Radiohead - A moon shaped pool

Chronique CD album (52:30)

chronique Radiohead - A moon shaped pool

"True love waits".
 

Lorsqu'une histoire se noue avec Radiohead, elle est souvent faite pour durer. S'arrêter à l'adolescente "Creep", sans offrir d'autres occasions de convaincre, c'est ignorer son âme soeur pour se perdre dans des histoires de courte durée.
Cependant, du grand amour naissent les plus grandes déceptions : celles qui laissent un goût amer, comme avec "The king of Limbs". Mais, bien que les sentiments s'étiolent, ils ne meurent pas lorsqu'il s'agit d'un véritable amour.


"Burn the witch"
 

Le défaut de "King of the limbs" était sans doute son absence de charme. Ce truc à la fois riche et dévorant qu'offre Radiohead à chaque compo, les anglais semblaient l'avoir perdu, comme victimes d'un mauvais sort. 

De ce triste passé faisons table rase...mais n'oublions pas tout.
Radiohead a retrouvé ses expérimentations flamboyantes. Son génie pour superposer les couches de sons, pour les enrichir d'arrangements magnifiques et ajouter une voix qui retrouve son interprétation habitée.


Si l'enthousiasme a accompagné la sortie du clip de "Burn the witch", ce n'est pas un hasard : le premier morceau concentre toutes ces attentes en moins de 4 minutes.
Une voix qui module entre le chant doux et les montées torturées, des petits sons électroniques en retrait mais qui sont la base du morceau et un habillage magnifique avec les violons de l'Orchestre contemporain de Londres : tout y est.

Sauf que ce morceau n'est qu'une entrée en matière, un titre apéritif magnifique...simplement introductif.

On tombe rapidement sur le morceau qui fait vriller.
"Daydreaming" envoûte par la petite mélodie entêtante du piano. Les sons électros nous plongent dans un univers onirique, les cordes colorient le décor. Quant à la voix de Thom Yorke, elle retrouve cette fragilité maladive que l'on attendait.
Si elle ne manque pas de charme, l'écriture du morceau prend largement le pas avec son crescendo/decrescendo, sans parler des souffles lourds, bruitistes en fin de titre qui nous envoient dans une nuit sans aube.
On retrouvera cette superposition piano / cordes sur l'écriture mélancolique de "Glass eyes", petit "bonbon" musical de 3 minutes à la fois minimaliste et riche par sa simplicité et la perfection des violons. Un titre qui symbolise la richesse de l'apprentissage de Greenwood ces dernières années lorsqu'il s'est attelé à faire des B.O accompagné d'un orchestre de chambre.
 

Maintenant que l'on est complètement dans le noir, on se laisse envoûté par "Decks dark", sans doute le titre le plus prenant de l'album grâce aux lignes de chant, aux choeurs en fond, au toucher du piano, à la rondeur de la basse et à la guitare discrète mais indispensable lorsqu'elle entame son solo.
On se sent alors entouré d'un vide immense que Radiohead remplit de ses divagations musicales. 
Chaque morceau est un petit bout de rêve enrichi d'une fausse légèreté. Ainsi, "Desert Island disk" se borne à rester dans une certaine simplicité aussi bien dans son écriture que sa réalisation. Une piste contrebalancée par le titre totalement habité "Ful stop".
Sorte de revisite de la cold-wave, la basse hypnotique entraîne une guitare dans une spirale qu'un arpège et un chant assisté de choeurs très lointains matérialisent.

"Present tense (?)"
 

Les anglais ont aussi su regarder dans le rétro pour ressortir des morceaux qui auraient pu figurer sur leurs anciens albums. Ainsi "Present Tense" aurait pu se retrouver sur "Ok Computer" pour la douceur de son écriture, le souffle des choeurs et sa guitare qui pince ses cordes dans les cases les plus sensibles.
C'est sans parler de "Tinker tailoy soldier sailor rich man poor man" dont la base rythmique ne peut que rappeler "Kid A". On retrouve enfin le piano aux influences jazz que l'on pouvait entendre sur "Amnesiac"  et qui se retrouve sur "The numbers". 
Il y a bien sûr le cas si particulier de "True love waits", chanson écrite il y a plus de 20 ans, totalement revue pour un duo piano / voix touchant et qui trouve parfaitement sa place en clôture d'un album que l'on ne voit pas défiler.
 

Enfin, ignorer "Identikit" et "The numbers", c'est passer à côté des deux excellents morceaux d'un album magnifique, certes, mais auquel il manque peut-être, jusqu'à ces pistes, des airs d'épopée post-pop. 
L'un et l'autre débutent de manière assez simple, quasi-minimaliste pour s'enrichir au fil des secondes et devenir des oeuvres complètement folles et qui prennent totalement vie lors d'une écoute au casque. Les nappes se superposent (l'échange entre le piano et les violons de "The numbers" est extraordinaire) , se baladent parfois d'une oreille à l'autre et de ce fourmillement d'idées, d'instruments, de loops naît une mélodie parfaite.

Radiohead semblait fini. Ses membres s'égaraient joyeusement dans des side-projects (parfois foireux) dans lesquels ils s'émancipaient. De cette émancipation sont nées de nouvelles influences, de nouvelles connaissances, de nouveaux intérêts musicaux. 30 ans de carrière, les anglais ont beau se connaître, ils ne peuvent s'empêcher d'expérimenter. Bien loin de la fainéantise de leurs derniers albums, le groupe a creusé chaque détail pour ressortir un esthétisme mélancolique aussi attachant qu'aliénant. On ne se détache alors plus de cet album qui transporte bien au-delà des attentes et des espérances.

L'accompagnement parfait pour un voyage jusqu'aux étoiles afin d'apprécier de plus près, une lune en forme de piscine.

photo de Tookie
le 14/05/2016

2 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 14/05/2016 à 10:29:20

agréablement surpris également, je me suis vite pris au jeu du disque. Par contre, je ne sais pas s'il restera encore sur la durée, à voir.

mat(taw)

mat(taw) le 17/05/2016 à 11:08:32

depuis amnesiac je pensais pas que radiohead pouvait encore m'enthousiasmer, ça a été le cas avec leurs 2 premiers morceaux mis en ligne, j'ai hâte de pouvoir écouter la suite.

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