Deafheaven - Lonely People With Power

Chronique CD album (62:12)

chronique Deafheaven - Lonely People With Power

Bon, aucun suspense, vous pouvez souffler : CoreandCo ne fera pas exception à la règle de cette turbo-hype qui touche ce dernier album de Deafheaven, Lonely People With Power. Sinon, j'aurais dû jouer avec une note alambiquée-mais-néanmoins-chargée-de-ref pour donner le change et inciter à lire la chronique qui, sait-on jamais, aurait pu prendre une direction différente que chez nombre de confrères et consoeurs de par le monde.

Ou alors lamentez-vous : si une voix discordante était recherchée, mieux aurait-il valu en ce cas confier cette chronique à Cromy, afin que le sel qui colle a ces mots que vous lisez ne soit pas celui de la grande bleue mais celui de la contrition et d'avoir une dose conséquente d'acerbes bons mots et de damnées mauvaises notes,

Mais c'est bien là qu'est le cœur de la chose : les notes déployées par Deafheaven sur Lonely People With Power sont magistralement orchestrées, pour peu qu'on soit sensible à ce type d'exercice.

 

Souvenons-nous : le groupe le plus « maillot de bain, hamac, baisers et coquillages » du black metal dans son acception post (remember Sunbather) n'avait plus refait surface que pour retirer le masque le temps d'un Infinite Granite presque purement orienté shoegaze. Une belle apnée longue de quatre ans plus tard et voici que les Californiens repartent tutoyer les abysses jusqu'auxquelles, malgré tout et à leur habitude, filtre quelque lumière.

 

Comme vous l'aurez probablement déjà lu ailleurs, cet album donne une impression d'aboutissement, de convergences assumées de toutes les directions qu'ont emprunté Deafheaven au cours de leur carrière, et le tout avec une écriture qui intègre un riffing plus post-hardcore/screamo qu'auparavant (on ne pense pas à Envy sur « Incidental III » par exemple ? Et l'ensemble de son œuvre du style sur « The Garden Route » et ces shrieks sur fond post-rock delayé ?). Et après cette parenthèse plus calme d'Infinite Granite évoquée plus haut, l'impact du retour à des univers beaucoup plus frontaux et intenses n'en est que renforcé.

 

« Magnolia », le morceau qu'ils avaient accroché tel un appât au bout de leur canne pour faire la promotion de ce nouvel album, annonçait la couleur : il y avait presque plus de notes sur cette composition que sur tout l'album précédent ! Et un retour en force du chant shrieké si caractéristique de George Clarke, qui ne manquera pas de s'attirer là encore de sempiternelles détractions.

 

Mais il ne fait absolument aucun et nul doute que Lonely People With Power, dont le titre est tout à fait adapté aux outrances quotidiennes des affreux personnages qui peuplent l'actualité politique et médiatique, finira dans nombre de tops de fin d'années tant cet album est solide de bout en bout et vient se placer très haut dans la discographie du groupe, et probablement tout en haut en ce qui me concerne.

Moins lumineux que ses prédécesseurs, bien qu'on en retrouve évidemment la patte (« Heathen » en sera un exemple flagrant, malgré la mélancolie latente qu'il traîne aussi en son sillage et son final plus plombant, ou bien « Winona », car il faut bien ressortir la tête de l'eau en fin de plongée), cet album combine tout simplement le meilleur de Deafheaven. En tout cas tout ce que très subjectivement, je peux rechercher dans le groupe.

Ce qui m'a pris de court, car je dois bien avouer que malgré la curiosité de découvrir ce que celui-ci avait à offrir avec ce nouvel opus, je n'avais aucune attente, mes tentatives de préscience me faisant envisager un « sympa, comme d'hab, sans que je ne sois tout à fait client », ce qui a bien vite volé en éclats.

Sa plus longue pièce centrale « Amethyst », véritable colonne vertébrale, est à l'album ce que cet album est au groupe, piochant dans toutes les tendances atmosphériques, cathartiques, intenses, émouvantes, immersives et passionnées. L'intensité black d'un « Revelator », les approches shoegazy de « Incidental II » s'abandonnant dans la distorsion, d'autres exemples qu'on a évoqués plus haut... Il ne sert à rien d'en faire une liste tant la musique parle d'elle-même.

Et le tout, malgré tout, avec – je trouve – un certain sens de la simplicité (bien que les compos soient élaborées) qui revêtent l'ensemble d'une désarmante sincérité. Comme une photographie de l'état des choses, de l'océan tumultueux au sein des boîtes crâniennes des membres du groupe à l'instant T, sans trucages ni artifices. Le titre de l'album, encore une fois, me touche avec une impression semblable.

 

Bref, là où des groupes comme Harakiri For The Sky accouchent à chaque occasion d'albums qui sont pour moi jolis mais chiants (et le petit nouveau Scorched Earth de HFTS sorti en janvier ne fait pas exception à la règle), Deafheaven proposent ici un album exceptionnel et qui – n'ayons pas peur des mots – fera date et devrait servir de mètre-étalon dans le style.

Excepté le fait que celles et ceux qui n'aimaient pas la musique de l'orchestre n'y trouveront probablement toujours pas leur compte, j'ai du mal à identifier assez de défauts sur Lonely People With Power pour sérieusement écorcher sa note.

 

Cessons donc là ce réquisitoire inversé, car point trop n'en faut, et replongeons-y la tête la première.

 

A écouter parce que si les haters pourront hater, de leur côté les lovers et Deafheaven keep on rollin' baby (oui, je voulais finir sur une citation d'un autre groupe qui provoque parfois des remous, et Blood Incantation étaient déjà pris cette semaine).

photo de Pingouins
le 02/04/2025

5 COMMENTAIRES

Thedukilla

Thedukilla le 02/04/2025 à 08:05:48

J’avais tellement détesté le précédent que j’ai failli ne pas écouter celui-ci !
Et je suis heureux d’être allé contre mon instinct, tout ce que tu dis dans ta chro est juste, une œuvre-somme de leur disco, clairement.
J’avais pas vu arriver les Biscuits Mous, bien joué 🤣

AdicTo

AdicTo le 02/04/2025 à 08:43:12

En bonhomme réfléchi, j’avais préco le disque après l’écoute de « Magnolia ». J’ai quand même bien serré les fesses en espérant que ce ne soit pas qu’un simple « appât » :-/

Mais, je suis bien d’accord avec toi, le disque est très bon même si j’ai pour l’instant une préférence pour la seconde moitié (l’enchaînèrent Amethyst + Incidental II…sérieux… <3).

J’aurais quand même aimé qu’ils nous livrent quelques clés pour pouvoir revenir sur Infinite Granite que j’ai jamais compris…

pidji

pidji le 03/04/2025 à 06:48:38

N'étant pas un afficionado de Deafheaven, j'avoue être agréablement surpris. A voir sur la durée.

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 05/04/2025 à 02:47:46

Ah nan pas d'accord ; Sunbather toujours indétrônable pour moi !

Goret du Nord

Goret du Nord le 08/04/2025 à 10:03:39

Disque énorme, intense, sensationnel !!!!

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