Underdark - Our Bodies Burned Bright On Re-Entry

Chronique CD album (36:04)

chronique Underdark - Our Bodies Burned Bright On Re-Entry

A l'origine du projet qui réunit les membres d'Underdark, issus de la scène DIY de Nottingham, se trouve l'envie d'articuler en une seule entité certains de leurs groupes fétiches, à savoir Deafheaven et leur désormais bien connu blackgaze « lumineux », dirons-nous, et Envy, groupe japonais de screamo aux contours post-rock ayant lui aussi une grande renommée autour du globe.

 

C'est donc sans trop de surprise que l'influence de ceux-ci se fait sentir sur Our Bodies Burned Bright on Re-Entry, et ce en particulier sur le dernier morceau de l'album, « Skeleton Queen », jusque dans les dernières secondes.

Mais n'allons pas trop vite et prenons les choses dans l'ordre, car il serait incroyablement réducteur de penser que cet album ne se résumerait qu'à la recette surannée de l'hybridation de deux groupes, aussi créatifs ceux-ci puissent-ils être.

 

Côté paroles, d'abord, si Underdark ne cachent à aucun moment leurs affiliations antifascistes et anti-autoritaires, leurs textes n'y font pas directement référence, quand bien même ils restent globalement tournés vers des problématiques sociales : l'incendie et les 79 morts de la tour Grenfell dans l'ouest de Londres en 2017 du fait de son insalubrité, le sort réservé aux migrants aux Etats-Unis, mais aussi des batailles personnelles autour de l'addiction, de la détresse émotionnelle ou de la santé mentale. Des thématiques que l'on retrouve plus souvent liées au punk, au hardcore ou au screamo qu'au black metal « typique », disons.

 

Très méticuleux dans la composition de ce premier long format, les Underdark ont pris le temps nécessaire, réécrivant parfois quatre, cinq fois les morceaux, pour proposer le meilleur résultat possible de cette rencontre hybride entre post black metal et screamo, afin de laisser s'exprimer les différents axes de leur musique, avec une volonté assumée de se laisser aller à l'expérimentation. Sur la grosse demi-heure que dure ce disque, chacun des cinq morceaux passe la barre des six minutes, laissant donc l'espace pour développer leurs idées, les articuler entre elles ainsi que pour laisser la part belle aux émotions (ah, « Coyotes »...).

 

Pas de refrains ou de riffs répétés mesure après mesure jusqu'à plus soif ici, la musique progresse fluidement d'une zone à l'autre, tissant les ambiances des différents styles invoqués sur le disque, avec tout de même une prédominance structurelle du black metal.

Le morceau éponyme, en seconde position dans la tracklist, en est un bon exemple : après une première moitié clairement ancrée dans la sphère black metal (qui peut faire penser à des groupes avec des mélodies mises en avant tels que Grima ou Wolves in the Throne Room) très dense avec des guitares qui s'affairent en tremolo picking et variations de tempo, un break étranglé à mi-parcours vient propulser la suite vers une partie plus atmosphérique et épurée, où l'on voit clairement la patte screamo : apposer ce type de voix hurlée par dessus des ambiances et mélodies plus proches du post-rock est assez caractéristique du style. Si ça ne suffisait pas, que l'on n'en avait pas encore pour notre argent, le build-up de « Our Bodies Burned Bright on Re-Entry » s'achève sur une nouvelle furie de blastbeat.

Et ce n'est ni un hasard, ni un collage surfait : dans une des quelques interviews que l'on peut trouver en ligne, Abi Vasquez, chanteur devenu chanteuse du groupe, indique clairement à quel point ce type de superposition stylistique chez des groupes classiques du screamo comme Funeral Diner ou Pg.99 ont eu une influence majeure pour donner de la profondeur à la musique d'Underdark, et notamment à ses lignes de chant.

 

C'est d'ailleurs cette inclinaison vers le screamo et les dérivés du hardcore qui vient en grande partie faire la différence entre les Anglais et d'autres groupes de post-black plus en vue tels que Bosse-de-Nage ou Harakiri for the sky qui, eux, restent plus cantonnés à un univers plus strictement metal, même agrémenté de post-rock. Ici, on est plus proches de ce qui aurait pu se produire si Welcome the Plague Year s'étaient mis à jouer du black metal.

 

Dans l'ensemble, tous les morceaux sont empreints de ces passages en tremolo sur fond de blast typiques de ce que l'on attend de (bon) post-black, mais avec une notable variété : sur l'ouverture du premier morceau « Qeres », c'est une mélodie accompagnée de spoken words qui vient buter sur un gros break de la bande à screamo avant de basculer sur ces parties black mid-tempo à la WITTR. Sur « Coyotes », après une intro réminiscente de Deafheaven assez atmosphérique et ses nappes de son éthérées qui viennent couvrir une mélodie calme et claire, il y a presque quelque chose de postcore dans l'entrée tonitruante des vocaux, avec un tempo très lent et un chant appuyé par la distorsion de quelques accords de guitare, pour ensuite s'étirer dans un black aérien avec des nuances qu'ont pu avoir Glassing sur leur excellent dernier album, et une basse ronde avec par endroits un son de guitare ronflant à la limite d'un stoner qui aurait absorbé le dernier Wayfarer.

« With ashen hands around our throats », pour sa part, semble présenter un black metal un peu plus trve au premier abord, quand bien même plusieurs signes indiquent que les musiciens ont probablement plutôt des leggings noirs et des tatouages d'animaux à formes géométriques que des colliers à clous et des warpaints : les variations dans le jeu de batterie ou les lignes de guitare malgré tout symptomatiques ne trompent pas, ce que vient confirmer le retour à ces parties typiquement mélodiques agrémentées de voix écorchées vives. Quant au dernier morceau, comme dit en introduction, c'est probablement sur celui-ci que les influences présentées se font le plus ressentir.

 

On a donc des morceaux qui ont chacun une personnalité propre, différents mais résultant tout de même d'une logique d'écriture commune, pour une palette assez large de beaux moments de musique.

 

Par là-dessus, les cinq de Nottingham ont vraiment bossé sur les ambiances : entre les mélodies travaillées, subtiles mais jamais trop légères ou faciles, les spoken words sur l'addiction sur « Qeres » ou « Skeleton Queen », les riffs plus sombres et tendus qui viennent durcir le tout, la gestion intelligente de la section rythmique, on peut dire que par rapport aux prémisses annoncées, si l'on sent bien les influences mises sur la table, elles sont très bien digérées, pour proposer un résultat qui transcende le simple mélange d'influences. Bien plus sombre que Deafheaven (on n'est clairement pas là pour se faire un bain de soleil sur cet album), plus tendu qu'Envy, la variété des tempos et des vocalises, combinée à la consistance et à la richesse des compositions, à leur qualité d'écriture, rendent Our Bodies Burned Bright on Re-Entry passionnant de la première seconde à la dernière.

 

Bref, un premier album absolument excellent et qui atterrit directement dans mon top 10 de l'année. Tout ce que j'espère maintenant, c'est que le groupe aura la bonté de venir arpenter les salles sur le continent, et si possible pas trop loin de chez moi, pour avoir la confirmation en live de la qualité de leur musique.

photo de Pingouins
le 30/09/2021

1 COMMENTAIRE

Freaks

Freaks le 07/10/2021 à 17:44:30

C'est très bon ce groupe.. par contre j'trouve qu'il y a pas assez d'accents mis sur le screamo :p

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anonyme


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