Fishbone - Chim Chim's Badass Revenge

Chronique CD album (68:32)

chronique Fishbone - Chim Chim's Badass Revenge

Bon anniversaire Chim Chim !

Je n'ose dire « joyeux » alors j'écris « bon ».

Il y a vingt ans, les « Fishbone Soldiers » sortaient leur plus beau disque, juste après s'être fait méchamment virer de chez Sony et Cie.

Et badaBOOM !

 

Après le grand écart douloureux que représentait l'inégal et shyzoïde Give A Monkey A Brain And He'll Swear He's The Center Of The Universe qui naviguait en hors-bord d'odieuses sucreries FM à d'occultes plages Metal (génial « Swim »), en passant par des marais de pétages de plombs absolus (terribles « Drunk Schizo » et « The Warmth Of Your Breath »), les Fishbone perdent en route deux membres – le gratteux Kendall Jones qui a complètement vrillé dans sa tête et le clavier/chant/cuivre Chris Dowd – et se retrouvent à cinq, dégoûtés de tout. Ou presque : pas dégoûtés de la musique, mais du monde stupide, moche et méchant qui l'entoure.

 

Profond dans les chiottes, le moral : « In The Cube » pour un ska lent de toute beauté porté par le chant charismatique d'Angelo Moore. Avec la haine en ligne de mire – dévastateurs « Riot » et « Rock Star » – Fishbone tire sur tout ce qui bouge, en commençant par le foutu racisme du Big Bizness.

Mis au ban pour être trop fous, mais certainement aussi pour être trop noirs, Fishbone exprime sa colère et sa liberté dans un formidable feu d'artifices.

 

Du coup, ils reprennent encore le mythe ultra raciste du Singe comme figure insultante du Noir. Ouais on est des singes et notre bite nous brûle – gros et teigneux « Monkey Dick » qui réussit une Fusion unique entre Metal, Punk et hurlements de cuivres éléphantesques ! « This shit is burning ! Burning like a barbecue pit full of coals »

Parfaite illustration du problème, King Buzzo des Melvins (qui avaient d'ailleurs invité Dirty Walt pour un mémorable solo de trombone sur « Bar-X-The Rocking M ») disait ce truc très juste que si Kurt Cobain avait été un gros Black de 150 kilos, jamais Nirvana n'aurait percé. Jamais !

Et qu'est-ce qu'est censé représenter la « Black Music », hein, au fait ? Un foutu ghetto réservé aux Blacks joueurs de Blues, Soul et Reggae traditionnels et conservateurs ? Pas de Rock qui dérange, pas de Metal (ou alors avec plein de hip-hop dedans, ahahahahah!), ou juste pour une touche « exotique, tu voaaas, des noirs qui font de la zik de blancs pour les singer » ! EAT THE MONKEY DICK !

Bordel... Des idées reçues tellement répandues que même les gens qui sont supposés ne pas avoir une goutte de racisme en eux peuvent voir les choses dans ce sens de ghetto black en musique. Et du coup même les principaux concernés vont parfois se borner et se conformer à ce balisage raciste !

Monde de merde...

 

Le son est sec et rêche, toutes voix, cuivres et batterie devant. La guitare faramineuse de John Bigham est audible en son clair, et complètement étouffée en son saturé, ce qui nous fait parfois regretter de ne pas mieux l'entendre, mais ça participe à un rendu sonore global bien particulier, original, et qui évite certainement un rendu trop bordélique. Il suffirait de réécouter la jubilatoire cacophonie de The Reality Of My Surroundings pour apprécier le chemin parcouru à grands coups secs de machettes dans la jungle.

Non, Fishbone bénéficie ici d'un son bien à lui, claquant et élastique, claquant l'élastique à force de tirer dessus, teigneux et naturel, débarrassé de cette saloperie de prod FM qui encombrait de ses bourrelets adipeux tous les albums précédents.

Ici, pas de tubes pour les soirées eighties, juste de pures fulgurances délirantes d'une classe folle, voire d'une beauté à tirer les larmes. Comme pendant « Love... Hate », morceau doté d'un refrain tragique et déchirant d'une ampleur magique, ou de l'arabique à brûle-gomme morceau éponyme où, avant que Norwood ne secoue sa basse comme pour la briser en mille morceaux de petit bois, l'intro déploie un spleen de fumeur de weed, qui sera encore plus prononcé et magnifique dans son faux-jumeau du miroir appelé « Pre Nut », plus tard dans le disque.

 

D'ailleurs, suivant directement le précité prélude, « Nutmeg » sera l'hymne final qui achève de transcender la géniale bouillabaise. C'est bien simple, aucun titre n'est à zapper, tout est permis, même de créer son propre monde en dehors de toute mode (à l'époque le Nu-Metal règne et jamais Fishbone n'avait été aussi Punk qu'alors).

Franchement, débouler un « Riot » aussi juste et saignant alors que formellement, cette éjaculation Hardcore ne ressemble à rien de vraiment connu (nan mais vous avez écouté la guitare ?, nan mais vous entendez ces voix râpeuses?), faire du Gospel en même temps que du Metal au cœur d'une jam épique (« Nutmeg »), balancer un solo de gratte complètement dingue sous mixé derrière le featuring Hip-Hop rebondissant de Busta Rhymes (le déroulé de leçons de Fusion « Psychologically Overcast »), écrire un morceau de plus de sept minutes sur les foufounes qui sentent mauvais (inénarrable « Sourpuss ») et faire aimer le ska à qui y est allergique (« Alcoholic » et les autres), faut déjà causer à un niveau extra-cosmique !

