Negură Bunget - OM

Chronique CD album (01:07:10)

chronique Negură Bunget - OM

Féconde, mais heurtée. L’histoire du groupe roumain Negură Bunget semble définitivement chevillée à ces deux adjectifs. D’aucuns l’associent très volontiers à leur pièce maîtresse OM, sortie en 2006, offrant alors une des références Black Metal des années 2000, peut-être même bien davantage. Trois ans plus tard, les tensions internes sont à ce point intenables que les guitaristes et fondateurs, présents depuis les débuts en 1995/96, à savoir Edmond "Hupogrammos" Karban et Cristian "Sol Faur" Popescu, quittent la formation. Ces deux gars de Timisoara se consoleront avec la formation Dordeduh qui sortira d’ailleurs en mai 2021 un second album Har. À cette occasion, une phrase mentionnée sur leur compte Bandcamp m’a intrigué : « Tous les deux ont eu un rôle majeur dans la composition du chef-d’œuvre OM de Negură Bunget, lequel a permis de manière essentielle de placer la Roumanie sur la carte de la heavy music. » Comme si, quatre années après la disparition tragique du batteur originel Gabriel "Negru" Mafa qui avait continué l’aventure Negură Bunget avec un nouveau line-up, les plaies ne s’étaient toujours pas cicatrisées. Comme si le conflit musical avec le groupe actuel Sur Austru, « né des cendres » de cette formation transylvanienne désormais mythique, était encore bien vivace.

 

Sorti il y a 15 ans maintenant, OM cristallise certes certaines crispations entre musicos roumains, mais il dégage une aura toujours aussi magnétique, à la mesure de l’exigence, de l’investissement et de l’expérience mobilisés pour ce travail. Sans oublier une originalité assumée, revendiquée même, car il s’agit autant là d’une aventure musicale, d’une quête spirituelle que d’une recherche culturelle autour d’une terre – la Transylvanie – riche de sa langue (n’attendez rien d’autre que l’usage de l’idiome autochtone), de son histoire locale, de ses coutumes non travesties, de ses paysages intacts (on pourrait malhabilement traduire « Negură Bunget » par « forêt brumeuse »).

 

Il y avait et il y a encore de quoi rester coi devant un Metal si délicat à catégoriser [désolé pour l’allitération] :

BM atmosphérique ? symphonique ? progressif ?

Dark Folk ?

Pagan ? 

Heavy ?

Post ?

Avant-garde ?

Metal transylvanien, tout « simplement », qui offrit alors tant de créativité et d’expérimentations, que vous trouverez condensées – je trouve – dans le sublime "Cel Din Urma Vis", véritable titre-vitrine.

 

Écouter OM, c’est être attiré dans les rets d’une musique magnifiquement épique et sombre, c’est emprunter un parcours spirituel et initiatique au moyen notamment de certaines pièces telles que "Ceasuri Rele", "Primul Om" et "Al Doilea Om" volontairement débarrassées de saillies à la guitare pour mieux dresser les contours d’une atmosphère intrigante, planante mais menaçante. Arpenter les presque 13 minutes "Tesarul De Lumini" – un bijou absolu – me condamne à poursuivre avec des remarques toujours aussi laudatives : la triple faute à un chant habité de Hupogrammos, à un clavier maîtrisé, à des riffs cristallins. OM ne tiédit pas – tout au contraire il s’épaissit – lorsqu’une teinte folk semble prendre le dessus ; l’usage d’instruments traditionnels, tels que la flûte de pan, le bucium (ou tulnic) ou le xylophone, transfigure la musique, transcende les émotions et fait alors voyager l’auditeur dans les contrées lointaines des Carpates ("Cunoasterea Tacuta", début de "Inarborat", "Norilor", "Hora Soarelui" et son riffing hypnotisant, "Al Doilea Om"). Que voulez-vous ? Ces Roumains étaient vraiment dévoués à leur cause, déterminés à mettre ainsi à l’honneur le génie et l’esprit transylvaniens ! Mais attention, même les trve Blackeux y trouveront leur intérêt avec des créations bien trempées dans l’âpreté et l’agressivité du Metal noir, comme les excellents "Dedesuptul" et "De Patria" (woaw quelle entame !).

 

Résumons :

-Oui, OM est devenue une référence, un classique peut-être même, qui est parvenu à dépasser le périmètre musical par trop étroit du Black Metal et à offrir ses lettres d'or au Metal transylvanien.

-Oui, cette offrande a autorisé de nombreux metalheads à parfaire leur connaissance géographique de l’Europe, en essayant enfin de placer la Roumanie sur une carte.

-Oui, Negură Bunget est une authentique figure tutélaire, qui, au-delà de la vaine lutte d’héritage menée actuellement par Dordeduh et Sur Austru, a sans doute autorisé à sa flopée de rejetons (Ordinul Negru, Daius, Harmasar, Din Brad, …) de montrer la qualité et la densité de la scène roumaine, qui n’a absolument plus rien à envier en cette prolifique année 2021 au Black Metal pratiqué par ses imposants voisins européens.

 

photo de Seisachtheion
le 18/04/2021

3 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 18/04/2021 à 18:12:03

Pagan atmo pour moi...

Xuaterc

Xuaterc le 18/04/2021 à 19:49:12

Un classique et un mètre étalon

Xuaterc

Xuaterc le 18/04/2021 à 19:56:08

Et le flûtiste a enregistré un très bon album sous le nom de Marțolea
https://martolea.bandcamp.com/album/g-lmele-ntunericului

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