Sator - Cleansing Ritual
Chronique CD album (40:15)

- Style
Stoner Vs. Sludge Vs. Doom - Label(s)
Argonauta Records - Date de sortie
24 mars 2022 - écouter via bandcamp
5 ans après Ordeal, Sator est de retour avec Cleansing Ritual: alors préparez vos serviettes de bains car Mauro, Valerio, Michelangelo nous proposent ici un nettoyage intégrale et shamanique à la boue. Mais si le groupe nous avait habitués à une boue parfois un peu caillouteuse et mal concassée, ici, elle est devenue gluante de saveurs dangereusement enveloppantes. Les trois génois ont apparemment eu un déclic et ont réussi à faire évoluer leur sludge "oui, bon, ok, c’est sympatoche, mon Patoche!" vers quelque chose de plus "Ah putain, mais ouais carrément, Maman!". En trois “plus”, ça donnerait: plus prolifique, plus inspiré et plus efficace.
Plus efficace car, et c’est ce qui m’a immédiatement marqué, il y a un fossé énorme entre la production de Cleansing Ritual et celle d’Ordeal. Des guitares plus massives, plus gonflées qu’un culturiste en fin de prise de masse, mieux réparties qu’une vanne de Laurent Baffie, et mieux équilibrées qu'un programme nutritionnel élaboré par Ronald Quick. La basse est plus ronde, mieux mise en avant et donne aux morceaux ce coup de "woof" qui leur manquaient un peu. Enfin, cette amélioration de la production profite encore plus à la voix. Fuzzy, saturée et quasiment lo-fi parfois, là où elle avait tendance à se faire étouffer voire saloper par les instruments, elle est ENFIN à sa place, on l’entend, on en profite et elle nous emporte dans sa vindicte vocale et logorrhéique. La batterie aurait mérité elle aussi d’être un poil plus en avant, surtout que la bonne dame a quelques belles histoires à raconter pour ne pas nous endormir. Entre autres, les cymbales, éléments indispensables de ce style aux tempos délicieusement engourdis, auraient mérité plus de brillance pour marquer le temps de leur peau cuivrée. Idem pour la caisse claire, même si l’absence de claquant est indispensable au style, ça manque un peu de pêche. Malgré ces quelques écueils côté fûts, la production a indéniablement gagné en qualité: moins fatigante, moins raw et plus mat (peut être trop parfois) mais toujours servant et conservant l’essence du style.
Bon, la production, c'est une chose mais ça ne fait pas tout. Côté compositions, c’est aussi plus aéré, plus dynamique donc plus efficace. Malgré des morceaux qui se développent au moins avec 8 minutes au compteur, Sator réussit à ne pas être ennuyeux, ce qui n'est pas évident pour le style qui peut parfois s'endormir sur ses godasses. Mais là, non! Pour commencer, la saumure guitaristique est plus psychédélique, plus noisy souvent "post", au choix black, rock. Mauro et ses 6 cordes surprennent, s’affirment plus et mieux dans les leads, ce qui n’est pas forcément évident pour le style, mais c’est ici effectué avec une patte guitaristique joliment marquée et qui change un peu des éternels poncifs du genre même si Saint-Fuzz est évidemment de la partie. L’utilisation de la wha-wha, ce qui n’est pas forcément évident pour le style, renforce le delirium tremens des morceaux et leurs ambiances déjà enivrantes qui font parfois basculer le sludge gadouilleux dans le stoner poussiéreux et vice versa. On se sent comme aux Mud Days un jour de canicule: rien que du bonheur. La voix aussi gagne en patate, en placement et le registre, ou plutôt le "rugistre", toujours saturé de Valerio (le line-up précise uniquement "Growl", et pas "vocals", c'est dire) s'associe parfaitement avec les morceaux et confère à leur lourdeur une urgence souffreteuse et envahissante du plus bel effet.
Avec Cleansing Ritual, Sator continue lentement mais lourdement son bonhomme de chemin, ajoutant à sa discographie une brique dense, conséquente et originale; pas complètement sludge, pas complètement stoner, pas complètement doom, pas complètement post mais un peu tout cela à la fois.
On aime: un sludge/doom/stoner très psyché et jamais ennuyeux, la progression en terme de production qui fleure bon pour la suite
On aime moins: une batterie un peu trop en arrière plan
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