Apes - Penitence

Quand, étant ado, mon oncle ne manquait pas une occasion de qualifier le metal dont je surchargeais mon baladeur de « musique de babouins », jamais je ne me serais attendu à le prendre un jour au pied de la lettre en rejoignant la team CoreAndCo. Apes, quoi ; y avait vraiment rien de mieux comme nom de scène à se coltiner, surtout pour un groupe de blackened grind ? Par rapport au reste du catalogue de Secret Swarm Records – qui nous a régalé de Knife The Glitter, With Blood Comes Cleansing ou encore Rifles At Recess –, une bande de six primates autoproclamés ça fait pâle figure au premier chef.

Inutile de chipoter pour autant ; dans la même veine, Anaal Nathrakh ce n’est pas spécialement mieux. Et si les deux loustics en questions parviennent à habituer à faire l'impasse sur cette anomalie onomastique une fois les oreilles charcutées par leur zik', pourquoi six Québecquois pleins de hargne ne sauraient en faire autant ? Coup de chance : il suffit à peine d’un bruit blanc introductif rapidement appuyé par une sauvagerie brute et enveloppante pour se laisser aller au même genre de catharsis. Shrieks caverneux, touches noisy discordantes – entre signaux d’alarme aux airs de premier mercredi du mois (« Coffin ») et grésillements mélodiques cauchemardesques (« Shadow Walker ») – et blasts tonitruants (« Bottom Feeder ») singent une ambiance de fin du monde d’une efficacité redoutable. Apes grince, fulmine et torture dans une folie sourde et rythmée où se disputent death grind et black metal avec une férocité qu’envierait Knoll.

À cet égard, la structure de Penitence peut se targuer de n’offrir aucun répit à son auditeur en enchaînant les compositions toutes plus froides et calculatrices les unes que les autres. Là où le break d’« Echoes » laisse d’autant mieux éclater la profondeur de son blast, les modulations intimidantes secouant « Pillars » dessinent une dimension martiale en relief de ses grosses caisses, comme des sonorités tranchantes à ses coups de cymbale pour clôturer cette déferlante de violence de la plus belle des manières. Apes se complaît dans les cassures rythmiques et harmoniques discrètes et d’autant plus pertinentes qu’elles saillent d’un sempiternel nappage atmosphérique glaçant, garantie de fluidité dans ses transitions. « Coffin » et « The Great Fire » se fondent ainsi quasiment en une track unique tandis que les intros de « Closure » et « Penitence » brillent par la rupture produite par leur virulence si spontanée. À contrario de la pesanteur appuyant celles de « Shadow Walker » ou « Pillars », enchaînant parfaitement le grésillement decrescendo concluant la plupart des tracks.

Animé d’une brutalité stridente et d’une impulsivité du niveau des prestas live de Frontierer, Penitence peut effectivement confiner à la musique de babouins. Sans doute la meilleure manière, après tout, d’assumer le nom de son groupe et de faire le plus beau pied-de-nez aux réfractaires du genre. Y verra un troll qui ça arrangera ; après tout on n'est plus à une aberration près dans le bestiaire du metal extrême.

Aldorus Berthier

le 21/08/2024