Primordial - Redemption at the Puritan's Hand

Chronique CD album (01:03:58)

chronique Primordial - Redemption at the Puritan's Hand

Quatre ans après avoir donné naissance à l'un des plus grands albums de la décennie, Primordial revient à la charge et offre enfin au monde un successeur à son prodigieux To The Nameless Dead. Remettre le couvert après avoir engendré un tel monument est chose hasardeuse, l'attente est grande et lorsqu'on s'est habitué à l'ambroisie impossible de tolérer une piquette de bas étage. Le résultat est à la hauteur des espérances, Redemption At The Puritan's Hand est une véritable pépite qui permet à Primordial de s'assurer une place de choix au Panthéon du Metal. Album somptueux.

 

Au fil des ans, Primordial a traversé les différentes strates du Metal pour évoluer d'un Black Metal rustique (et quelque peu foireux) à une musique nettement plus raffinée que je n'oserais pas qualifier de Pagan / Folk Metal tant cette étiquette est synonyme de pignouferies en peau de bêtes crapahutant dans les bosquets, une flûte plantée dans la raie... Non, à mes yeux, Primordial n'appartient pas à ce monde peuplé de "païens" sortis du Puy-du-Fou. Mais peu importe les étiquettes... Primordial mélange intelligemment des éléments Heavy, Celtiques, Doom, traditionnels et Black Metal et crée ainsi une musique puissante, épique, tragique et foncièrement poignante.

 

To The Nameless Dead restera le point d'orgue de cette évolution tant l'harmonie entre les genres y fut parfaite, admirable et grandiose. Après un tel monument, on aurait pu croire que ces Irlandais pondraient un album mou de la tige ou qu'ils se seraient endormis sur leurs lauriers en réchauffant leur tambouille. Et bien, il n'en est rien. Primordial, tout en continuant sur sa lancée, parvient à apporter du sang neuf à son univers et Redemption At The Puritan's Hand est un nouveau coup de maître.

 

Derrière un excellent titre d'ouverture qui ne dépaysera pas grand monde, on découvre un album plus noir et aigre qui plonge l'auditeur au cœur d'un univers tourmenté; on est porté par la houle qui nous fracasse sur des brisants purement hargneux et vicieux pleins de Black Metal crochu et  dans la minute qui suit on est délicatement déposé sur des rivages silencieux léchés par les eaux noires de la mélancolie et de la solitude. Primordial manie les extrêmes avec grand talent, et de l'alchimie entre fureur et désolation naît un profond sentiment tragique. Sans doute l'album le plus sombre de la carrière des Irlandais. En se laissant séduire par les huit titres de l'album, l'esprit vagabonde, il erre entre des enchevêtrements d'entrelacs tantôt épiques, puis rageurs, introspectifs et enfin glorieux. On est totalement pris dans les ambiances de ce disque qui illustre ses huit tableaux par des mélodies lancinantes, des arpèges sépulcraux et des envolées gorgées de ballades Celtiques, sans oublier la voix extraordinaire de Nemtheanga qui se dandine entre chants Black Metal primaire et chants clairs aussi solennels que puissants...  Des chants qui vous chatouillent les boyaux et qui vous retournent l'âme comme une crêpe... Et tout ça sans jamais tomber dans le grand guignol ou le surjoué. Tout sonne juste, authentique et vrai.

 

D'un point de vue strictement musical, Redemption At The Puritan's Hand est plus agressif que son grand frère, plus rugueux… La production est quasiment identique mais l'ensemble est moins limpide... A quoi ça tient? Sans doute aux nombreuses escapades vers des plans ouvertement Black Metal. La machine s'emballe et le paysage s'obscurcit, blasts, riffs tartiflax et toute la panoplie Black Metöl. Et c'est hélas là que l'album commence à se fissurer. Cette "brutalité" fort convenue a l'air quelque peu bancal, ou plutôt elle tombe comme un poil de cul dans la soupe. C'est quelque chose de troublant, de presque dérangeant, comme un sac banane sur un druide... Il y a un truc qui cloche. Mais au lieu de chialer, on dira que ces chapes plus brutes renforcent l'aura de la rondelle qui s'aventure du côté du "dissonant"... Ce qui n'est pas désagréable lorsqu'on a autre chose que de la béchamel entre les oreilles.


