Thoughtcrimes - Altered Pasts

Chronique CD album (35:12)

chronique Thoughtcrimes - Altered Pasts

Le P'tit Billy, ce n'est pas qu'une marque de fromage.

(Et voilà une phrase d'intro d'anthologie...)

 

Parce que si je vous dit Billy « The Kid » Rymer, vous me répondez ? Oui, là, devant votre écran avec une tasse de café et des chaussettes à clous ? …

Oui, d'accord, il a 37 ans, ce n'est plus vraiment un gamin, j'admets. Mais ce n'est pas la réponse que j'attendais.

Alors ?

Oui, c'est bien lui qui a mis la patée à Mike Portnoy dans un drum fight y'a une dizaine d'années.

 

Faut dire que l'engin a tenu les fûts chez rien de moins que The Dillinger Escape Plan entre 2009 et 2017, c'est-à-dire pour leurs trois derniers albums. Du coup, du côté de la technique et du martelage, on ressentira vite une légère douleur de syncope. Et il a accessoirement aussi officié du côté de chez End, pour leur dévastateur Splinters From an Ever Changing Face.

Ce faisant, on peut donc sans problème passer du « aïe » au « ouch ». Et puis si on veut, on peut rajouter qu'il a bricolé aussi chez Glassjaw et fait de la session live pour un certain nombre de gros noms.

 

Bref, vous étiez tristes parce que The Dillinger Escape Plan ont officialisé leur Dissociation il y a quelques années ? Et bien les premières secondes de ce premier album de Thoughtcrimes devraient sécher en partie vos larmes. Car les premières lignes de cette chronique ne sont pas là gratos pour faire du texte : l'ami Billy est bien présent derrière le kit de batterie de ce nouveau projet, et le moins que l'on puisse dire, c'est que sur Altered Pasts, sa patte est... assez évidente, à l'exact inverse de ses partitions.

 

En effet, dès l'entame de « Panopticon » en tête d'album, la filiation semblera couler de source pour n'importe qui ayant déjà gravité dans les contrées des aficionados de la syncope rythmique. Et pourtant, malgré les réflexes de composition bien présents, thoughtcrimes parviennent sur Altered Pasts à proposer autre chose qu'un ersatz de The DEP.

 

D'autant plus que le loulou dont on parlait plus haut, au-delà d'être un véritable bourreau des tomes, a aussi repris la guitare sur cet album, chose qu'il avait totalement abandonnée depuis son entrée dans Dillinger parce que, dit-il, « il y avait à côté de moi deux des guitaristes les plus fous de tous les temps », avant que Brian Benoit (l'un des guitaristes originels de Dillinger) le pousse à reprendre, ce qui le mènera finalement à composer le tout premier morceau de thoughtcrimes (« Misery's a Muse », sur l'EP précédent). Largement influencé par les groupes signés sur Deathwish et comme il le dit lui-même dans une video de Drumeo (The Rhythm Creation Formula) : « tout le monde devrait apprendre un autre instrument », ce qui permet de garder de la fraîcheur et un autre type de créativité.

 

BREF de nouveau, parce qu'il commence à faire long, on retrouve facilement la paternité de Dillinger (« Panopticon », « Mirror Glue », un peu partout en fait), dans les structures et les riffs syncopés bien sûr, mais aussi dans l'intrication de zones plus rock au milieu des angles tranchants de la tempête instrumentale, jusque dans la voix.

Car Rick Pepa, au micro, fait un sacré bon boulot, avec un chant qui ne surprendra pas trop les habitué·e·s du style : avec des intonations, qu'elles soit hurlées ou chantées, à mi-chemin entre les sursauts furieux de Greg Puciato (ben... Dillinger, on ne change pas une équipe qui gagne) et Michael Dafferner (Car Bomb), on est en terrain qui s'adapte extrêmement bien à la folie derrière, aux mélodies de guitare dissonantes, à la batterie qui survole le chaos.

 

Avec quelques spécificités et parfois originalités :

 

- En plus des gros noms évidents du mathcore cités ci-dessus, une direction plus inattendue (et j'ignore si voulue, mais elle est bel et bien là) va aussi zoner sur le territoire des Anglais de SikTh (« Keyhole Romance », « The Drowning Man », « Dare I Say ») tant au niveau de la musique que du chant, dans l'accumulation syllabique hurlée comme dans certaines intonations claires.

- Si le mathcore est au cœur de la bataille, une forme de rock (ou dark rock) qui semblerait inspirée d'une dérive du neo-metal s'empare aussi de certains morceaux : on trouve par exemple le mid-tempo de « New Infinities » (dont il est difficile de penser qu'il ne s'agit pas d'une subtile référence au Calculating Infinity de.... qui vous savez) où il ne faut pas chercher très loin pour retrouver du Deftones, ou encore un morceau de clôture d'album (« Lunar Waves ») qui ira presque chercher du côté d'un Linkin Park dans leurs morceaux rock. Et ça marche plutôt bien, même s'il faut un peu de temps pour assimiler des changements stylistiques aussi drastiques d'un morceau à l'autre, et que je ne suis pas un grand fan de l'exercice des voix claires.

- Des encarts aux sons et aux rythmiques électroniques, souvent de type drum'n'bass, désormais familiers sur ce type d'album (« Mirror Glue », « Dare I Say ») depuis la reprise de « Come to Daddy » d'Aphex Twin.... par Dillinger toujours.

- Un interlude « Hai un accendino » (« T'as un briquet ? » pour les non-germanophones d'entre vous) que j'ai trouvé extrêmement à propos, montée musicale et spoken word d'un poème de Michael Clarity écrit lorsque bloqué au Vietnam au tout début de la pandémie spécifiquement pour l'occasion, qui vient poser une ambiance presque plus à la GYBE (on pensera aux samples de « Dead Flag Blues » ou « Blaise Bailey Finnegan III »).

 

Bref enfin, Dillinger vous manquent ? Frontierer ont un peu trop lissé et grossi leur son pour vous ? Vous n'avez pas envie de juste prendre des baffes, le temps de faire souffler celles qui arrivent régulièrement mais souvent à l'imprévu ?

Alors Altered Pasts, ce premier album de thoughtcrimes, mérite une écoute de votre part. Tout n'y est pas parfait, mais une vraie personnalité se dégage de leur travail. Et on attend impatiemment la suite pour un réel accomplissement, que le temps permette aussi de s'éloigner de leur lourd héritage. Mais au vu du chemin déjà accompli, c'est bien parti. Un très bon album dans le style cette année. Et puis un morceau comme « Deathbed Confessions », ça fait du bien en pré-fin d'album.

 

A écouter si vous pensez comme Billy Rymer que « la dynamique est cruciale dans la musique ».

photo de Pingouins
le 12/09/2022

2 COMMENTAIRES

Dams

Dams le 12/09/2022 à 09:13:20

Tout à fait Pingouins, il y a à redire et on sent que le groupe n'a pas encore trouvé sa formule.
Néanmoins l'album est sympa et offre des bons moments, une écoute agréable dans le genre.

8oris

8oris le 12/09/2022 à 09:35:51

La chronique avec du gros name dropping qui donne bien envie. Je m'écoute ça dans l'après-midi sans faute! 

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