Pain Of Salvation - In The Passing Light Of Day

Chronique CD album (71:51)

chronique Pain Of Salvation - In The Passing Light Of Day

- Monsieur Gildenlöw, c'est l'heure de prendre vos médicaments.

 

La porte s'ouvrit et l'infirmière apparut, la mine aussi renfrognée que d'ordinaire. L'amabilité et l'humanité, voilà qui n'était pas son fort. Nul doute qu'une peau de vache pareille pouvait faire des merveilles en climat pénitencier, voire au service d'urgences parmi les viandes aussi ivres qu'agressives. Ce n'était pas faute d'avoir d'autres employés plus sympathiques mais il semblerait que je ne pourrais compter que sur sa compagnie pour la nuit qui s'annonce. Une de plus, me donnant l'impression d'être enfermé au sein d'un hospice aussi austère que sa représentante du moment.

 

- Bon, Daniel, il commence à se faire tard, je vais y aller... Tu es sûr que ça va aller ? Veux-tu que je te ramène quelque chose la prochaine fois que je passerai ?

 

Mon ami était déjà sur le départ, tout vêtement remis négligemment sur ses épaules. D'un sourire et d'un regard épanoui, je lui répondis simplement.

 

- Non, ça ira, je te remercie. Et merci de ta visite, à une prochaine fois !

 

Dernières politesses et derniers sourires et le voilà parti dans le vrai monde, celui des biens portants. Aussi vite que sa silhouette disparut derrière la porte, mon sourire s'effaça afin de laisser une expression beaucoup plus sombre sur mon visage. Peut-être que l'infirmière l'avait remarqué mais si tel était le cas, préféra ignorer ce brusque changement de faciès en feignant d'être absorbée par ses traitements, poches de perfusion et autres piluliers remplis de fèves chimiques aux enveloppes multicolores. Et une fois son labeur terminé, s'éclipsa en grommelant une politesse d'usage forcée, traînant nonchalamment et bruyamment son inséparable chariot médical.

 

Je me retrouvai seul, flottant hébétement par le tout début d'effets des drogues nouvellement insérées dans mon organisme malade. Il était grand temps que je prenne ma douche avant que les substances chimiques ne s'intensifient et m'assomment totalement. Non sans difficultés, je me redressai de mon lit, prêt à parcourir les quelques pas me séparant de la salle d'eau clinique et plastique. Ce n'était pas raisonnable certes mais je n'étais pas encore prêt à subir la toilette d'un tiers, la résignation du vieillard sénile et agonisant n'était pas encore d'actualité. Dans mon esprit, je restais ce jeune homme fringant et bien portant qui n'était qu'à peine arrivé à la moitié de son existence théorique.

 

Putain de coup du sort, le destin pouvait être bien facétieux. D'un homme équilibré et sain de corps, il fallait qu'une inexplicable infection vienne me balayer de manière fulgurante, me laissant dans le doute permanent quant à ma survie. Comment ai-je bien pu en arriver là ? Qu'ai-je fait pour me prendre un retour de karma si radical ? Tandis que le filet d'eau sortit du pommeau de douche, je sentit cette eau neutre couler et se mélanger au goût salé de mes larmes.

 

Pourtant, lorsque mon ami était présent, je lui souriais comme si de rien n'était, que les choses allaient pour le mieux. Un visage positif d'un homme battant, pensant naïvement que la force de l'optimisme pouvait repousser n'importe quel obstacle, n'importe quelle maladie. Le plus étrange était que cet état d'esprit en sa présence n'était nullement chiquée. Être avec mes proches me réconfortait, me donnait une vague d'énergie positive pour ne pas baisser les bras... pour laisser place aux doutes dès lors que les moments de solitude arrivaient. Des doutes touchant toute la ligne temporelle de mon existence. Du présent quant à mes espoirs et désespoirs de survie et par pure conséquence logique, du futur plus aussi lumineux et tout tracé que je pouvais bien imaginer avant que la maladie ne me terrasse.

 

Les doutes les plus pénibles à vivre étaient sans hésiter ceux liés au passé. Ils pouvaient même se transformer en véritables terreurs dès lors que les drogues affectaient trop sévèrement le psyché, tel un bad trip psychotique. Etats d'âme cruels tant on ne pouvait que constater sans pouvoir modifier. Ce qui était fait était fait et il était d'autant plus horrible de ne pas être certain d'être en mesure d'appliquer les diverses remises en question dans le futur. Ai-je bien fait tout ce que je voulais faire ? Ne me suis-je pas perdu en chemin ? Mes envies et caprices de certains moments donnés n'ont-ils pas conduits vers des impasses stériles, sans aucun sens hormis celui de m'avoir fait perdre un temps précieux dans l'accomplissement de mes objectifs ? Ou au contraire était-ce nécessaire afin de forger une entité plus variée, me reflétant complètement ?

