Deafheaven - Infinite Granite

Chronique CD album (53:35)

chronique Deafheaven - Infinite Granite

Vous vous en fichez peut-être (sans doute), mais j’ai une relation tourmentée et tumultueuse avec Deafheaven dont les premiers albums Sunbather et New Bermuda ne m’ont pas passionné outre mesure. Avec un brin de méchanceté et de mauvaise foi, leur “blackgaze”, croisement du black metal et du shoegaze,  ne m’évoquait qu’une vague succession de trémolos de guitare accompagnée de croassements poussifs. En bref, sans que je ne sache trop l’expliquer, ce groupe me laissait de marbre. 

En 2018, Ordinary Corrupt Human Love, plus varié et sensible, est venu infléchir ce jugement primitif un peu lapidaire. Cet album, porté notamment par un "Canary Yellow" majestueux, ouvrait un peu plus les horizons du groupe en assumant sa versatilité son goût pour la recherche mélodique. En 2021, oubliez Darkthrone ou autres glorieux anciens du black metal, c’est désormais vers le rock brumeux et éthéré de My Bloody Valentine, Ride ou Slowdive qu’il faut se tourner. 

 

Avec Infinite Granite, c’est une transition plus soudaine encore qu’opère Deafheaven en tournant le dos, à quelques exceptions près, à ses premières amours et en s’orientant vers le shoegaze. Deafheaven choisit délibérément un chemin plus lumineux et aérien et assume son virage mélodique dès l’ouverture de l’album sur "Shellstar", "In Blur" et "Great Mass of color". Au micro, George Clark délaisse quasi totalement ses cris stridents et chante, ose sussurer quelques choeurs aériens, laisse traîner sa voix de manière presque sensuelle ou se libère lors de refrains éclatants à la légèreté et à la sincérité désarmantes. 

Comme pour répondre aux craintes de ceux qui auraient peur de s’ennuyer en écoutant un énième disque de shoegaze insipide ou vaporeux, Deafheaven évite de tourner en rond et parvient à conserver une intensité dramatique dans ses compositions. Même adouci dans sa forme, Infinite Granite reste nerveux et explosif, et ne sacrifie pas l’énergie à la contemplation et à la nostalgie douce-amère qu’exhalent des titres comme le superbe In Blur. 

 

Même si par petites touches, comme sur le final de l’album, Infinite Granite ne renie pas totalement ses origines, Deafheaven prend ici un risque audacieux, celui de remiser radicalement ses penchants et ses origines proches du metal pour mieux embrasser ses aspirations à la mélodie et à la douceur. Au risque de tomber dans la facilité de trop de mièvrerie ou de légèreté, Deafheaven répond en tendant ses compositions de nombreux traits saillants et en y ménageant des aspérités. A la tentation de reconduire une formule musicale à l’efficacité et au succès éprouvés, Deafheaven oppose un changement de cap musical qui lui aliènera peut-être une partie de son auditoire originel et offrira le flanc à la critique, mais saura démontrer son intégrité musicale et sa sincérité. Le temps saura dire si cet album conserve tous ses charmes, mais à ce stade, c’est presque contraint et forcé et en remisant bien malgré moi ma mauvaise foi naturelle que je dois saluer cet Infinite Granite de très haute volée. 


 

photo de Marc
le 20/08/2021

2 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 10/10/2021 à 17:48:55

Bon, après quelques écoutes cette semaine, si l'on oublie tout le passé de DEAFHEAVEN, et que l'on considère le groupe comme shoegaze/pop/rock, ça passe bien.

Freaks

Freaks le 12/10/2021 à 19:26:03

Effectivement si tu ne fais pas abstraction des précédents tu passes à coté de celui-ci.. Les petits cris d'oiseaux me manquent quand même un peu :)

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