Angelus Apatrida - Clockwork
Chronique CD album (51:48)

- Style
Thrash metal - Label(s)
Century Media - Date de sortie
13 juillet 2010 - Lieu d'enregistrement Ultrasound studios
- écouter via bandcamp
Allez tiens, et si on prenait 5 minutes pour faire l’état des lieux de la scène thrash metal? Voyons, si l’on en prend un cliché en cette rentrée 2010, que constate-t-on? Tout d’abord que le regain de vitalité que lui avait apporté la vague thrash/death de la fin des 90’s (avec The Haunted, Carnal Forge ou encore Dew-Scented) a sacrément pris du plomb dans l’aile. Que Meshuggah a reconfiguré la photo de famille (mais c’est le même topo pour le death) à coup de froides saccades et d’une approche clinique, voire intellectuelle du genre. Que les américains pataugent dans le bourbier metalcore en essayant de sauver ce qui reste de l’héritage de Pantera. Et que si l’on s’en tient aux strictes limites du style telles qu’elles ont été définies dans les 80’s aux alentours de San Francisco, il ne reste plus guère que deux sources produisant ce type de décibels hargneux: la scène revival des Evile, Bonded By Blood, Fueled By Fire & co, et le retour (ou le maintien) des Grands Anciens – parmi lesquels Death Angel, Overkill, Megadeth ou Exodus sont sans doute les plus convaincants.
En essayant de se couler dans le moule de cette typologie un peu rigide, on peut se demander dans quelle case ranger Angelus Apatrida, combo espagnol ayant quand même 10 ans au compteur et proposant avec « Clockwork » un 3e album bénéficiant enfin des grâces d’un gros label – en l’occurrence l’allemand Century Media. Le groupe pratique un thrash pur et dur, mais ne peut a priori pas être casé du côté des vieilles gloires ragaillardies. Revivaliste alors, l’Ange Apatride? Mouaif … Bien que les influences du groupe soient évidentes – Testament, Megadeth, et plus généralement la Bay Area mafia dans son ensemble –, j’ai du mal à considérer le groupe sur le même plan que tous ces clones aussi turbulents qu’abondamment patchés, qui se vautrent dans le cambouis et la facilité en revisitant la discographie de leurs idoles.
En fait, j’avoue avoir un peu du mal à toucher du doigt le pourquoi de cette situation, mais là où un Evile me gonfle avec ses morceaux calqués sur ceux des pionniers du genre et sa studieuse application à brûler le taux syndical de calories sans pour autant réussir à allumer le feu, Angelus Apatrida réussit à me séduire. Peut-être parce que le groupe propose des morceaux où, certes, les influences sont claires, mais au travers desquels il arrive à faire naître chez l’auditeur autre chose que l’envie de se replonger dans ses vieux CDs. Le riffing ouragan de l’extraordinaire « Blast Off » ou de « Devil Take the Hindmost » (à 1:11!!) provoque ainsi l’un de ces bons vieux geysers d’adrénaline que l’on n’a plus guère l’habitude de ressentir sur les nouvelles livraisons en provenance de la planète Thrash. Les soli de Guillermo et David, fulgurants parcours de manche et impressionnants déluges de tapping, s’épanouissent en fin de morceaux sur les cavalcades grisantes d’une rythmique qui s’emballe, nous laissant lessivés mais heureux. Et plus globalement, on est séduit par cette énergie, cette vitesse d’exécution et cette agressivité qui ne faiblissent que rarement, ce que reflètent parfaitement les vocaux de Guillermo, chanteur hargneux et habité évoluant entre Chuck Billy (principalement) et Dave Mustaine. Cerise sur le clafoutis, le groupe développe parfois un côté sombrement mélodique pas dégueu’, réminiscent du Testament de « Practice What You Preach » et « Souls of Black ».
Au final, bien que portant ostensiblement ses références à bout de riffs, le groupe me donne plus l’impression de livrer un album du niveau du (encore) récent « Killing Season » de Death Angel – même grosse prod, même respect des traditions dans la modernité, même souci du dosage ... mais un cran au-dessus du patriarche en terme de vélocité – qu’un énième chapitre régressif à la gloire du retro thrash. OK, il arrive qu’un passage évoque soudainement de vieux souvenirs. Certes « My Insanity » est un peu plombé par un refrain trop mou, et « Legally Brainwhashed » est plus facile, plus bas du front et de fait plus proche des méfaits revivalistes. Mais l’impression reste globalement très bonne, et pour couronner le tout, la reprise finale du « Be Quick or Be Dead » de Iron Maiden (disponible sur la version limitée de l’album), légèrement – mais sûrement – boostée, est particulièrement sympa. Bref, ces thrasheurs offrent à leur pays une nouvelle raison de clamer que la scène metal espagnole a elle aussi de grandes choses à offrir. Et viva Angelus Apatrida!
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