 

 

 

Peut-être était-ce les états d'âme qui ont traversé Daniel Gildenlöw durant sa grave hospitalisation intervenue entre la doublogie Road Salt et l'écriture de ce présent In The Passing Light Of Day. Après, on ne doute pas que les inévitables réflexions d'un homme emprisonné des draps de son lit d'hôpital se soient révélés plus profondes et philosophiques au vu de ce que le bonhomme nous a habitué sur toute la discographie de Pain Of Salvation. En tout cas, s'il ne voulait au démarrage pas traiter de cette sombre période de son existence, Gildenlöw a toutefois fini par le faire puisque tout ce dernier-né la développe au point de dégager ces étranges sensations, à la fois pénibles, mélancoliques et méditatives.

 

La sortie plutôt confidentielle d'une version remixée de Remedy Lane laissait présager de ce qui pouvait bien nous attendre avec In The Passing Light Of Day : un retour aux sources. Les vieux fans que Pain Of Salvation avait perdu en chemin avec le moderne Scarsick et les vintages Road Salt One et Road Salt Two peuvent en être ravis dans le sens où ils pourront penser que la bande à Gildenlöw semble enfin avoir retrouvé la raison et cessé de se perdre vers des voies sans aucun sens lorsqu'on les compare avec ses débuts discographiques. Et pourtant, s'arrêter à ça serait mal connaître Sir Daniel qui n'est pas du genre à tomber vers ce genre de facilités rétrogrades. Au contraire, ses réflexions l'ont plutôt conduits vers un état d'esprit où chaque voie explorée avait son utilité et pouvait être exploitée. C'est ainsi qu'In The Passing Light Of Day se présente davantage comme une habile synthèse de toute sa discographie plutôt qu'un véritable retour aux sources. Les progueux les plus conservateurs risquent sans nul doute de grincer des dents, d'autres, plus éclairée prendront In The Passing Light Of Day comme ce qu'il est : la nouvelle sortie d'album de Pain Of Salvation, un groupe sur lequel on a collé une étiquette progressive mais qui n'en a que faire. Au contraire, il s'amuse même à multiplier les fucks déployés à l'encontre des spécificités du style, considéré plus que sérieusement par son assistance qui lui voue une dévotion quasi-religieuse. On laissera ceux qui en doutaient encore prêter une oreille à « Disco Queen » sur Scarsick qui peut être vu comme une jolie provocation à l'égard du progueux de base à l'esprit on ne peut plus fermé.

 

Soit, que ces gorilles s'en retournent à leurs Dream Theater et Symphony X et laissent In The Passing Light Of Day en proie à d'autres esprits moins obtus qui pourront s'extasier du véritable coup de maître qu'a pu jouer Pain Of Salvation dans sa volonté de synthèse. Parce que sans aller trop loin, réussir à entrecroiser la modernité d'un Scarsick et les tribulations 70's des Road Salt, ce n'était pas un pari gagné en soi. Ce qu'ils ont pourtant réussi à faire, haut la main les bougres. Ce nouveau-né parvient à entremêler les sons plus heavy et bruts de décoffrage caractéristiques de grands albums tel que Remedy Lane, Entropia ou encore The Perfect Element Part 1 à des rythmiques déstructurées moderno-djent faisant plus penser à du Scarsick et mettant en évidence qu'un ex-Meshuggah est de la partie dans ce line-up fortement remanié. Le tout teinté d'une enveloppe délicieusement vintage, son directement hérité de la doublogie Road Salt. Encore une fois, l'étiquette progressif ne pourra pas se coller sur Pain Of Salvation pour ses solos de dix minutes, bien que l'album en contienne un, chose assez rare chez les Suédois, mais davantage pour son aspect de « progression » dans ses frasques instrumentales mais surtout du développement de ses ambiances et émotions.

 

Parce que Pain Of Salvation, ça a toujours été ça son point fort : de l'émotion sur galette où la place est laissée à la technique instrumentale mais pas pour le pur plaisir de la démonstration gratuite et égocentrique, simplement pour servir la sensibilité et lui donner davantage de relief. Des émotions qui sont ici poussées à leur paroxysme. Tellement, que In The Passing Light Of Day en devient complexe à digérer. Tellement exacerbé en émotions, cette totale transparence dérange un peu au démarrage. Une gêne similaire à celle de tomber sur les écrits impudiques d'un journal intime d'une tierce personne. Jusqu'à ce que la curiosité indiscrète, tel le petit diable sur son épaule gauche qui apparaît, prenne le relais afin de découvrir et se délecter cette tranche de vie intimiste dont on ne peut que tomber en empathie.

photo de Margoth
le 04/05/2017

1 COMMENTAIRE

cglaume

cglaume le 04/05/2017 à 12:16:46

Pour rivaliser avec la longueur et la sophistication typiques des compos Prog, il fallait bien une telle chro (je dis ça mais je ne connais pas le groupe :) )

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