Beyond Creation - Algorythm

Chronique CD album (50:23)

chronique Beyond Creation - Algorythm

Décidément, entre Horrendous, Gorod, Exocrine, Obscura, Revocation, Rivers of Nihil et les gugusses qui nous intéressent aujourd’hui – Beyond Creation, donc – , on peut dire que 2018 n’y aura pas été de main morte du côté des sorties typées Death technico-progressif! Et la 3e livraison des Québécois n’est clairement pas la moins intéressante du lot.

 

Alors, pour les ceusses qui débarqueraient d’une station scientifique polaire coupée du monde depuis 10 ans, replaçons si vous le voulez bien la formation du jour sur l’échiquier du genre. Pas plus contaminé par le virus de l’over-blastite aiguë que rongé par l’atrophie nerveuse du dandysme Jazz metal, le groupe de Montreal réussit à maintenir un bel équilibre entre mélodicité, puissance et sophistication – sans pour autant rester caché derrière les larges épaules de tonton Chuck S. Cette science du dosage, ainsi que ces élégantes séances de tapping exécutées sur fond de grosses soufflantes classieuses peuvent d'ailleurs parfois rappeler le Gorod des derniers albums – même si ce dernier reste plus pêchu et groovy, là où les Canadiens s’avèrent plus « aristocrates ».

 

Mais revenons à l’actualité du jour, avec pour commencer une bonne nouvelle: Algorythm conserve les caractéristiques de Earthborn Evolution, tant en terme de composition que de positionnement stylistique. Et pour continuer dans le parallélisme discographique, notons que, comme son prédécesseur, ce 3e album propose un démarrage en fanfare qui met tout le monde d’accord, façon Aldo la Classe. Comme son prédécesseur encore, la suite des évènements s’avère goûteuse, bien qu’un peu moins apte à marquer durablement les papilles. Et pour boucler la boucle, la fin d’Algorythm renouvelle le coup de force de l’opus précéd… Euh, attendez voir… Arf, pas vraiment en fait, non. Là où Earthborn Evolution mettait une formidable pichenette finale à l’auditeur sur un triptyque aussi solide que le slip en metal de Colossus, la fin de cette nouvelle livraison pédale dans des eaux sombrement « proggy » à la préciosité un peu trop marquée pour convaincre les adeptes du riffing à la hache à 2 mains. Et ce n’est pas la facilité qui consiste à habiller in fine les au-revoir d’habits symphoniques, histoire de gonfler artificiellement les biscottos, qui nous permet d’oublier les trop nombreuses errances chichiteuses d’un « Binomial Structures » – pour ne citer que le plus représentatifs des morceaux incarnant la liquéfaction du système nerveux "beyondcreatien".

 

Pourtant, mince, ça commençait bien. Car après l’intro SepticFlesho-Nilesque « c’est-moi-qu’ai-les-orchstrations-les-plus-couillues », « Entre Suffrage et Mirage » et « Surface’s Echoes » s’imposent comme deux nouveaux classiques qui auront toute leur place sur le best-of que le groupe sortira peut-être un jour, pour alimenter son compte-épargne-retraite. Magnifique et fastueux drapés riffés, basse qui ronronne comme un lionceau câlin, tappings miroitants, on déguste avec délectation ce déballage de saveurs aussi fortes que subtiles. D’autant que le groupe provoque la surprise lors d’un surprenant mais judicieux écart. En effet, tout le délicat démarrage de « Surface’s Echoes » semble avoir été composé par Tosin Abasi himself, ce que le pointillisme quasi-Djent des riffs qui suivent semble vouloir encore confirmer. AlgorythmThe Algorithm… Rien à voir, on est d’accord? L’initiative coûtera peut-être quelques points de crédibilité auprès de certains collègues technico-rigides, mais chez le lapin jaune on ne peut que saluer ce genre de prise de risque!

 

Puis les brumes déprimantes de « Etheral Kingdom » menacent de jeter un voile de scepticisme sur le jugement de l’auditeur, la sensibilité déployée étant véritablement à fleur de peau. Mais les Québécois sont aussi fins techniciens que subtiles équilibristes, et l’on n’arrive pas tout à fait à ne pas apprécier cette pièce de dentelles et de soie. D’autant que le morceau-titre réaffirme l’excellence du groupe – sans même pâtir de la pause pastorale qui, à mi-parcours, évoque plus un Devin Townsend somnolant sur une lead bluesy que la création d’une bande de growleurs. En fait, c’est avec « À travers le temps et l'oubli » – son piano solennel, son smoking, ses allures de B.O. de La Leçon de Piano – que tout par en couille. « Inadversity » n’arrive pas vraiment à redresser la barre, malgré ses pecs gonflés à bloc, du fait d’un manque de pics libérateurs et de trop de tergiversations tortillonneuses. « The Inversion » réussit heureusement à nous remettre du baume au cœur, la puissance de ses moteurs réussissant à nous faire oublier qu’on voyage en première classe dans de confortables coussins (… cf. les chuchotements insaisissables et la pluie de plumes d’oie qui s’étendent sur les très Cynic-in-Boboland 5e et 6e minutes du morceau). Mais « Binomial Structures » nous remet sans pitié le nez dans les dentelles sucrées, et « The Afterlife » finit indirectement plombé par l’ambiance ainsi créée, d’autant qu’il reste en demi-teinte, ses mélodies restant empêtrées dans une morosité bluesy que quelques charges fougueuses de la rythmique ne réussissent pas à éclipser.

 

Soyons clair: Algorythm est un bon album, éblouissant de technique et de finesse. Il réussit bien mieux à gérer ses virages vers les progueries jazzy que les Rivers of Nihil et consort qui s’y engluent jusqu’en haut des cuisses. Sauf que la comparaison avec l’album précédent et quelques véritables faux pas (pour qui ne goûte pas à la « beauté » du mobilier style Louis XIV) en font un semi-échec. Si vous êtes plutôt bière belge et St Emilion, piochez donc plutôt du côté du dernier Gorod. Si par contre pour vous c’est plutôt champagne, Bailey’s et absinthe, vous devriez trouver ici de quoi passer de belles soirées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: droit dans la lignée de Earthborn Evolution, Beyond Creation propose avec Algorythm un album qui aurait été du même tonneau que son illustre prédécesseur s’il n’avait souffert, sur sa 2e moitié, de malencontreux écarts un peu trop « précieux ».
 

 

photo de Cglaume
le 21/01/2019

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