Brûlons Une Sorcière - .​.​.​And She Leaves Town

Chronique CD album (23 mn)

chronique Brûlons Une Sorcière - .​.​.​And She Leaves Town

Black Metal et projets soli font bon ménage. Pour effectuer mon dernier round, je n'avais que le choix ! J'aurais pu ainsi vous parler des sorties récentes :

- du prolifique Russe Evgeny Pilnikov alias "Winter Vampyr" (Wintaar, 17 sorties depuis 2017, dont 4 rien qu'en 2020),

- de l'Islandais Kristján Jóhann Júlíusson (Zakaz),

- de l'Allemand Jan van Berlekom alias "W." (Uprising),

- de l'Indonésien Januaryo Hardy (Pure Wrath),

- du Québecois N.C. (Fatsia Horrida, magnifique artwork de son Nuée Ardente),

- de l'Estonien Kapa (Grav Morbus),

- du Suédois Erik Gärdefors (GRIFT),

- du Finlandais A. Vexd (Purist)

- ou qui sais-je encore de l'Écossais Tom Perrett (Ruadh)...

 

En fait, ma lubie très temporaire prend fin ici avec Brûlons Une Sorcière, actif depuis une grosse année seulement. Il s’agit là de « l’œuvre d’une seule main, celle éthérée de W.A.L., bon à rien capable de tout » qui déploie ses méfaits depuis Bergerac (p’tain, encore un). On doit déjà à ce musicien une participation (sous le nom de Morax) dans Nevrome, duo de black expérimental qui sentait déjà bon la joie de vivre et le goût de l’autre, duo auteur de deux demos inaudibles en 2016 et de deux albums en 2017 (Black Sun) et en 2018 (Perversion). À mettre à son « crédit » des couv’ enchanteresses, des interjections toutes fraîches (« Pends-toi ! »), ainsi qu’un cover sur-glauque de Burzum extrait de Filosofem ("Dunkelheit").

 

 

Marqué (miné ?) par l’expérience dans ce « groupe raté » (sic), W.A.L. a tenté de se retrouver et d’avancer autour d’un one-man project joliment nommé Brûlons Une Sorcière. Pour ce premier « long » format, un peu chiche néanmoins (7 morceaux autour de 23 p'tites minutes), il s’est appuyé en partie sur ses deux EP balancés en mai et en octobre 2019, qui pâtissent l’une comme l’autre d’une production étouffée, en fait d’une prod’ comme-à-la-maison. Du premier, dédié « à la mémoire de la Codéine, amie partie trop vite », il a extrait le titre "L’Héroïne de l’Étoile Filante" devenu "La Fin de l’Étoile Filante", dernière (et bonne) marche de son album …And She Leaves Town. De même dans le second EP où la "Rêverie d’un Fantôme" s’est transformée en "Rêverie…".

 

L’underground, Brûlons Une Sorcière y est plein d’dans ! Il a tiré profit de l’appui de la Borie de la Combe Noire, une association d’une poignée de personnes proposant différents services liés à l’art noir, touchant à la fois à l’imagerie (logos, dessins, graphisme) et au travail de son (mixage, mastering). Au tour de cette asso toujours en développement gravitent plusieurs formations Black Metal harnachées elles-aussi à l'underground, telles que Blødning, Grave Mounds, Herlequin, Mésalliance ou Sanglar.

 

Ce one-man band s’inscrit dit-il « dans la mouvance Post-Black Metal / Shoegaze ». Confiné dans sa chambre de 15 m² depuis bien des lustres, W.A.L. prend les traits artistiques d’un shoegazer dépressif et misanthrope. Son modèle est clair : la guitare légère et les lignes entêtantes de batterie programmées à l’ordinateur créent des boucles, génèrent une énergie musicale centrifuge qui met d’emblée à distance l’auteur de son « public » ; les émotions n’arrivent justement qu’à l’instant que cette boucle se brise sur une nouvelle rythmique, plus sûrement sur de nouveaux riffs, plus tendus. Avant que chaque morceau s’interrompe, sèchement. Cette matrice se perçoit dès le titre "Metro", hommage au tube New Have sorti par Berlin en 1981.

