...and Oceans - As in Gardens, So in Tombs

Après une histoire heurtée, mais féconde – débutée en 1995 et marquée dix ans plus tard par un changement de nom, Havoc Unit, dont l’existence devait s’interrompre en 2013 –, les Finlandais de …And Oceans n’avait pas manqué leur retour sous ce nom en 2020 avec l’album Cosmic World Mother. Celui-ci avait mis fin à un silence, insupportable pour les fans de leur Black Metal symphonique, de près de deux décennies, après Cypher en 2002.  Le retour aux affaires, acté en fait depuis 2017, avait autorisé une reformation autour de l’inimitable Kenny, a.k.a. K-2T4-S, qui devait malheureusement effectuer un regrettable et définitif pas-de-côté deux ans plus tard.

Sorti fin janvier 2023, à nouveau chez Season Of Mist, As in Gardens, so in Tombs devait offrir l’opportunité au sextet scandinave, mené désormais par le frontman Mathias Lillmåns, de prolonger, entretenir, vivifier – sans la dénaturer – l’onde créatrice créée trois ans plus tôt par un long-format aussi qualitatif que rassurant. L’effort est bel et bien là, puisque dix nouveaux titres sont mis en avant, et même douze avec les bonus "Samlarens Valv" et "Third Eye Catalyst" !

Il m’a paru pertinent d’enchainer les propositions de 2020 et 2023 pour en dégager les différences notables. Discriminables dès l’intro éponyme, les traits distinctifs existent bel et bien, et rien de moins que dans les compositions et le mix final qui laissent les orchestrations et les samples digitaux (rappelant les heures buissonnantes de l’époque Havoc Unit) s’exprimer plus largement ("Cloud Heads", "Wine into Water"), alors que l’identité symphonique avait été quelque peu éclipsée dans le Cosmic World Mother au profit d’un Black Metal féroce et viscéral. …And Oceans ont donc évité l’écueil du copier-coller. Les qualités d’écriture et de production sont à nouveau au rendez-vous. Rien à dire de ce point de vue-là. On retrouve même un certain allant dans le refrain de certains morceaux, qui peut surprendre mais qui ne s’avère pas tout désagréable (début des 2^e et 5^e minutes "The Collector and His Construct", "Cloud Heads"). D’autres titres nous ramènent allègrement au …And Oceans de la fin des années 1990 et du tout début des années 2000 ("Within Fire and Crystal", "Likt Törnen Genom Kött").

Pour notre plus grand plaisir, vous me dites ? Certainement… À part que l’écoute répétée de certaines chansons ont fait naître en moi un sentiment – réconfortant certes, mais prégnant – de nostalgie. Ce Black sympho de 2023 dégagerait-il paradoxalement une atmosphère décatie ? Peut-être par instant, comme sur le peu emballant "The Earth Canvas" ou le (trop) dimmuborgien "Inverse Magnification Matrix". Mais certainement pas sur l’intégralité de l’heure qu’atteint ce As in Gardens, so in Tombs, d’autant que …And Oceans sait apporter de la modernité (écoutez le rugueux "Samlarens Valv" et surtout l'impressionnant "Carried on Lead Wings").

Ces quelques réserves éveillent ma curiosité quant à la prochaine offrande de ces Finlandais : nous ramèneront-ils dans les années 1990 OU ancreront-ils davantage leurs compos dans les années 2020 ? « Ou » et pourquoi pas « et/ou » d’ailleurs !? L’équilibre nostalgie/modernité est possible, et sans doute, à l’image de son "Ambivalent God", …And Oceans l’a-t-il déjà trouvé… Non ?

Seisachtheion

le 03/03/2023