Cursed Mantis - Cursed Mantis
Chronique CD album (29:11)

- Style
Synthetic Beauty & The Beast Nawak Metal - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
17 avril 2020 - écouter via bandcamp
Sur Ziltoïd, Devin Townsend a mis en musique les tribulations d'un extraterrestre caféinomane. De ce côté-ci de l’Atlantique, les zinzins de PhonoPaths ont consacré leur premier album aux mésaventures d’un nain dévoreur de sandwiches. On ne devrait donc plus s’étonner de ces mélanges gastrono-musicaux improbables, et voir arriver avec flegme un nouveau gang nawakophone développant sur 19 titres les aventures de spatio-mantes religieuses dévoreuses de fromage. Mais il faut croire que je suis vraiment trop sensible de l’assiette… Car je n’ai pu retenir un « Hein? Non…! » d’étonnement en découvrant l’acte de naissance discographique de Cursed Mantis. C’est que ce jumelage suédo-canadien est d’une cohérence rare: pour aller de pair avec leur concept cosmico-insecto-laitier, les loustics ont élaboré non seulement une pochette (chromatiquement hyper contrastée… quoique manquant de traces de Munster), mais également une musique tout aussi cramées du bulbe que leur propos.
Car tenez-vous bien, ces affreux jojos prétendent jouer du « Grindwave ». Un mélange de Grindcore et de Synthwave vous demandez-vous? Un petit cousin d’Omni Express, donc? Ça semblerait logique. Sauf que ça n’est pas tout à fait ça. Le style pratiqué sur Cursed Mantis pourrait plutôt se résumer à du « Synthetic Beauty & The Beast Nawak Metal ».
« Synthetic » parce que gavé ras-le-wok de sonorités rose fluo et de bidibips chiptune.
« Beauty & The Beast » parce que c'est comme ça qu'on désignait Theater of Tragedy, Sirenia, Tristania & co il fut un temps (une jolie dame fait Aaa-Aaa-Aaaaaah pendant qu’un gros poilu fait Bleuuu-aaa-rgl).
« Nawak » pour le côté « Je fais gentiment n’imp’ par-dessus d’exubérants mélanges musicaux ».
Si ce brassage des genres ne correspond à aucune AOP ni AOC métallique de moi connues, il évoque pourtant quelques noms familiers. Notamment celui d’Unexpect, pour la violence chaotique et la précision de certains passages maelströmiens. Pour la densité de la trame musicale également, et l’évidente ambition. Les titres bifurquent parfois vers le monde d’Akphaezya, voire carrément – sur l’irrésistiblement barré « Run Out » – du côté de chez Chenille et Kontrust. Et comme la composante Metal de l’opus est particulièrement grumeleuse (si l’on y croise quelques shriekeries BM, on y trouve surtout beaucoup de lipides Slam'n'Gruik), on pensera aussi ponctuellement à la joyeuse barbarie de Zoebeast, ainsi qu'aux addictifs contrastes de Zmey Gorynich. Ce qui fait beaucoup de raisons de ne pas snober cette drôle de sortie, vous en conviendrez.
Pour autant tout n’est pas rose chez la Religieuse au maroilles. Car ce synthé Bontempi clignotant va repousser une grosse quantité d’auditeurs, et pas que les chochottes. Parce qu’ils ont beau mettre en avant l’étiquette Synthwave (parfois justifiée, sur « Hallucination », « RUN » ou « Padow's Marvelous Machine » par exemple), ce qui englue trop fréquemment nos oreilles avec de pleins seaux de barbe à papa, ce sont des sonorités chiptunes à 3 pesos et des rythmiques Electro pauvrement BAR-isées. OK, c’est le concept, pourquoi pas, mais ça rend parfois la chose trop sucrée, trop naïve. Autre blessure provoquée par le proverbial bât: la longueur de morceaux qui, non contents de sautiller dans tous les sens bien loin de la structure classique couplet-refrain-couplet, n’atteignent que rarement les 2 minutes. Ce qui donne l’impression d’un long collier bariolé se souciant moins d’unité musicale que de continuité narrative. Du coup la chose se digère moyennement facilement, comme une orgie de pommes d’amour arrosées au Baileys. Heureusement de fréquentes nawakeries, ainsi que des titres plus inspirés et cohérents que la moyenne (« Cheesy Curse », « Run Out », « Galaxy of Chesse » et « Padow's Marvelous Machine ») font pencher la balance du bon côté de l'humeur critique.
Entre la poire et le fromage, Cursed Mantis a choisi. Et entre agacement et adhésion, nous aussi. Ce sera la 2e option. Mais on n’est pas passé loin du « Mouarf, c’est trop là! »... Le groupe a clairement moyen de faire mieux – plus fluide, plus accrocheur – la prochaine fois. On attendra donc religieusement le 2e épisode des aventures de cette maudite mante.
La chronique, version courte: non mais c’est quoi cette Mante, allo? Jeter une oreille sur Cursed Mantis c’est risquer de croiser des tourbillons de synthé flashy, du Metal extrême plein de glaviots, du chant féminin qui badine, des croûtes de fromages non pasteurisés et d’ambitieuses constructions techniques frappées du sceau de sa Majesté Nawak. Imaginez un mélange d’Unexpect et Zmey Gorynich à cheval sur une licorne pixélisée. Vous l’avez? Ne le lâchez plus, ça va tanguer!
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