Bertrand Alary + Jean-pierre Sabouret - Metal, 40 ans de musique puissante

Metal, 40 ans de musique puissante, est un ouvrage sorti en 2020 chez Gründ signé Bertrand Alary et Jean-Pierre Sabouret.

Un petit mot sur les auteurs s’impose pour commencer et contexter. Bertrand Alary est un photographe français né dans les années 60 qui a plus que roulé sa bosse (et son caillou) dans les concerts de rock et de métal entre le début des années 80 et 1993. 3000 concerts au compteur, des clichés qui ont inondé pour le plus grand plaisir de nos yeux la presse de France et de Navarre. Hard Force, Hard Rock, Kerrang!, les références sont pléthoriques, forcent le respect et attestent du professionnalisme reconnu du bonhomme. Après une épiphanie malheureuse lors d’un concert de Prince, dégoûté par le côté répétitif de la tâche, de plus en plus cadré et empêché par la main-mise toujours plus pregnante des attachés de presse de plus en plus soucieux des clichés de leurs protégés, il mit cette première carrière entre parenthèse (du moins professionnellement) et monta sa propre agence de photo avec sa femme.

Jean-Pierre Sabouret est quant à lui un journaliste spécialisé dans le hard-rock et le métal qui a traîné sa plume chez Hard Rock Magazine, Guitar World et présenté des émissions comme Rock n’Hard (sur M6) ou Dr.Heavy & Mr.Hard sur MCM. Un autre level que celui du gratte-clavier pour CoreAndco que je suis!

Un mot aussi sur l'objet car il s'agit ici d'un livre magnifiquement édité, maquetté et imprimé. Le grain du papier est superbe, l’impression absolument magnifique et l’ouvrage vieillira sans pâlir sur votre bibliothèque. Un regret car certains clichés affichés sur deux pages sont coupés par la reliure, un défaut inhérent au format livre évidemment mais parfois frustrant.

L’ouvrage n’est pas une anthologie historique et détaillée du métal mais un recueil des archives de Bertrand Alary. 666 photos sélectionnées par l'œil de ce maître es pellicule et présentées sous forme d’abécédaire. Un bon choix de format car j’imagine qu’une chronologie des photos aurait été une option plus délicate. On parcourt ainsi la carrière de ce photographe d’un autre temps où les fosses des concerts étaient remplies d'un public qui brandissait fièrement des bière plutôt que des smartphones.

Chaque groupe bénéficie d’une note informative, descriptive, journalistique plus qu’encyclopédique, complétée de quelques citations (souvent sympas mais d’autres fois un peu plus…) d’un ou plusieurs des membres. Si la période considérée par l’ouvrage s’étale de 1980 à 2020, et si on trouve quelques groupes formés récemment (en vrac Zeal & Ardor, Sons Of Apollo) les groupes représentés (et présentés) font plutôt la part belle aux années 80-2000. Côté style, si le hard et le heavy est en tête d’affiche, on trouve aussi des groupes de grind, de death, de néo-metal, de prog et autres déclinaisons plus “modernes” du métal. On trouve aussi des groupes qui n’ont pas vraiment leur place dans un ouvrage estampillé “Metal” ou évoquant la puissance. ZZ Top? Les Red Hot Chili Peppers? Nirvana? Queen? Pas gênant mais un peu hors-sujet.

Si la grande majorité des clichés sont très sympas, voire franchement magnifiques, d’autres ont moins intérêt sinon affectif et uniquement pour leur auteur. De même, côté écriture, l’ensemble est assez inégal. Certains groupes ont le droit à une dizaine de lignes quand d’autres ont le droit à deux pages. Alors, effectivement, il y a des pontes qui méritent un traitement plus poussé mais on a parfois l’impression que l’auteur manquait d’inspirations pour certains là où il est dans la logorrhée fanatique pour d’autres. Dans les deux cas, la plume est toujours fine, professionnelle, factuelle mais aussi clairement concernée et passionnée donc maîtrisant clairement son sujet. Aussi, dans les informations du groupe, on trouve le pays et la ville d’origine et l’année de formation et…c’est tout…Succinct. On aurait aimé savoir si le groupe est encore en activité, quel est le sous-genre pratiqué, un album clé pour découvrir le groupe. Sans que ça eusse été un cartouche wikipedia, il eût été intéressant d’avoir un peu plus de matière informative à se mettre sous la dent.

Un petit mot sur la préface signée Nobert Krief, préface qui n’est vraiment pas…très profonde, ni éclairante. Qu’un musicien né dans les années 50 nous raconte que lui devait écouter des vinyles à longueur de journée alors que les jeunes d’aujourd’hui n’ont qu’à aller sur Youtube, ça n’est pas la réflexion la plus originale du monde. Sachant que le public de ce genre d'ouvrage me semblent plutôt être des trentenaires voire plus, c'est une litanie qu'ils ont sûrement l'habitude d'entendre ou en tout cas qu'ils conçoivent parfaitement et qui n'apporte donc pas grand chose. L’intention est bienveillante mais le résultat, présenté de façon manuscrite, m’a semblé tout à fait dispensable. J’aurais aussi peut être choisi une autre personne, peut-être moins “bankable”, moins “tête d’affiche” et peut-être plus jeune pour amener une note un peu fraîche à ce qui suivra. Pourquoi pas un photographe de musique en activité qui aurait pu donner son avis sur la situation actuelle, le changement de cette industrie suite au développement des réseaux sociaux numériques? Pourquoi pas un musicien de métal (réellement) en activité, confronté aux photographes régulièrement et aux nouvelles pratiques autour de la photo de concert?

Metal, 40 ans de musique puissante est un très beau recueil de photos magnifiquement présentées dans un décorum rédactionnel de qualité mais à l’équilibre parfois inégal et qui accompagne l’image plus qu’il n’informe. L’ouvrage n’est pas forcément aussi indispensable que le promet la 4ème de couverture mais il fera clairement le bonheur des metal-heads qu'ils soient passionnés, collectionneurs, bibliophiles ou curieux.

On aime bien: la maquette, les très beaux clichés, un livre fait par des passionnés pour les passionnés mais…

On aime moins: ...pas forcément passionnant, quelques clichés plus dispensables, l’équilibre rédactionnel de chaque groupes, certains choix vraiment pas “metal”, la préface sans intérêt

8oris

le 25/02/2023