Madder Mortem - Deadlands

Chronique CD album (57:13)

chronique Madder Mortem - Deadlands

Prendre un court extrait du titre d'ouverture de l'album précédent afin de le triturer, le ralentir, voire le mettre à l'envers comme pour illustrer tout en symbolique que l'on ne prend pas les mêmes et on recommence. C'est de cette manière un brin bizarre que débute Deadlands avec ce court « Enter » introductif, faisant suite à All Flesh Is Grass, où Madder Mortem semble bien décidé à prouver dès les premières secondes qu'il ne compte pas rester dans les sentiers sur lesquels on pouvait bien l'attendre. Même si l'attendre quelque part se révèle quand même fort ambitieux tellement les Norvégiens se donnent un point d'honneur à être difficiles à cerner. Si All Flesh Is Grass pouvait se montrer assez énigmatique envers les esprits les plus obtus tellement il partait dans tous les sens, on ne peut pas dire que Deadlands aidera beaucoup à comprendre davantage là où le groupe veut en venir : Madder Mortem revoit ici sa copie en modifiant pas mal sa sauce. Et pourtant, aussi différent puisse être ce troisième opus, on finit par se dire avec le recul et la connaissance de sa discographie qu'il s'agit là d'une évolution somme toute logique.

 

Comme j'ai pu le dire en conclusion de ma précédente chronique : All Flesh Is Grass présente l'identité créative de Madder Mortem de manière fondamentale et juvénile. Les bases étaient posées, il ne restait plus qu'à la canaliser cette créativité débordante. L'année suivante, Deadlands déboule, semble de prime abord fort différent dans l'approche et pourtant pas tant que ça : il s'agit là de cette fameuse forme canalisée précédemment plébiscitée. Et ne vous fiez pas à la note qui est égale à celle du précédent opus – que j'ai sciemment gonflée par simple subjectivité car j'y suis étrangement plus attachée que le sujet du jour – car de manière un brin plus objective, cette monture de 2002 le dépasse. Et si les changements incessants et pas toujours faciles à suivre vous avaient laissé sur le carreau précédemment, il serait de bon ton de tenter l'écoute de ce troisième méfait vu que Madder Mortem propose cette fois quelque chose de bien plus structuré.

 

Les morceaux de Deadlands s'articulent donc sur un schéma plus conventionnel avec des plans récurrents. Plus facile à digérer pour l'auditeur car plus direct, Madder Mortem n'en oublie pas moins de s'amuser puisque malgré une approche plus emprunte de classicisme, il sait encore se montrer surprenant. L'aspect progressif de la musique des Norvégiens ne s'en révèle que plus forte : tout se joue sur le développement des atmosphères dans la progression crescendo/decrescendo et non plus de manière abrupte et éclatée comme c'était le cas l'année précédente. Un point plus que maîtrisé d'ailleurs tant le groupe se montre habile dans les nuances et la mise en valeur d'ambiances radicalement opposées en peu de temps au sein d'une même pièce, en utilisant les mêmes procédés que sur All Flesh Is Grass (atmosphères sombres et mélancoliques aussi envoûtantes que dérangeantes, chant possédé voire hypnotique et dissonances mélodiques). Les plus longues pièces de l'album, « Silverspine » et « Resonatine » oscillant entre huit et dix minutes, illustrent sans mal cet état de fait. Alors qu'« Omnivore » se présente comme le titre le plus proche de son prédécesseur sur lequel on aurait apposer cette volonté de structuration.

 

Dans le plan des nouveautés apportées par Deadlands, on pourra reconnaître une meilleure habileté du groupe à entremêler les styles de manière aussi surprenante que cohérente. La part de doom du grand frère est en effet toujours présente mais a clairement reculé et été reléguée au rang de simple outil au même titre que d'autres styles développés et savamment intégrés afin d'obtenir une tambouille homogène et marquée au fer rouge des armoiries Madder Mortem. C'est ainsi que nous pouvons voir un aspect plus rock léger mixé à du prog metal sur « Distance Will Save Us », que le doom emprunt des débuts n'aura jamais été aussi mélodique sur « Faceless ». Ou alors se délecter des formidables montées/descentes niveau de l'intensité et agressivité, flirtant même parfois avec la folie pure et dure, avec un « Jigsaw (The Pattern And The Puzzle) », chose que les Norvégiens ne font comme personne. Ils savent même se montrer plus tubesques avec « Necropol Lit » et surtout « Rust Cleansing », véritable pépite qui introduit une dimension plus groovy emprunte du neo – de manière bien moins coconne, le refrain et la façon dont il est amené se révélant aussi irrésistible qu'improbable – que l'on retrouvera au cœur du propos dans l'opus suivant, Desiderata.

 

Deadlands serait-il l'album de la maturité pour Madder Mortem ? C'est fort probable. Car au final, malgré moult différences indéniables par rapport à ses deux grands frères, quand on y réfléchit bien, on pourrait presque le considérer comme le lien entre les deux. On y retrouve à la fois la portée émotionnelle de Mercury et l'inventivité audacieuse d'All Flesh Is Grass. Présenté différemment mais reposant toujours sur des caractéristiques présentes depuis ses débuts, une chanteuse de par une interprétation possédée se révélant davantage comme étant l'une des meilleures du circuit malgré que l'on soit en pleine explosion du metal sympho à chanteuse et que son registre soit très différent de toutes ces petites divas lyriques, les Norvégiens enfoncent le clou de groupe génial injustement mésestimé. Ils se permettent même de montrer là les prémices de l'album qui lui succédera quatre ans plus tard, Desiderata, véritable pierre angulaire de sa discographie. Et le pire dans cette histoire, c'est que Deadlands est sorti seulement un an après son prédécesseur et a été mis en boîte en trois petites semaines. Chapeau bas...

photo de Margoth
le 24/12/2017

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