Supine - No Altar for the Company Man

Chronique CD album (22:43)

chronique Supine - No Altar for the Company Man

On sait que, dans la vie, il faut généralement un peu se méfier des effets d'annonce et des autopromotions un peu racoleuses. Et ce pas seulement pour ne pas acheter douze frigos à calibrage de glaçons différencié ou l'intégrale de la gamme chromatique de twingos qui te fait gagner un réveil qui fait aussi presse-agrumes et tire-bouchon si tu les as dans le bon ordre, mais également dans le domaine de la musique. Alors quand la promo de Supine présente le groupe comme étant dans le sillage de formations comme Portrayal of Guilt, Welcome the Plague Year ou Ostraca, des petits picotements dans le bas-ventre accompagnés l'espace d'un instant d'une levée de sourcil circonspect ont été ma première réaction.

Avant de rapidement me souvenir que ceux-ci ne sont pas des noms assez racoleurs (au moins du côté de chez nous) pour que l'on puisse vraiment accuser qui que ce soit de faire dans la promotion éhontée.

 

Si vous n'êtes pas au fait de ces groupes, disons simplement qu'ils officient dans le registre du screamo assez sombre et violent, entrecoupé de parties instrumentales plus calmes et mélodiques, avec des vocaux généralement très agressifs et souvent assez haut placés, parfois à la limite du shriek black metal. Ajoutons à ces prémisses une pochette dont l'esthétique m'évoque vaguement celle du très bon Culte des Bourreaux de Potence (ma curiosité en étant donc d'autant plus titillée), et nous voilà prêts à nous engouffrer dans ce No Altar for the Company Man, pour voir ce que Supine (dont certains membres faisaient partie d'Ezra Joyce) nous ont concocté pour graviter autour de ces quelques bases préliminaires.

 

Quoiqu'une dernière chose mérite qu'on s'y intéresse pour ces préliminaires : la déclaration d'intentions du groupe pour cet album.

L'idée centrale est « une réconciliation avec le divorce entre le travail et son produit, et l'intériorisation des sentiments d'infériorité. Les troubles domestiques sont présentés comme étant la conséquence du fait de devoir se démener au sein d'un système de transaction voué à la concentration de richesse et de pouvoir. Nos routines de préservation individuelle et de pratiques irréfléchies ne sont là que pour nous distraire et nous satisfaire de la futilité de ces systèmes et maintenir intactes les structures hiérarchiques du capitalisme, tout en nous faisant porter la culpabilité de l'évolution toujours moins naturelle de l'existence humaine ».

Assez raccord avec ce que l'on peut attendre d'un groupe de screamo, donc, mais personnellement j'apprécie quand un groupe annonce d'entrée la couleur (politique). Et désolé pour ma traduction probablement assez maladroite et inbitable.

 

Cette (longue) introduction étant terminée, passons à celle du disque : si « Under lock and tesseract » ouvre les hostilités avec des sonorités presque noise/indus, avec seulement une ligne de batterie et un arrière-plan tout en saturation, c'est sur le second morceau, « Loose Diadem », que l'on retombe sur les bases annoncées en présentation. On y retrouve tout l'essentiel dont on parlait plus haut : un screamo très sombre et saturé, des parties plus calmes et mélodiques avec une voix qui gagne en intensité avant de voir revenir la distorsion des cordes, le tout avec une voix laissée un peu en retrait dans le mix.

 

A partir de la doublette de morceaux suivants, « pontiac and conifer » première et deuxième partie, d'autres choses et références viennent s'inviter à la fête. Je ne voudrais pas sombrer dans le name-dropping de base, parce que cela n'aide pas spécialement à décrire ce qu'il se passe dans la musique, mais une constatation s'impose à l'écoute du reste du disque : si, en plus des trois groupes d'influences annoncés dans la promo, on est également très proche de A Company of Heroes ou A Paramount, A Mount Supreme, c'est surtout Birds in Row qui à mon sens vient s'immiscer au moins en partie sur absolument chacune des pistes restantes jusqu'à la fin de l'album (« Inherited Wealth », le morceau éponyme, « Dancing Again »...). Dans la voix d'abord, lorsqu'elle n'est pas totalement hurlée, et une patte musicale vraiment ultra similaire de celle du groupe de Laval par moments, avec une basse vibrante, des rythmes cassés et quelques notes mélodiques sur des roulements de batterie et un chant fort proche, notamment dans la rythmique vocale.

 

Malgré un interlude (« No distinction for a gear at turn ») très calme avec une mélodie très marquée par la réverb (et sur laquelle on s'attendrait presque à voir surgir la voix de Maynard James Keenan en mode APC) et de nombreuses excroissances screamo/emoviolence, des rythmiques punk-hardcore voire même des ambiances plus postcore et low tempo avec un son de guitare cristallin (sur le dernier morceau notamment), c'est fou à quel point on a souvent l'impression d'entendre Birds in Row.

Cependant, suffisamment de choses en divergent pour que les Supine offrent une production au résultat tout à fait indépendant et personnel, chargé de tension, de petits coups de blast à l'improviste, de build-ups aériens et même de quelques zones marquées par un chant presque clair et discret, pour un ensemble vraiment convaincant au bout du compte.

 

Petit regret pour ma part, ce côté très court de nombreux morceaux (presque tous sont sous les 3, voire 2 minutes) qui ne laisse pas beaucoup de temps pour installer des idées ou des riffs qui sortiront clairement du lot pour marquer les mémoires. Alors que, en essayant de trouver les mots juste pour le dire, le style de riffs pratiqué et le caractère mine de rien relativement mélodique de l'ensemble (même si tout reste assez direct, entendons-nous bien) laisserait présager une construction qui s'incrirait plus dans la durée, alors que ce n'est à aucun le cas le moment ici, excepté peut-être sur « Inherited Wealth » ou le morceau de clôture « Dancing Again », le plus long de tous, laissant un léger sentiment d'inadéquation.

 

Il n'en reste pas moins que ce No Altar for the Company Man est un très bon disque du genre, duquel une écoute, voire plusieurs, est chaudement recommandée. Et si vous adhérez, et bien envoyez-vous aussi le reste des noms qui ont été avancés ici, qu'au moins ça ait servi à quelque chose.

photo de Pingouins
le 16/09/2021

1 COMMENTAIRE

Freaks

Freaks le 17/09/2021 à 02:24:43

Le travail c'est nul ! Sauf qd désintéressé et libidinal.. Genre pr  coreandco ;) #marcuse et la guytoune friendly..
Le fond.. La forme.. Ce groupe gagne à être connu.. 

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