As Light Dies - Ars Subtilior from Within the Cage

Chronique CD album (56:58)

chronique As Light Dies - Ars Subtilior from Within the Cage

"Rien de plus dur à cerner que le metal inclassable" dites-vous, bande d'enfonceurs de portes ouvertes ?

Pourtant en forçant un peu le trait, on pourrait prétendre être en mesure de caser la quasi-totalité de ces groupes aventureux épris de liberté et d’avant-gardisme au sein de 2 grandes familles: d’un côté les barjots fans de patchworks singuliers et d’humour au Nième degré, et de l’autre les intellectuels, les esthètes ambitieux – les « sérieux » quoi. Bref, à ma gauche les Unexpect, Pryapisme, Estradasphere, Carnival in Coal et autres Polkadot Cadaver, et à ma droite les Gire, Ulver, Solefald, et toute la clique des anciens black metalleux reconvertis dans la dentelle darko-progressive. Et si l'on s'en tient à cette classification à l'emporte-pièce, As Light Dies devra être rattaché sans hésitation à la seconde catégorie.

 

D’ailleurs il suffit de fouiller un peu dans le livret de Ars Subtilior From Within The Cage, 2nd album du groupe, pour que commence à se former cette impression.  En effet on nous y explique doctement – par l’intermédiaire d’une citation extraite de Wikipedia (vous auriez pu citer votre source messieurs …)  – que cet Ars Subtilior dont il est question dans le titre est un genre musical né entre Paris, Avignon, l’Espagne et Chypre au XIVe siècle, en opposition à l’Ars Nova (en vogue entre 1310 et 1370), quoique certains l’envisagent plutôt comme une sous-catégorie de ce dernier.

Le genre de précisions qui calment quoi.

Ah ça c’est sûr, là on est loin des exposés sur l’anulingus zoophile, tout comme de l'ambiance « Mets-toi une banane dans l’oreille et viens me renifler le lobe on the dancefloor » de certains de leurs collègues. Qui plus est, l’artwork et le livret sont carrément classieux. Et côté musique, on alterne entre interludes instrumentales léchées (dont un « Die Letze Fuge Vor Der Flucht » qui donne dans la musique d’église interprétée – semble-t-il – aux grandes orgues) et pièces épico-gothico-progressives de death folk qui s’étendent sur des longueurs allant de 5 minutes (sans doute des versions « radio edit » …) à plus de 11 minutes (par 2 fois quand même!).Vous ajoutez à cela des textes en anglais, français, latin, allemand, grec et autre langues italo-hispaniques de moi inconnues, et vous obtenez le parfait CV du premier de la classe en musicologie métallique.

 

Bon OK, là je dois reconnaitre que le ton est jusqu’à maintenant injustement railleur. C’est vrai, certains titres sont un peu trop longs (« Sombra Y Silencio »). En effet, tout cela est parfois assez hétérogène. Certes, le groupe prend un malin plaisir à mettre à mal l’auditeur sur certains titres poil-à-gratter – dont un « The Disinherited » qui écrème l'auditoire sans état d'âme, en mode « Si t’encaisses pas ça bonhomme, retourne jouer aux billes ». D’accord, 4 interludes c’est un peu abuser. N’empêche que ce mélange de metal extrême mélodico-progressif (pensez Opeth, pensez Dan Swanö – ce dernier étant d’ailleurs aux commandes du son), de folk à la Skyclad (violon et piano de série) et de sombre mélancolie fait ici des miracles. Et visez un peu le reste des références: quand le groupe se fait retors, on pense à Sleepytime Gorilla Museum. Sur « Le Nébuleux Sentier », on entend un mélange des « Tristesses de la Lune » de Celtic Frost mélangé à du Skyclad avec un disciple de Stéphane Eicher au chant (oui bon ...). Sur « Sombra Y Silencio », on contemple une fresque formidable à laquelle participent le The Gathering des débuts, ainsi que des mélodies black/death à la Dissection. Mais la plus fantastique des illustrations de l’amour immodéré que le groupe voue au jeu des contrastes est encore « Insignificant Among Insignificance », épopée démarrant dans des tourments dissonants et tortueux, puis s’offrant une magnifique première bouffée d’air frais où brillent un chant clair et des ambiances rappelant le Crimson d’Edge of Sanity. Puis le morceau replonge ensuite dans les affres d'un death sombre et rampant avant de s'extirper enfin de cette fange pour monter dans un crescendo fabuleux vers les hauteurs divines d’un refrain transcendant auquel se mêle, sur un final de rêve, le « It's not unusual to be loved by anyone » de Tom Jones (si si). Tout simplement époustouflant.

 

Bref, si à l’écoute de Ars Subtilior From Within The Cage on ne se laisse pas complètement aller à de démonstratifs élans d'euphorie, on se dit quand même que ça vaudrait sans doute le coup d’aller écouter l’album précédent, et que la présente œuvre ressemble quand même sacrément à un quasi-coup de maître. Ou tout du moins à la naissance de quelque chose de grand. Perso’ je m’en vais de ce pas balancer une sonde au train de ces talentueux espagnols histoire d’être bien sûr que mes écrans radar ne les perdent pas de vue… 

photo de Cglaume
le 31/05/2011

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