 

Par contre le Post Black, je le cherche encore, je le cherche toujours. J'en ai entendu une suggestion, que dis-je un frémissement avec "Strangely Cold Night", forcément le plus intéressant à mes yeux. Pour le reste, il s’agit davantage d’un mix Post Metal / Rock dépressif. Et encore, il manque un truc à ce premier album. Le plus souvent, le shoegazer ne s’apprécie guère. Résultat : les voix sont souvent en retrait, comme refusées. Là le choix est radical (et risqué), celui d'un shoegaze purement instrumental. Aucun contrepoint vocal : pas un mot, pas une plainte, pas un gémissement, pas même un murmure. Encore un biais trouvé par W.A.L. pour mieux installer une forme d’incompréhension et de malaise.

 

Or, mises en chant par une voix écorchée à l'opposé d'une Bilinda Butcher, à l'exemple de celle du frontman Spellbound dans son bref projet Asphodèle, les meurtrissures griffées ici et là par W.A.L. sur la toile auraient sans doute permis de donner à ce post-rock/metal une teinte noire plus franche, une identité dépressive plus incarnée, en décalage en fait avec les lignes instrumentales au total trop aériennes pour proposer une réelle cyclothymie musicale, propice à faire poindre chez le récepteur de Brûlons Une Sorcière des émotions riches de leurs contrastes, proches justement de celles qui ont tiraillé W.A.L. au moment de la composition et de l'accouchement en studio de son premier jet.

 

Jugez donc par vous-même l'intensité de ce verbe torturé :

« Comme une corde pour Ian Curtis,

Comme un canon pour Kurt Cobain,

Comme un chauffard pour Chi Cheng »

 

« Fantôme du passé, malheureusement encore de ce monde...

Il faut croire que tu ne savais pas te servir correctement d’une lame de rasoir... »

 

« Cerveau englué dans des visions dépassées.

Esprit occupé par des jeunes femmes délurées

Adieu aux fidèles apôtres »

 

« Faut-il vraiment immoler les sorcières ?
Les fantômes d’aujourd’hui sont les démons d’hier.
Peu importe au final...
Ma vie est si abyssale.
Ouvrir les yeux c’est de mon ressort,
Pardonner celui de Dieu. »

 

Au mieux une basse bien grasse aurait-elle pu être ce contrepoint, mais, à l'exception notable de l'outro, elle n'est souvent que saupoudrée ici ("Ciel Dansant"). L'écoute soutenue du Year of No Light de 2010 (Aussenwelt) aurait pu être une béquille utile ici. Entre autres.

 

À défaut, il manque vraiment une voix, ce véhicule indispensable au (Post) Black Metal...

 

Dommage !

 

Enfin, dommage...? Entre la rédaction et la publication de cette chro ai-je appris l'auto-dissolution de ce projet. Et la Borie de la Combe Noire de conclure : « Peu de temps après la sortie de son premier album, Brûlons Une Sorcière retourne a l'état de poussière (d'étoile filante ?). »

 

R.I.P. Brûlons Une Sorcière (mai 2019-mai 2020).


 

photo de Seisachtheion
le 04/06/2020

4 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 04/06/2020 à 11:08:51

50e chro publiée ! Yeahhhhhh baby !

cglaume

cglaume le 04/06/2020 à 12:24:53

Yeah Seisach ! Ce soir: une binouze pour fêter ça.
On sortira le magnum pour la 100e (mais vu la qualité et l'enthousiasme de cette 50e, nul doute qu'on va y arriver ;) )

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 06/06/2020 à 23:04:24

Tu pouvais attendre un peu... et ne pas t'infliger.. surtout pour la 50e publiée.
Proficiat !

Seisachtheion

Seisachtheion le 07/06/2020 à 16:02:45

T'sais Éric, ce W.A.L. a voulu notre avis, il l'a eu...

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