Ærkenbrand - Hedenfarne Æventyr

Chronique CD album (44:09)

chronique Ærkenbrand - Hedenfarne Æventyr

Ce Hedenfarne Æventyr, quatrième album du projet danois Ærkenbrand, a bien failli ne pas voir le jour. De l’aveu même de son label, I, Voidhanger (que son nom soit sanctifié), le groupe lui avait fait parvenir l’album sous la forme d’un unique fichier audio anonyme. Le label, ne l’ayant écouté que plusieurs semaines après l’avoir téléchargé, l’a beaucoup apprécié. Cependant, parmi les nombreuses propositions d’autres groupes reçues entre-temps, il lui avait été impossible de remonter jusqu’aux auteurs. Ærkenbrand a fini par recontacter le label, et Hedenfarne Æventyr est finalement sorti le 8 novembre, après presque sept ans de gestation. Cet album a été précédé du single « Nattens Konge », et je dois avouer que son écoute, ainsi que cette anecdote rocambolesque, m’ont poussé à m’y intéresser et à guetter le courriel promo de la maison de disques. En attendant, je me suis plongé dans la discographie des Danois, mais je dois avouer que je n’y ai pas retrouvé le mélange savoureux de Hedenfarne Æventyr.

 

Ce nouvel opus marque une progression dans le style pratiqué par Ærkenbrand, oscillant entre Krautrock et Metal extrême, tout en empruntant aux aspects expérimentaux de genres intermédiaires : improvisation psychédélique, lourdeur Doom, riffing Djent, plages méditatives du Post-rock, et mélodies décadentes issues de la musique minimaliste. Cet assemblage hétéroclite offre le liant nécessaire à ce grand écart stylistique. Même si je n’y entends pas toujours grand-chose, j’ai lu que les trois musiciens étaient de véritables virtuoses dans leurs domaines respectifs, en particulier Sebastian Mørch, le guitariste, dont le jeu en tapping est particulièrement original et déroutant. Ærkenbrand est cependant bien plus que la somme des groupes dont ils se revendiquent. Là où King Crimson privilégie des structures complexes et cérébrales, Ærkenbrand propose une approche plus viscérale, presque narrative, qui transporte l’auditeur dans un univers onirique. De même, tandis qu’Oranssi Pazuzu explore les confins du psychédélisme cosmique, Ærkenbrand conserve une dimension plus terrestre, enracinée dans des ambiances folkloriques inquiétantes.

 

Parmi les bizarreries, il faut absolument noter la performance vocale de Lovmand, qui est aussi batteur. Sa prestation est complètement imprévisible, toujours sur le fil : entre hurlements Black Metal, déclamations dignes d’un meneur de revue dans un cabaret de freaks, et chant opératique, il enrichit considérablement la palette émotionnelle et dramatique de l’album.

 

Étrange, Hedenfarne Æventyr l’est de bout en bout, même si le saxophone, joué ici par Jindyl et présent sur plusieurs titres, ne me provoque plus, depuis bien longtemps, le malaise qu’il semble vouloir susciter. Le chaos atteint son apogée sur « Kødets Opstandelse », avec son ambiance Free-jazz, ses guitares millimétrées et sa rythmique Afrobeat. Là où d’autres morceaux semblent raconter une fable, cette piste s’apparente à une explosion sonore, délibérément chaotique mais étrangement maîtrisée. Comme c’est souvent le cas avec les albums dont je vous parle, Hedenfarne Æventyr gagne à être écouté d’une traite, de la première à la dernière mesure, et mérite amplement le qualificatif d’avant-garde. Ce terme, souvent galvaudé, désigne ici une véritable démarche iconoclaste portée par des musiciens en quête d’expérimentation. Sans hésiter, je dirais que cet album marque une étape importante dans l’évolution du Metal.

 

L’aspect narratif est essentiel dans la manière dont les musiciens construisent cette musique sombre et onirique, originale et exigeante, à la fois décadente et mélodique. Héritière de Caladan Brood, dont elle partage le goût pour les paysages musicaux épiques, et de Terry Riley, par son utilisation répétitive et hypnotique, leur musique parvient cependant à éviter la lassitude grâce à des ambiances cauchemardesques et imprévisibles.

 

photo de Xuaterc
le 31/01/2025

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