Thornafire - Lerprosario Lazareto
Chronique CD album (42:16)

- Style
Death metal label rouge - Label(s)
Great Dane Records - Date de sortie
27 juin 2023 - Lieu d'enregistrement Metalowa Demencja & Estudio Arrebol
- écouter via bandcamp
Quoi, Impureza a sorti un 3e album en juin 2023, et je n'étais pas au courant ?
Non non, rien de tel, quoique la pochette pourrait en effet induire en erreur au vue de sa proximité avec les thématiques horrifico-précolombiennes chères aux Orléanais. Ces rituels sanglants, ces grands-prêtres baroques, ces traces diffuses d'une aztèqu-nologie avancée, ces grognements dans la langue de Cervantes : ils ne sortent pas de la cité de Jeanne d'Arc, mais bien de Santiago du Chili, autrement dit d'un poil plus près du grand condor de Tao, Esteban et Zia. On se doutait qu'il n'y avait pas que dans le domaine du Thrash que la Cordillère des Andes servait de pépinière de talents, et avec Leprosario Lazareto Thornafire vient nous en apporter une preuve irréfutable. Car ce 5e album est une démonstration magistrale de savoir-faire death-métallique qui – à l'instar de ce à quoi nous ont habitués leurs compatriotes de Demoniac – emprunte les chemins de l'excellence, d'une technique pas uniquement technico-technicienne, et d'un certain iconoclasme.
Mais nous sommes entre métalleux civilisés : laissez-moi donc faire de rapides présentations. Thornafire s'est formé en 1998, et a depuis tout ce temps eu l'occasion de sortir moult EP (2), live (2) et albums, ces derniers étant donc au nombre de cinq. Avant que vous ne vous livriez à des comptes d’apothicaire et n'émettiez des doutes sur ce chiffre, sachez que le Rituales Acústicos que l'on trouve également dans leur catalogue n'est qu'un recueil de réinterprétations acoustiques de certains de leurs titres. Et je ne vous livre pas cette information pour tirer à la ligne, mais bien parce que cela souligne à quel point, derrière le déchaînement rythmique et les rugissements guitaristiques, les compos des Chiliens s'avèrent mélodiques et chiadées : parce qu'évidemment, quand on n'a que du matos à la Anal Cunt sous la main, on s'abstient de faire dans l'unplugged...
Leprosario Lazareto, donc, est foutrement impressionnant. Car il mélange la brutale fougue sud-américaine, des mélodies finement ciselées et souvent empruntes d'une fière mélancolie, ainsi que de superbes pétages de plomb, dont les plus spectaculaires sont cantonnés au sein de trois « interludes ». Attaquons-nous donc à ceux-ci, puisqu'on y a déjà trempé le bout des orteils. « La Red que nos Mantiene Unidos » est sans doute le moins choquant du lot. Car même s'il évolue à des kilomètres des cavalcades guerrières qui le précèdent, ses mélodies acoustiques et son chant féminin nous maintiennent dans des décors où flamenco et veuves de conquistadors évoluent naturellement. « Diógenes de Sínope », lui, fait beaucoup moins dans l'hispanité, et beaucoup plus dans le lugubre élégant, ceci en mêlant opéra, râles sordides et aiguisements sournois de lames, ceci afin de créer une ambiance rappelant le raffinement anthropophage des pires scènes (le final!) du film Hannibal. Et c'est sur une dernière élégante incongruité que les guérilleros nous libèrent, à l'occasion d'un « Gracias por Entregarnos 41 Minutos de tu Vida » (i.e. « Merci de nous avoir consacré 41 minutes de ta vie ») qui non seulement cligne de l’œil en notre direction, mais, qui plus est, part sur le terrain inattendu d'un Electro Metal sombre, granuleux et ambiant... C'est peu dire que la chose est aussi étonnante que réussie !
Sauf que, non non, Leprosario Lazareto n'est clairement pas à réserver qu'à un public de porteurs de monocle inscrits à la mailing list de I, Voidhanger Records (coucou Xuxu !). En effet, cet album va régulièrement enfoncer sa hallebarde belliqueuse dans les interstices de notre cuirasse afin d'extraire de notre bedaine ébahie entrailles et fluides odorants. Et il ne nous laisse pas l'occasion de tendre la joue gauche après nous avoir reconfiguré la topologie faciale à la masse d'arme. Notez que cette brutalité est toujours exercée dans le cadre d'attaques rondement menées, techniquement parlant. Et manifestant des velléités esthétiques constantes. Vous voulez un aperçu de la déculottée ? N'allez pas plus loin que les toutes premières secondes : quelle branlée que ce riff en piquée démarrant « El Coro de los Hambrientos en tus Oídos Conchetumadre! » ! Quelles ambitieuses passes d'armes par la suite ! Et quel beau virage stratégique quand, à 2:41, Thornafire surprend l'ennemi en cassant le rythme pour mieux reprendre l'assaut en mode Ken le Survivant ! Vous voulez plus de rugosité encore ? Continuez sur le morceau-titre, dont les ronces cachent là encore de belles mûres bien goûteuses. Un peu de Rock'n'Roll peut-être ? La première moitié de « Saturno » devrait vous rassasier. Vous voulez prendre de la hauteur et pousser l'expression d'une mâle résignation jusque dans ses extrémités les plus épiques ? Essayez la joaillerie velue de « Megálos Christós » qui, à 2:07, culmine sur un superbe apogée plein de puissants trémolos. Et la formule d'être répétée avec autant de succès sur « Fuego », qui démarre par la mélodie d'un pseudo-orgue de barbarie, puis s'épanouit en une complainte superbe, ainsi que sur « Thornavatras Quintaesencia », dont le refrain entremêle idéalement blasts violents et mélodie lead.
Leprosario Lazareto est donc de ces trop nombreux albums qui auraient amplement mérité une place au sein de notre Top de l'année passée s'il n'avaient été découverts sur le tard. Il distribue les torgnoles avec générosité, cultive des mélodies et des ambiances qui font monter la chaleur intérieure, et glisse de ces surprises du chef qui font agréablement hausser les sourcils. À vrai dire on ne voit pas trop ce qui explique qu'il n'a pas encore été désigné à l'unanimité en tant qu'Ambassadeur officiel du Metal « label rouge » chilien ? De payer sa tournée de pisco peut-être ?
La chronique, version courte : merci à Great Dane Records d'avoir permis à Thornafire d'enfin poser le pied au sein de notre petit pré carré hexagonal. Car si d'aventure les albums précédents de ces vétérans chiliens sont aussi brillamment brutaux, aussi expertement techniques, aussi judicieusement mélodico-épiques, et aussi étonnamment décalés que ce superbe Leprosario Lazareto, on va avoir du pain sur la planche pour rattraper notre retard !
2 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 18/10/2024 à 12:13:59
Comment elle déboite la pochette !
Crom-Cruach le 18/10/2024 à 16:59:44
Argh, dommage les machins à la guitare me gonfle direct.
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