Noir Corbillard - Noir Corbillard
Chronique CD album (27:20)

- Style
Post-hardcore-punk - Label(s)
Suicide Collectif Records - Date de sortie
15 March 2024 - Lieu d'enregistrement Disvlar Studios
- écouter via bandcamp
Au moment où, comme un con devant mon clavier et avec pour seule compagnie un mug de café (pas de clope, je ne fume pas) lors d'un samedi grisâtre, je me demandais comment entamer cette chronique – c'est toujours compliqué de trouver les premiers mots desquels le reste va découler – j'ai finalement opté pour laisser libre cours à l'instinct de mort, suite à un cheminement mental fait de quelques circonvolutions.
Et je gage que le quatuor de Noir Corbillard ne me tiendra pas rigueur de faire ressurgir le fantôme du Grand Jacques d'entre ses planches cloutées, pour que nous puissions faire office de terrible cortège en son sillage. Et je ne parle pas de celui pour qui « c'est trop facile de faire semblant », même si cela aurait aussi du sens, mais de l'autre, abattu par la BRI dans sa bagnole porte de Clignancourt le 2 novembre 1979 et qui, lui, disait « je ne suis pas un homme désespéré, mais un homme qui lutte pour une cause désespérée ».
Et ce malgré les revendications des croquemorts du groupe, qui qualifient leur parcours d'« errance musicale underground violente et désespérée », car se placer sous l'égide de cette figure tutélaire me semble tout à fait à propos pour parler de ce premier album, embaumé chez Steph Tanker.
L'ambiance, l'esthétique et les paroles, qui vont décliner les crasses et les colères du quotidien et malgré tout avancer plus ou moins dans la vie en trouvant quelques marche-pieds (certes noyés de distorsion) ici et là, et ce petit côté théâtral m'y conduisent.
Cet aspect 'représentation théâtrale' est d'ailleurs appuyé par la dissémination de plusieurs choses dans l'album, avec une impression que leur post-hardcore raw et parfois sludgy établit ses bases sur des fondements horror punk (et ce dès la pochette et le bel objet qu'est le cd), espèce de Cry baby sans comédie musicale et sans bellâtre au premier rôle, mais avec son lot de samples (dès le début de « Idées Noires », dans « Fatalisme » ou encore « Lueur » qui ressort un extrait du film Malveillance) ou de parties de 'chant' un peu geignard et/ou parlé qui, si je ne suis pas adepte de sa sonorité à ces moments-là (je préfère largement les voix hurlées), ajoute vraiment à cette approche de conteur : Noir Corbillard racontent des histoires.
Pas belles, non. Mais des histoires.
Des histoires qui, comme beaucoup, s'entrecroisent avec le réel. Où commence la fiction ? L'inspiration va-t-elle du réel à la fiction ou dans l'autre sens ? A vous de décider.
Ici, on aura donc une scénographie faite d'un son assez raw, d'un post-hardcore crasseux parfois mâtiné de noise-rock et de quelques touches screamo, d'un chant dont on sent parfois bien tous les polypes se former dans la gorge quand il aboie (« Paracon »), du punk qui va parfois tout droit (« la vie en bleus ») mais qui surtout marque très clairement l'ensemble de cet album. Même sur les derniers titres plus post-hardcore sldugiesque darko bidule, on sent bien que l'énergie qui propulse le moteur de ce dernier carrosse est le punk, chose que je trouve vraiment accentuée par le fait qu'on ne trouve qu'une seule guitare dans le groupe.
En bref, écouter pas mal de fois ce premier album de Noir Corbillard m'a donné deux envies : voir comment tout ça se passe en concert, et connaître la suite de leur histoire, car avec l'expérience qu'ils acquièrent collectivement du fait d'avoir fait ce disque, nul doute que nos croque-mitaines auront de nouvelles nuits à hanter dans le futur. Et je suis curieux de savoir ce que ça donnera, ce qui est un bon point.
Ensuite, j'y ai trouvé un équilibre surprenant, qui ne fonctionne peut-être pas toujours à merveille, mais qui leur donne à coup sûr une personnalité et une petite place à part. Et c'est parfois de ces petits décalages qui ne parviennent pas toujours à convaincre du premier coup que les groupes finissent par aboutir à avoir leur vrai « truc à eux » qui va faire toute la différence.
En attendant, je vous recommande de prendre le temps de l'écouter et d'aller les soutenir s'ils passent vers chez vous. Avec un peu de bol, ils vous accompagneront pour votre dernier voyage.
A écouter comme on regarderait un bon vieux Carpenter en trinquant avec le Grand.
0 COMMENTAIRE
AJOUTER UN COMMENTAIRE