Jane's Addiction - Kettle Whistle

Chronique CD album (74:27)

chronique Jane's Addiction - Kettle Whistle

Le meilleur album de Jane's Addiction n'est pas un album. Enfin, « le meilleur » selon moi. Nous l'allons montrer tout à l'heure.

« Pas un album » car il s'agit ici d'un hybride entre versions concert et demo de morceaux déjà parus longtemps auparavant (avant cette éphémère reformation comprenant Flea au poste de bassiste à la place de l'irremplaçable Eric Avery), inédits et deux « vrais » nouveaux morceaux de l'époque – soit 1997 en l’occurrence.

C'est avec ce disque que j'ai découvert Jane's Addiction, reculé que j'étais dans mon petit bled, forcément sans internet – 1997, bordel ! (Et en plus on y est venu en retard...) Depuis, il ne m'a pas quitté. Je l'écoute encore régulièrement, toujours avec un grand plaisir, en ressentant de l'intérieur cette incroyable lumière d'été, douce et douloureuse à la fois.

 

Ce chant... Ce chant androgyne, dès ''Kettle Whistle'', nouveau morceau de la nouvelle formation temporaire millésime 97, m'avait pris aux tripes, aux couilles, pour les remonter haut dans le ciel, l'éther, les rêves adolescents.

C'est vraiment le groupe de mon adolescence. Nirvana, Smashing Pumpkins, Korn, Tool ou que sais-je ne m'ont jamais touché, même à l'époque, autant que Jane.

De la passion et de la délicatesse, du magma bouillonnant et de l'éther, des montagnes russes oniriques donc émotionnelles... Musique d'un perpétuel été peuplé de désirs inassouvis, de fantasmes de grand amour, de baise, de baisers... Des hymnes comme ''Up the Beach'' avaient ce côté élévation charnelle et spirituelle que je ne retrouverais guère que dans quelques chefs-d'oeuvre comme Ocean Machine. (Devin Townsend a d'ailleurs reconnu une certaine influence...).

Et la guitare de Dave Navarro... Que dire... Dave est un personnage public qui me paraît vomitif, mais sa guitare chantait, hurlait, vivait, brûlait, enchantait, torturait... Il pouvait la faire sonner mélodique tout en gardant ce côté badass comme disent nos amis d’Amérique ; comme quoi c'est possible.

Et les lignes de basse d'Eric Avery... Angéliques. D'une simplicité angélique, c'est bien le mot.

Quand je pense que leur nom de groupe est un hommage à Joy Division, je discerne un peu le lien (notamment dans la basse), mais attention, rien à voir !

Car rien de glacial chez Jane's Addiction, jamais. Toujours la chaleur. Toujours cette incroyable lumière d'été. Grâce à eux, je vivrai et mourrai baigné par elle, en elle.

Je n'exagère pas. Même si elle était en moi déjà, ils me l'ont révélée ! Alléluia !

J'ai écrit ma première longue histoire (au moins 120/140 feuillets je crois) grâce à eux. Ça s'appelait Summertime Rolls, oui, comme leur morceau sur Nothing's Shocking (1988). J'ai perdu le manuscrit depuis longtemps et c'est sans doute très bien comme ça (c'était très mauvais), mais je n'oublie pas.

 

« Me and my girlfriend
Don't wear no shoes
Her nose is painted pepper
Sunlight...
She loves me
I mean it's serious
As serious can be...

She sings a song and
I listen to what it says:
If you want a friend
Feed any animal...
There was so much space
I cut me a piece
With some fine wine
It brought peace to my mind
In the summertime...
And it rolled »

 

["A cet instant, tu devrais sentir avec nous, sentir comme nous ressentons, et comme nous aimons aussi..."]

 

Et donc, pourquoi ce disque tout mélangé serait-il meilleur que leurs véritables albums ?

Déjà, parce qu'il y a la meilleure version au monde de ''Jane Says''. Absolue, magnifique. Cette espèce de fausse ballade est interprétée ici en live, avec un amour qui transcende totalement le morceau. Franchement, j'arrive plus à écouter la version de Nothing's Shocking. Perry Farrell ne la chante pas du tout pareil. Ici, c'est déchirant... et joyeux. Et ces steel drums poétiques... Les larmes aux yeux. Mais si y'avait que celle-là...

Tous les incroyables morceaux joués live, tout sonne mieux : "Three Days" (j'y reviendrai, comment faire autrement, comment vivre sans ''Three Days''?!?), les enragés ''Stop'' (putain, quel batteur, putain quelle guitare endiablée, quels musiciens mon bon monsieur!), ''Ain't No Right'', ''Whores'' (ah non, y'a que des versions live qui existent de celle-là, je crois bien).

Pareil pour les versions demos ! Putain, LES VERSIONS DEMOS SONNENT MIEUX QUE LES VERSIONS ALBUMS produites par la putain de Warner Company mes couilles !

Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas cette foutue couche de son aseptisé label ''années 80'', ces aigus froids, ce son creusé, sans entrailles, de ces bordels de studios ultra professionnels de merde ! Là, ça sonne Rock pour de vrai, on entend tout parfaitement (c'est très bien enregistré, je dis!) et au moins là on sent l'énergie POUR DE VRAI.

 

Désolé les gars de Jane's Addiction... c'était bien la peine de débourser des mille et des cents pour des résidences en studio. Un mec des environs de Belfort, Petite France d'En Bas, préfère vos enregistrements de pauvres. Ça doit vous faire une longue jambe...

''Mountain Song'' est ultime, quelle énergie ! Ah j'aimerais tant entendre ''Ted, Just Admit..." et justement ''Summertime Rolls'' avec ce son-là... Avec la basse d'Avery qui garde tout son corps et la batterie géniale de Stephen Perkins pas truffée d'aigus de cymbalettes pour branlette hi-fi...

Le son d'un disque, c'est pas si important tant que la musique dégomme, mais quand c'est de la grosse prod clinquante c'est toujours plus irritant qu'un son médiocre d'amateurs.

 

En outre à bière, il n'y a pas que le son, hé, mais aussi et surtout l'interprétation.

 

D'ailleurs et puis, tiens, y'a aussi... ''THREE DAYS''.

 

Rien qu'à imaginer le chant, ''Three days was the morning... '', j'ai les larmes qui menacent aux encoignures.

22 ans après, c'est toujours pareil. Tu t'rends compte !? Nan, j'crois pas.

 

Et puis ''THREE DAYS''.

En live...

Hééééé, mais comment ils ont fait les types pour jouer cette fresque de 11 minutes aussi bien ?

 

Et ''THREE DAYS''.

Soleil levant et crépuscule mêlés.

 

''THREE DAYS''.

La messe est dite. Jane's Addiction chante le désenchantement final des hippies dans une ultime baise à plusieurs. Le paradis en enfer.

Ça t'élève et ça te retourne.

 

En outre à vin, les deux nouveaux morceaux (les deux seuls vrais nouveaux morceaux à l'époque en 1997, avec Flea à la basse, donc) ont eux aussi une classe absolue. Plus electro-rock-un-peu-ambient-voire-IndusPlanant, mais attention, je ne trouve pas qu'ils aient vieillis. La trompette dans ''So What !'', quelle idée ! Et la trompette, la trompette, les amis, ne vieillit JAMAIS ! Les guitares solaires, les guitares tournoyantes, en bouillons, ''Days like these I hardly disagree'', cette ligne de chant ! Pourquoi ressentons-nous le besoin d'appartenir à quelqu'un ? Nous voulons tous être beaux aussi, nous répond Jane, qui n'a pas toujours la diction triste, éhéh.

 

Ce disque est aussi ponctué d'instants plus légers qui permettent de reprendre son souffle et surtout... sourire sans sentir cette extase qui transfigure, plaisir et peine comme une seule chose enfin réunie. ''My Cat's Name Is Maceo'' coolos avec Maceo Parker en invité desupaluxe, ''City'' comme chansonnette enregistrée sur le pouce, clôt le disque en toute simplicité évidente.

 

 

Mon adolescence a duré trop longtemps, je crois. Elle se serait arrêtée précisément et brutalement en 2006. J'avais 26 ans, raté le « club des 27 », ahahah stupide loser. Mais Jane's Addiction demeure en moi comme son incarnation parfaite encore vivante aujourd'hui, la meilleure. Du moins, sa part la plus belle et la plus douloureuse, blottie derrière mon cœur comme un sniper-pacemaker, prête à relancer la machine à coups de décharges psychédéliques si elle venait à trop durcir ou sécher comme une charogne sur la roche en plein désert.

Non, pas de niaiserie à bord. Juste cette incroyable lumière d'été.

 

photo de El Gep
le 08/09/2019

6 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 08/09/2019 à 14:38:59

Quel enthousiasme. Je vais aller m'écouter ça...

el gep

el gep le 08/09/2019 à 19:38:18

C'est pas de l'enthousiasme, mec, c'est d'l'amour.
Tu m'en diras des nouvelles. Je sais pas du tout si ça sera ton truc...

Xuaterc

Xuaterc le 08/09/2019 à 20:06:21

Je me souviens d'avoir vu passer les pub dans la presse spécialisée, mais il était déjà trop tard pour moi.

Xuaterc

Xuaterc le 10/09/2019 à 16:48:08

Ah, je comprends pourquoi tant d'amour, même s'il est trop tard pour moi pour qu'il devienne un album de chevet. Quel titre ce "Three days" en tout cas!

el gep

el gep le 10/09/2019 à 16:51:34

Ah très content que ça te plaise et que tu découvres, il est jamais trop tard! Et, oui, je n'enlèverais rien à la qualité de ce groupe, mais découvrir ça à l'adolescence, marque forcément beaucoup plus.

Dams

Dams le 10/09/2019 à 18:38:37

Un groupe comme on n'en verra sûrement plus...

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025
  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025

HASARDandCO

Pennywise - Reason To Believe
Vacivus - Annihilism