Alice In Chains - Rainier Fog

Chronique CD album (53:54)

chronique Alice In Chains - Rainier Fog

C'est un scandale ! En l'espace de même pas deux semaines – à comprendre, en terme de timing de rédaction – me voilà en train de coller deux 10/10. Sur des sorties du moment en plus de cela, voilà qui est proprement indécent. Rassurez-vous, quand viendra le temps des tops, il sera sans doute fort complexe de trancher qui aura l'audace d'atteindre la plus haute marche du podium, à savoir les Norvégiens de Madder Mortem ou ce nouvel album d'Alice In Chains, Rainier Fog. Ok, on admettra que les styles sont totalement différents et pourtant, on pourrait quand même leur octroyer quelques points communs qui rendront la tâche encore plus ardue.

 

Et d'une, chacun des deux groupes ont une carrière que je pourrais qualifier d'exemplaire. L'un et l'autre ont leur griffe bien à eux, inimitables, avec un standard qualitatif qui n'a jamais failli. Qu'importe la voie choisie, les parti-pris ou les coups durs de la destinée, ils sont encore là et nous ravissent les oreilles en grande pompe en cette rentrée 2018. Et de coups durs, Alice In Chains en ont eu un majeur avec la perte prématurée de son premier vocaliste Layne Staley, survenue, de plus, alors qu'il en était à un point culminant dans sa discographie. A savoir l'album éponyme, monumental, propulsant le groupe un peu à l'écart de la scène grunge auquel il a toujours été affilié en se montrant autrement plus metal et porteur de spleen véritablement plombant que le reste des autres acteurs du style. Ce qui n'a pas empêché les Américains de revenir comme des fleurs, après dix ans de deuil, avec une nouvelle figure de proue talentueuse (et pas si éloignée que son regretté prédécesseur en terme de voix), avec la même qualité insolente, tant sur les planches – il n'y a qu'à voir leur prestation du dernier Hellfest que sur galettes – Black Gives Way To Blue (2009) et The Devil Puts Dinosaurs Here (2013) restent deux excellents crûs. Un comeback réussi et le tout, sans spécialement en faire des tonnes. De quoi faire rire encore plus jaune quand on voit les récentes news de « reformation » éphémère de Nirvana lors d'un rappel d'un show des Foo Fighters.

 

De deux, j'admets que même si la forme est totalement différente, je perçois en Madder Mortem et Alice In Chains, une manière un peu commune de développer des atmosphères empruntes de désespoir et de détresse. Tout du moins, on y ressent le même impact, cette même façon de l'appréhender et l'ingérer avec une vision esthète. C'est, pour moi, ce qui faisait toute la réussite de l'opus éponyme de 1995 qui demeure encore aujourd'hui l'album référentiel à mes yeux dans le grunge. Par chance, les pavés post-reformation ont continué sur cette ligne directrice, comme si le temps s'était figé et que rien de particulier ne s'était vraiment passé en quatorze ans. Et sans surprise, Rainier Fog reprend ces bases, ne se soudoie nullement à partir vers une autre variante comme il l'avait tenté un peu avec The Devil Puts Dinosaurs Here, très monolithique dans l'esprit. Sauf que pour le coup, ce nouveau méfait jette un sacré pavé dans la mare et se hisse sans mal au même niveau que son ancêtre éponyme. Oui, rien que cela. De la même manière que Madder Mortem avec Marrow par rapport à Desiderata.

 

Et pourtant, il n'y a pas de véritable bouleversement à constater chez Rainier Fog. Alice In Chains se contente de faire ce qu'il sait faire de mieux : du Alice In Chains tout simplement. Tant sur ce qui a été fait ces dernières années que sur sa première partie de carrière. Ce nouvel album se veut en effet plus roots que ses récents prédécesseurs. Comme si nous étions plongé comme dans une sorte de revival de l'âge d'or de la scène grunge de Seattle, juste au moyen de sa production, plus cradingue – du poisseux qui ne démériterait en aucun cas dans un album de stoner – et authentique. Rainier Fog est un album très vivant, vecteur d'un mal-être aigre-doux. Comme une sorte de parasite organique, dévorant au plus profond des entrailles et des viscères, tout en se permettant d'être en même temps et paradoxalement un puits d'énergie vitale inépuisable. L'impact est puissant à l'écoute et jamais il ne faiblira spécialement de toute la galette. Même quand les titres restent cantonnés au simple « bon » faisant davantage office d'amuse-gueule, à l'image des deux singles vitrines (« The One You Know » et « So Far Under », tout sauf surprenants même si le niveau est déjà haut). Ou qu'ils ont un peu trop de relents de pièces passées (les couplets de « Maybe » restent très similaires à ceux de « Nothin' Song » de l'album éponyme pour le cas le plus frappant). Là où cela pourrait être une faiblesse, un manque cruel d'inspiration chez beaucoup d'autres cas, rien à faire, Rainier Fog a une telle aura qu'on ne peut même pas lui donner tort. On pourra établir le constat sans qu'on n'en soit particulièrement gêné tant c'est accrocheur et racé, allant même jusqu'à dire que « finalement, c'est peut-être mieux maintenant ».

 

C'est qu'elle est vicieuse la bestiole. Certainement autant que pouvait l'être Dirt (des « Never Fade » ou « So Far Under » n'auraient pas fait tache s'ils y avaient figuré). Avec ce même feeling marquant et intact que l'éponyme (outre « Maybe » cité précédemment, on pourra citer comme un petit quelque chose sur « Red Giant » qui fera penser à « Grind »). Tout en prouvant encore une fois – et sans doute définitivement tant c'est d'autant plus équivoque ici – à quel point le duo Cantrell et DuVall fonctionne, tant sur les six-cordes que dans l'alchimie vocale. C'est que Rainier Fog parviendrait presque à nous faire oublier ce pauvre Staley tant il place Alice In Chains dans une phase d'aboutissement. En espérant que ce ne soit pas forcément ultime, même s'il est compliqué d'imaginer que le combo puisse mieux faire dans le futur.

photo de Margoth
le 30/10/2018

4 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 30/10/2018 à 08:18:07

Raaah j'arrive pas à entrer dedans... En fait depuis "Black Gives Way to Blue" que j'avais adoré, la suite m'enchante moins, bizarrement.

Dams

Dams le 30/10/2018 à 23:09:01

Ooooooh oui ! Le Alice nouveau est magnifique, la symbiose entre Cantrell et Duval est parfaite. La page Layne est tournée. Mais comme tu le dis, il va être compliqué de faire mieux....

k@udio

k@udio le 20/11/2018 à 12:49:40

De la resucée depuis l 'album 4 ,éponyme.ou tripod .en moins bien forcément .mais on écoute toujours alice in chains ..duvall est pas mal au chant , mais n' aura jamais l 'aura d un stanley ..le nouvel alice sera du sous alice quoiqu' il advienne ...à moins de sortir un album extraordinaire comme jar of flies / sap .. pour nous sortir de notre léthargie de créativité métallistique ..

nephilim

nephilim le 04/10/2019 à 08:31:38

J'avais perdu de vue Alice in chains depuis... DIRT !!! autant dire depuis un bail. Je l'écoute par contre de temps en temps avec à chaque fois autant de frissons sur certaine chansons. Et là je découvre rainer Fog : j'avoue accrocher après 2 écoutes. Rainer Fog flirte avec le métal mais le son Grunge est toujours là et je crois bien que plusieurs morceaux auraient pû être présents à la "grande époque" du Grunge : effectivement le duo des chanteurs Cantrell / Duval reprend la signature Alice in Chains. Et quels sons de guitares !!!


AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements