophone, tandis qu’à 0:25 le groupe cale un break court et décalé semblant extrait d’un jeu Capcom. Et l’escapade de s’achever sur un « Multiplayer » à nouveau plus dense mais toujours aussi mélodiquement lisible, qui laisse à intervalles réguliers admirer de somptueux paysages marins où tout n’est que nacre, coraux complices et scintillements amicaux.
C’est vrai, ce track-by-track bourratif est peu représentatif de l’équilibre, de la justesse et de l’harmonie à l’œuvre sur ces 5 titres. Mais il faut dire, pour ma défense, que le pouvoir d’évocation du trio norvégien invite instamment le chroniqueur à se lancer dans une description passionnée de ces paysages qu’on lui laisse entrevoir. Et il faut avouer que c’est autant un plaisir qu’une gageure d’essayer de mettre des mots sur les sensations que la musique de Navian provoque. Maintenant espérons que ces débordements d’enthousiasme seront contagieux et qu’ils titilleront votre curiosité. Car pour se déconnecter d’une actualité anxiogène, d’un boulot stressant et des problèmes du quotidien, rien de tel que ce reboot musical salvateur.
La chronique, version courte: premier EP verdoyant d’un jeune trio de petits prodiges, Reset décline les univers d’Animals As Leaders et Scale The Summit dans des tableaux naturalistes époustouflants qu’on imaginerait sans mal illustrer une version américaine mais inspirée des docus de Yann Arthus-Bertrand.
2 COMMENTAIRES
pidji le 14/09/2021 à 22:11:26
Très sympa cet EP !
Moi ils me font penser à THE SAMUEL JACKSON FIVE, qui est également un groupe norvégien, comme quoi.
cglaume le 14/09/2021 à 22:46:06
Connaît pas ton hybride. C'est les mêmes qui jouent dans Emile Louis Armstrong ? :D
Il faudrait que j'écoute ça !!
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