Même les deux interludes sont intéressants puisque c'est là que le disque dérape par deux fois dans un free quelque chose qui rend dingue, illustré des possédés spoken words de Moore.

 

En bref, Chim Chim's Badass Revenge représente ce que l'on peut faire de mieux, de plus fou, en s'amusant comme des gosses avec toutes les musiques. Une leçon de liberté et de créativité en somme, inspirante, vivifiante, qui mériterait une reconnaissance éternelle.

Mais le monde est pourri, les Fishbone sont Blacks et la majorité des gens sont des gros cons. Tellement pourri, tellement cons, que le groupe, entre autres galères, s'est retrouvé condamné à débourser des fortunes à un, hum-hum, fan qui s'était fait un peu assommer par Moore en plein slam à un de leurs concerts. Comme s'ils avaient besoin de ça...

 

Il faut se battre pour des cacahuètes, les singes feront péter ce monde, non sans avoir fait un tonnerre de bordel de tous les diables au préalable.

Un bijou.

photo de El Gep
le 25/09/2016

13 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 25/09/2016 à 10:38:54

"Après le grand écart douloureux que représentait l'inégal et shyzoïde Give A Monkey..."

Mais que... Que... Argh...

Est-ce que je peux continuer à lire cette chro après un tel début ?

Blasphémateuuuuuuuuuur !!! :P

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/09/2016 à 10:43:28

ça y est je redeviens un cercophitécidé misanthrope !

Xuaterc

Xuaterc le 25/09/2016 à 13:19:51

Une de mes honteuses impasses. Je sais que je dois me pencher sur celui-ci et Give A Monkey...

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 25/09/2016 à 17:26:27

Inégal, ça résume bien Fishbone ... ça résume bien fusion (ou Nawak pour notre lapin) ... et la prouesse de claquer Melvins ^^ un pti peu monomaniaque l'ami Gep, hein ^^

el gep

el gep le 25/09/2016 à 18:01:49

Glaume: j'insiste, j'insiste, si balancer dans le même disque "No Fear", "Lemon Meringue" et "Black Flowers" contre "Drunkskitzo" ou "The warmth..." ou "Swim" c'est pas faire un grand écart douloureux, je m'appelle Vandamme.

Crom: "cercophitécidé", intéressant... Ca veut dire quoi?

Xuartec: c'est le miiiiiiiiiiiieux plus meilleur, bordel, CHim Chiiiiiiiim!!!

Eric: inégal Fishbone, oui, tous les disques SAUF celui-là!
Monomaniaque, moi? Meuh non, de la suite dans les idées, voilà tout, ahha! T'oublie que je cite aussi parfois dans mes chroniques Stevie Ray Vaughan, tiens par exemple. Je suis sûr que je peux faire un lien avec les Melvins, tiens "Revolve", ça sonne pas un peu SRV And Double Trouble?

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/09/2016 à 19:24:18

Babouin !! Pas toi : cercophitécidé ça veut dire babouin.

cglaume

cglaume le 25/09/2016 à 19:36:35

Le grand écart n'est douloureux que parce que tu n'es pas assez souple, 'spèce de vieux fleuriste pas sportif :P

cglaume

cglaume le 25/09/2016 à 19:55:28

Tiens Gépéto, pour t'aider, petit à petit, à apprécier les grands écarts : https://www.youtube.com/watch?v=TdwT5JlH8gM

el gep

el gep le 25/09/2016 à 20:10:30

Merci pour le lien, c'est vraiment très drôle.
Mais ça ne compte pas: ils sont japonais, putain!
Nan sérieux j'ai rien contre les grands écarts, Fishbone me font juste chier à saloper 1/3 ou 1/4 de chaque album (tiens: "Truth And Soul", si tu fais abstraction du son, contient des morceaux magnifiques... et d'autres pires que Phil Collins, ou presque) par des titres FM, la soupe me fait pas rire longtemps (même s'ils le font très bien, surtout que ce sont de délicieux chanteurs).

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 26/09/2016 à 08:29:17

Pour les avoir vu 3 fois, ça déboîte sévère (les genoux) sur scène... Comme Ska P ou la Ruda, des bons groupes en live.
celui-là ... après "Sour Puss", c'est moins bandant, non ? ^^

el gep

el gep le 26/09/2016 à 14:21:15

STOP Eric, STOP!!! On ne compare pas Fishbone à ... La Ruda et Ska-P, putain!
Au secours! A part le ska, c'est quoi le rapport?!? C'est même pas le même ska, hein, attention, le ska de Chim Chim, c'est la grande classe, pas ce truc de baltringues, là!
Et je kiffe "Rockstar" et "PreNut" et ... les foufounes amèèèèères!
Tu as tort (sur internet) !!!

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 26/09/2016 à 18:09:04

Comparaison, parce que dans mon souvenir, la dernière fois que j'ai vu Fishbone, c'était entre les 2 pré-cités.
Une putain d'après-midi... effectivement, la bande à Moore est plus classieuse et décisive ... et meilleure sur disque, sans discussions.
C'est pas de la musique que tu dégustes sur disque de toutes façons ^^

Vinchesnut

Vinchesnut le 10/12/2016 à 00:34:33

Exellente critique, sans conteste le meilleur album de Fishbone, le plus entier, le plus hardcore avec un son vraiment personnel ... Une putain de claque cosmique !!

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