Blut Aus Nord - Disharmonium - Undreamable Abysses

« Fais gaffe, il est particulièrement velu ». C’est avec ces mots que notre honorable Seisach’ me décrivait ce quatorzième album de Blut Aus Nord, des paroles à fois de mise en garde mais aussi un peu de défi (du moins c’est comme ça que je l’ai ressenti). Et en effet, il ne m’a pas menti, Disharmonium - Undreamable Abysses fait partie des albums les plus costauds que j’ai eu à chroniquer cette année. Vindsval reste cette putain de rockstar imbue d’elle-même en quête permanente du feu des projecteurs et d’une reconnaissance digne d’un influenceur Instagram. Vous avez bien compris que je déconnais, le musicien français reste fidèle à l’anonymat qu’il parvient à maintenir depuis les débuts de BAN. Grand bien lui fait, cela permet à l’auditeur de se concentrer sur la musique. Je vous ai dit tout le bien que je pense des deux projets parallèles qui l’ont occupé ces dernières années, Forhist et Yerûšelem, et qui lui ont permis d’explorer d’autres voies musicales.

Ces deux expériences, d’une certaine manière, viennent nourrir l’inspiration des trois musiciens normands. Hallucinogen, le treizième album de Blut Aus Nord, laissait entrevoir un infime rai de lumière dans le magma sombre et dissonant qui constitue le terreau de l’expression artistique des français, Disharmonium - Undreamable Abysses poursuit dans cette voie. Influencé par l'oeuvre quasi inépuisable d'H.P. Lovecraft, le splendide artwork signé Maciej Kamuda. reflète parfaitement l'ombre de l'ermite de Providence sur le disque. Beau et crépusculaire, le Black Metal de Blut Aus Nord millésime 2022, possède un réel pouvoir hypnotique. La façon dont le chant est travaillé et mixé dans l’ensemble vient renforcer ce point, que cela soit sur les passages mid-tempo ou quand ça blaste.

Les mélodies sont omniprésentes, mais enterrées sous des couches sonores denses, inextricables et disharmoniques. Contrairement à Forhist qui proposait un BM direct et traditionnel, ici Blut Aus Nord expérimente sans cesse sans verser dans le Black expérimental. La frontière est mince, mais essentielle pour comprendre ces trois quarts d’heure de plongée dans les méandres de la création du groupe. L'ensemble est particulièrement difficile à démêler mais le résultat est au delà des efforts demandés. Une fois de plus, il offre aux auditeurs sa maîtrise de l’Art Noir, dont il repousse en permanence les frontières. La stagnation est synonyme de mort cérébrale, la destruction pour mieux reconstruire. Les mots sont souvent trop faibles pour décrire les ténèbres de l’abysse qui s’ouvre sur les premières mesures de « Chants Of The Deep Ones ».

Si Disharmonium - Undreamable Abysses est dans la continuité conceptuelle d’Hallucinogen, il existe cependant entre les deux albums de grosses différences. Pour mieux les comprendre, l’écoute de Lovecraftian Echoes se révèle importante. Ne cherchez pas, il n’apparaît pas dans la discographie officielle du groupe, il s’agit de sept titres dévoilés a quelques happy fews, membres du très select Order Of Outer Sounds, groupe privé créé par Debemur Morti. L’un de ses honorables membres a eu la gentillesse de me permettre d’écouter ces titres. Et effet, de ce qu’a pu le laisser entre-voir cette écoute, BAN expérimente et continue de creuser le sillon Hallucinogen. On peut voir cette sortie confidentielle comme une sorte de trait d’union entre ses deux derniers albums.

L'album nous maintient en permanence au seuil de la folie. « The Apotheosis Of The Unnamable », qui le clôt, finit d'enrober dans un malaise constant. Longtemps même après que les derniers échos de Disharmonium - Undreamable Abysses aient fini de résonner, ses visions cauchemardesques continuent de me hanter, un peu à la manière des écrits de Lovecraft.

Xuaterc

le 06/06/2022