Antrisch - EXPEDITION II : Die Passage

Chronique CD album (38:03)

chronique Antrisch - EXPEDITION II : Die Passage

Heureux de terminer l’année par une chronique historique, d’autant plus heureux que c’est l’occasion de rappeler la qualité et la densité d’une scène Black metal – celle d’outre-Rhin – que j’ai quelque peu négligée cette année… Négligence pour partie réparée avec Expedition II : Die Passage, le premier album du groupe allemand Antrisch, actif depuis seulement 2020. Cet opus fait écho à une des expéditions les plus tragiques et légendaires de l’histoire de la navigation maritime ! En 1845, tandis que l’exploration scientifique va toujours de pair avec la convoitise de territoires, la Royal Navy envoie en terres arctiques deux navires et 128 membres d’équipages, commandés par sir John Franklin : le Terror et l’Erebus. L’Empire britannique, alors maître de la moitié du globe, ambitionne de dresser la carte de l'impénétrable passage du Nord-Ouest, zone inconnue censée relier l'Atlantique au Pacifique par le nord du Canada. Il se refuse d’être en échec devant un tel désert glacé, pourtant l’une de zones les plus inhospitalières de la planète.

 

Or, ce qui devait être un coup d'éclat de la Couronne britannique tournera en hécatombe, à laquelle aucun homme ne survivra. Chaque étape de ce cortège d’épreuves et de souffrances est racontée titre après titre par Antrisch : le convoi prisonnier des glaces contraignant les marins à passer deux hivers sur place (1846-1847) / Le scorbut, l'hypothermie et le saturnisme – les quiches… la plupart des boîtes de conserve contenaient du plomb – (1847) / L’enfer blanc qui emporte dans un premier temps 25 marins, dont Franklin (11/06/1847) / Le recours au cannibalisme (1848) / L’abandon des navires par le reste de l'équipage et son nouveau commandant Francis Crozier (voir la pochette réalisée par Timon Kokott), avec l'intention – en vain – d'atteindre le continent canadien (1849-1850) / Le repérage des deux épaves (… 2014 et 2016 seulement). Le titre original de la dernière chanson indique justement les coordonnées où l'épave de chaque navire a été trouvée !

 

Expedition I : Dissonanzgrat, un EP bien touffu (5 pistes, plus de 27 mn), était déjà plein de promesses, surtout à travers ses très bons titres "III Stirnschlag" et "IIIII Gipfelfieber", mais là avec Expedition II, les Bavarois nous offrent un travail on ne peut plus convaincant, qui accroche l’attention, et ce dès la première écoute. Suffisamment rare pour être souligné ! Ce n’est certes pas la première fois que je le souligne dans une chronique, mais les paroles en langue de Goethe font là encore leur effet, qu’elles soient murmurées en début de morceau ou hurlées.  Les samples, bien dosés et toujours utiles, véhiculent à leur tour une grande partie de l’atmosphère : l’écartement de la glace, le craquement des coques et ponts des navires comprimés par la banquise, le chant patriotique Rule Britannia ! entourés des sifflements du vent polaire, gémissant et hostile, le signal des sous-marins d’exploration. On partage le désespoir et l’agonie de ces marins maudits, impuissants face à la rudesse implacable des éléments, prisonniers pendant plusieurs années de ce dédale de glace !

 

La musique achève de nous convaincre. Vraiment simple à aborder, elle combine tout ce qu’on peut aimer dans le Black Metal, dès lors qu’on aborde sa nuance atmosphérique. Tout y est confortable, comme le passage béhémothien de la dernière minute de "I FESTGEFROREN - Packeisfalle" ou les gradations rythmiques entre embardées Black/Death et pesanteurs Doom qui rappellent d’emblée Kanonenfieber ("IIIII EXODUS | TUNDRATAUMEL - Croziers Bürde"). On retrouve tout ce qui est dans l’ADN du BM allemand (Der Weg Einer Freiheit, Gràb, Groza, Atronos…), de l’acuité mélodique au riffing glacial et minutieux, sans omettre des agressions en bonne et due forme. "II WAHNRATIONEN - Saturnusparusie" offre ainsi aux 3e et à la 5e minutes deux moments particulièrement inspirés à la guitare. Et ils ne sont pas esseulés (4e minute de "III IN PERPETUUM - Ewiger Schlaf im Ewigen Eis", 3e minute polaire de "IIII VLTIMA RATIO - Antropophager Frühling", …).

 

Avec son premier long format, Antrisch ne mise que sur quelques ingrédients, mais ils sont maîtrisés :

Un cadre historique passionnant, assumé de bout de bout,

Une ambiance désolée et réfrigérante à souhait,

Un atmoblack non cristallisé, flirtant avec un Blackened Death/Doom de bon aloi

Un résultat final simplement captivant.

photo de Seisachtheion
le 29/12/2023

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