Capra - Errors
Chronique CD album (31:06)

- Style
Punk-hardcore - Label(s)
Metal Blade Records - Date de sortie
6 octobre 2023 - Lieu d'enregistrement Estuary Recording Studios (Texas)
- écouter via bandcamp
Derrière leur chanteuse Crow Lotus (badass name), les membres de Capra avaient fait une belle impression dans le petit monde du hxc avec leur album In Transmission, sorti il y a deux ans déjà. Et là où ce dernier ouvrait et fermait compulsivement tous les tiroirs du punk-hardcore tout en parvenant à ne pas s'y laisser coincer les doigts dedans, Errors, le petit nouveau de ce début octobre, a été pensé pour s'inscrire dans sa continuité directe tout en évoluant, selon leur guitariste Tyler Harper. Une sorte de chapitre 2, si vous voulez.
Et c'est d'ailleurs bien ce qu'on se demandait suite à In Transmission : comment Capra allaient rebondir et quelle direction serait choisie parmi les multiples possibilités que laissait entrevoir leur premier album.
Et pour répondre relativement rapidement à cette question, on peut considérer que le groupe a fait le choix d'obscurcir un peu le propos, les morceaux semblant plus chargés qu'auparavant – et ce jusque dans le titre de l'album, Errors, dont les membres du groupe livrent différentes interprétations : apprendre de ses erreurs, qui sont constitutives, pour avancer pour certains ; se sentir, avoir l'impression d'être à l'origine de choses qui ont fait souffrir pour d'autres – en plus d'avoir une production qui sonne un peu plus metal.
Faisons d'ailleurs de suite un petit aparté à ce propos, puisque j'ai vraiment l'impression qu'un certain nombre de mes réflexions critiques vis-à-vis de Capra (et c'était déjà le cas sur le précédent album) découlent de cet aspect. Tout d'abord, la voix de Crow Lotus est (volontairement) très mise en avant. Et si elle ne manque absolument pas d'énergie en live, sur album, c'est malheureux à dire, mais il y a toujours cette impression de léger manque de puissance, de presque trop propre. C'est assez flagrant au moment de l'intervention de Candace Puopolo (ex-Kucsulain) de Walls Of Jericho, invitée en feat. sur « Human Commodity », qui apporte un gros contrepoint d'agressivité au mic (et par ailleurs, à propos d'invités, on trouve aussi leur pote Dustin Coffman de Glassing qui traîne ici et là sur cet album). Je ne voudrais cependant pas qu'on pense que je n'aime pas sa voix, parce que je pense par ailleurs qu'elle fonctionne bien dans ce mode scandé et bien énervé, tout en conservant ce style relativement monocorde qu'on lui connaissait déjà sur In Transmission.
Du côté de la musique, Errors oscille entre deux grandes tendances : l'ancrage très présent dans un punk-hardcore typé '90's (« CHSF », « Tied Up », la fin de « Kingslayer »…, name one...), comme on pouvait le retrouver chez Gel récemment par exemple, et une intégration d'influences de ce qu'on appelera des 'vieux groupes modernes' de type Converge (ce ralentissement sur « Tied Up », « Obligatory Existence »...) ou encore les regrettés Every Time I Die (les lignes sur « Trauma Bond », « Loser », « Obligatory Existence » encore...).
Si l'ensemble est au final peut-être plus orienté sur un riffing plus généralement groovy et rock'n'roll que sur le précédent, qui étalait un peu toute la collection de cartes postales cachetées provenant de toutes les régions du hardcore, Capra n'oublient cependant pas ici de rejetr un œil à leurs diapos de voyage : du break porté sur la bagarre (« Silana », le riff bête et méchant de « Transplant » suivant un chouette d-beat), des zones de ralentissements plus sludgy (« Kingslayer », « Obligatory Existence » toujours, avec son son de caisse claire bien lourd et mis en avant), un « Human Commodity » qui suit un peu la trace métallisée de Walls Of Jericho et met donc Candace aux petits oignons pour son intervention, ou encore ce dernier morceau, « Nora », beaucoup plus orienté post-hardcore, qui fait presque figure d'extraterrestre sur cet album, mais qui permet aussi de lui donner du relief en étant placé en queue de peloton.
J'aurais volontiers jeté un œil aux paroles, qui en ce qui me concerne en général sont le truchement par lequel je finis par m'accrocher à ce type de disque et de son d'ensemble, mais je n'ai pu les trouver nulle part, donc... tant pis.
Et donc en bref, sur Errors, Capra proposent un album plus homogène que ne l'était In Transmission, qui avait plus tendance à vouloir emprunter tous les sentiers à la fois. Il y perd donc peut-être un peu en spontanéité, mais y gagne aussi en cohérence.
Si vous avez aimé le premier, celui-ci ne devrait pas avoir de mal à vous convaincre également, les deux albums se posant du compte à un niveau similaire, avec leurs qualités et leurs défauts partagés.
Pour résumer très rapidement, il s'agit typiquement d'un groupe que le passage sur disque dessert un peu à mon sens, en y perdant un peu ce côté sauvage que la spontanéité d'un concert de punk-hxc apporte généralement, mais où les lives permettent justement de bien prendre toute la mesure de leur musique. Parce qu'elle est littéralement vivante ('live').
A écouter en repassant un doigt sur ses cicatrices.
2 COMMENTAIRES
el gep le 06/10/2023 à 09:32:15
Petite parenthèse ''technique'' vite-fait concernant la sensation de puissance d'une voix sur un disque.
Béh le mixage de la dite voix peut tout enlever de sa patate naturelle si c'est mal fait. Mais si elle sonne puissante en live, c'est qu'elle ne doit pas en manquer, de puissance, car il est à l'inverse souvent difficile de se faire entendre quand ça joue bien fort.
Sur disque ça se joue à pas grand-chose parfois... (Et le contraire est tout à fait possible, faire sonner GROS quelqu'un qui n'a pas de puissance.)
Bref, rien de tel que le réel, éhéh.
Tookie le 07/10/2023 à 10:06:45
Comme quoi les impressions / les couleurs : c'est peut-être moins rugueux que Gel ou Scowl, mais je ne partage pas ton ressenti sur la puissance de la chanteuse. C'est sans doute plus reculé et aseptisé que sur le premier (qui sonnait déjà bien lisse) mais ça ne manque pas de puissance à mon goût. En tout cas, globalement, l'idée d'un chapitre II est bien vue parce que c'est en effet dans la continuité du précédent...la surprise de la découverte en moins mais le plaisir intact.
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