Un album bicéphale qui semble hésiter entre la violence du Black et la fausse suavité d'un Doom épique et "émouvant". Pourquoi "fausse"? Simplement parce que la lenteur et la lascivité des titres n'augurent rien de joyeux, on avance sur une terre froide et éteinte, c'est la nostalgie qui trône, rien d'autre, implacable et définitive. L'album suinte d'une tristesse résignée et majestueuse qui collerait le cafard à un Bob l'Eponge sous Juvamine. Mélancolique sans être geignard ou pignouf, épique sans être ridicule, Primordial étale son talent et montre qu'il est un grand parmi les grands. Rares sont les albums capables de vous faire décoller aussi loin. Redemption At The Puritan's Hand vous bombarde au cœur d'un monde onirique, on a presque l'impression d'avoir la trogne fouettée par les embruns et les godasses couvertes de tourbe... Ouais, en fait c'est ça, lorsqu'on se promène sur cette galette on se sent comme à contempler l'océan déchaîné. Il se dégage de cette musique une certaine poésie, tourmentée, tumultueuse, écrasante et néanmoins aérienne et noble. Cette qualité se retrouve aussi dans les paroles qui font toujours preuve d'une qualité littéraire fort plaisante, ils n'écrivent pas avec leurs arpions, les mots sont habilement choisis et interprétés avec force.

La classe, la très grande classe.

 

On reste ébahi face à cet album. Certes, il est un chouia en dessous de la perfection de To The Nameless Dead, mais moins bien que la perfection, ça reste dans le haut du panier! Quelques longueurs, un soupçon d'hétérogénéité, mais rien de bien méchant. Redemption At The Puritan's Hand est un album épatant, une sortie incontournable de cette année 2011. Mais plutôt que de vous beurrer un plaidoyer inter-minable, je vous laisse, j'ai mieux à faire: retourner me plonger les neurones dans cette œuvre magique.

 

Chronique express pour les faignasses: cet album est au Metal ce que Le Voyageur contemplant une mer de nuages est à la peinture.

BUY OR DIE!

photo de Cobra Commander
le 23/11/2011

9 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 23/11/2011 à 09:01:03

Une énorme réussite ce Primordial ! En même temps vu les précédents fallait presque d'y attendre !

cglaume

cglaume le 23/11/2011 à 12:24:32

Je regrette mais "païens" et "Puy du Fou" c'est antinomique mon cher Cobra !!! :)

Cobra Commander

Cobra Commander le 23/11/2011 à 14:32:43

Si!

Si on cause de gros clichés caricaturaux, ça colle...

'spèce de civet doré!

cglaume

cglaume le 23/11/2011 à 14:41:59

Plutôt cul bénit que païenne la patrie de Philippe de V. "Ça colle", en effet, mais les pages du missel avec de la semence écclesiastique, et pas des poils de chèvres avec du sperme dionysiaque :))))))))))))))

cglaume

cglaume le 23/11/2011 à 14:42:53

... et pis d'abord le lapin fait échec à la reine du cobra et relance d'un brelan de 10 ! Non mais !!! :)

Cobra Commander

Cobra Commander le 23/11/2011 à 15:34:26

T'as encore oublié de prendre tes médicaments! :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 23/11/2011 à 16:08:42

D'une émotion rare, Primordial signe encore malgré l'emploi de recettes déjà usitées, un véritable chef d'oeuvre !!

vkng jzz

vkng jzz le 24/11/2011 à 10:12:13

tu oublies le splendide Gathering Wilderness dans ta chronique quand même ;) on à déjà eu cette discussion, mais du coup j'ai pas mal réécouté celui ci et effectivement, plus "rustre" mais très réussi !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 21/06/2012 à 21:44:41

Putain de bonne kro COBRA pour un putain de bon album !!!

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