Contrarian - Only Time Will Tell
Chronique CD album (34:36)

- Style
Tech Death progressif - Label(s)
Willowtip Records - Date de sortie
20 novembre 2020 - écouter via bandcamp
A moins que vous ayez délégué à un supercalculateur le traitement des informations captées par vos oreilles (amis du transhumanisme bonsoir), mieux vaut ne pas abuser du Death technique. Car pour ce genre plus qu’exigeant, dans la simplicité nul salut: structures, rythmiques et mélodies super alambiquées y sont la norme. Et si certains élus ont réussi à transcender cette complexité pour accoucher de véritables pépites, la grande majorité des groupes « se contentent » de proposer des albums extrêmement léchés, mais pas toujours aisés à suivre. Ce qui peut vite conduire à un état de Allo-Maman-Boboïtude avancée si l’on s’abreuve de manière inconsidérée à ce bouillonnant robinet musical.
Avec Their Worm Never Dies (son 3e et précédent opus), Contrarian avait réussi à nous épargner la migraine grâce à un accent nettement mis sur les mélodies et des tempos restant la plupart du temps sous la vitesse de la lumière. Le côté nettement Progressif de son Tech Death garantissait par ailleurs une approche plus veloutée, moins mon-rayon-laser-dans-ton-accélérateur-de-particules qui permettait d’y voir clair, voire de sentir notre petit cœur battre la chamade (… pauvre chamade, qu’est-ce qu’elle prend !). Et bonne nouvelle : sur Only Time Will Tell ces caractéristiques restent relativement inchangées, tout comme cette basse rondelette et autonome, cette prod’ un peu nébuleuse, ces touches occasionnellement et légèrement orientales, ainsi que ces faux airs (de plus en plus lointains, mais n’empêche) de Cynic et de late-Death.
« Alors lapin, dis-nous, ce 4e album : du surplace ? du copie-carbonage ? du tout pareil en plus mieux ? »
Si les sensations restent sensiblement les mêmes que celles éprouvées un an auparavant, on ne peut pas dire que rien n’ait changé. En effet le célèbre Georges Kollias a quitté ses collègues (contrarié par son contrat avec Contrarian ?), ce qui a nécessité le recrutement de pas moins de deux remplaçants :
- Bryce Butler, un jeunot qui a battu la mesure dans un sacret paquet de groupes dont Abigail Williams, Vale of Pnath ou encore The Faceless, et qui fait preuve d’autant de délicatesse que de vigueur et de précision (du coup on ne regrette pas son prédécesseur derrière le kit de batterie)
- Cody McConnell, chanteur qui avait enregistré le premier album du groupe, dont l’approche est plus rugueuse, et donc un peu moins en phase avec le registre ici pratiqué, son imitation du bidet nous faisant parfois regretter l’acidité blacky du Geogeo
Les Américains ont par ailleurs embauché Bill Bodily à la basse, homme à fort potentiel puisqu'il a également su séduire Flotsam And Jetsam.
Et au-delà de ces considérations très « RH », l’autre changement – moins objectif celui-là – que l’on se doit de signaler, c’est la fréquence moindre avec laquelle le groupe réussit à nous captiver. Car si cette grosse demi-heure est toujours constituée de caviar jazzy et de miel extrême-métallique, cette fois ce cocktail nous tire un peu moins souvent des soupirs d’extase.
Pour tout vous dire, cette cuvée 2020 n’a réussi à arracher que deux gros « Rhaa Lovely » au ronchon qui vous cause. Sur le superbe « Scarlet Babylon », qui tirebouchonne moins que ses compagnons de tracklist et dont la prestance saute plus clairement aux yeux (… on regrette juste que le morceau perde le fil en même temps que le focus après la barre des 3 minutes). Et sur le long « Your Days Are Numbered », très porté sur la mélodie et expertement tressé sur un solide fil narratif. Ne croyez pas que cette stricte sélection disqualifie pour autant les 6 autres pistes de l'album ou les renvoie dans le dépotoir des morceaux à oublier... Mais on avouera que ceux-ci réussissent clairement moins à nous marquer. On regrettera notamment que le morceau-titre se perde dans un long flottement irréel, comme si les Américains avaient voulu écrire leur propre bande-son du Grand Bleu. Dans le genre bulle instrumentale planante, « Beat The Clock » tire bien mieux son épingle du jeu, le morceau portant d’autant mieux son nom qu’il laisse à Bryce l’opportunité de laisser ses baguettes s’exprimer librement. Quant au reste des pistes, elles nous laissent plus ou moins impressionnés, un peu comme lors de cette N+1ième visite durant un marathon des châteaux de la Loire, quand la capacité à s’émerveiller commence sérieusement à s'émousser.
Mais peut-être n’est-ce que moi, la tiédeur du ressenti relaté ci-dessus ne s’appuyant que sur très peu d’éléments concrets (quelques structures plus cotono-brumeuses que la moyenne, quelques pauses qui dévitalisent les nerfs…) et étant donc hautement subjective. Ce qui est sûr par contre, c’est qu'il s'agit cette fois encore de gastronomie Tech Death de haut vol : à vous de voir si le cablage de vos papilles et de votre système audio-digestif vous permettra d'en profiter à plein.
La chronique, version courte: de manière objective, Only Time Will Tell reste fidèle à ce que Their Worm Never Dies offrait. Son Tech Death progressif est tout aussi subtile et accueillant qu’il y a un an, avec toujours cette grosse basse gourmande, ces rythmiques complexes mais raisonnables, et cette volonté de rester constamment mélodique. Pourtant on accroche un peu moins à cette nouvelle cuvée. Seul le temps nous dira si cette tiédeur est vraiment dû à la teneur de ce 4e album, ou si c’est notre oreille qui l’a capté au mauvais moment…
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