Ethereal Shroud - Trisagion

Chronique CD album (01:16:30)

chronique Ethereal Shroud - Trisagion

« Anti-fascist and angry at the world » !

 

Avec des tels mots mis en exergue, il y a de quoi rester coi et focaliser l’attention auditive d’un chroniqueur dont les esgourdes ont été rincées durant toute l’année par une rafale d’albums Black Metal de haute tenue. Et la qualité globale n’en est pas altérée par la sortie (indépendante) le 10 décembre de Trisagion, opus magnus du britannique Joseph Hawker. Actif depuis 2013, mais silencieux depuis son premier long-format en 2015 They Became the Falling Ash, le one-man project Ethereal Shroud a repris vie après une large plage de silence et une grande période d’isolement durant laquelle l’artiste s’était placé à l’écart de la société, sur l’île de Wright, pour mieux exprimer ses sentiments d'isolement et bonifier ses émotions. Il ne s’agit pas d’un simple travail de composition, mais d’un véritable construit artistique, qui a maturé pendant 15 ans, a été composé au cours de six dernières années, avant d’être formellement enregistré de l’été 2020 à l’été 2021, en pleine période pandémique.

 

Isolé Joseph Hawker, le confiné volontaire ? Pas complètement, puisque, s’il s’est occupé du chant, des lyrics, des lignes de guitare, de toutes les compositions et tous les arrangements finaux, il a reçu l’aide précieuse de pairs anglais et américains : Richard Spencer (Ba'al, Bleating Apocalypse) à la basse et au violon, John Kerr (Noltem, Pyrithe, Yahar’Gul, Seidr) à la batterie et surtout Spenser Morris (je vous invite à écouter son EP avec Vukari) pour le mixing et le mastering.  Ce dernier a dû avoir un gros travail à faire, puisque tout ce joli p’tit monde a capté son son à la maison, avec son propre matériel !

 

D’un point de vue purement conceptuel, Trisagion (terme qui signifie littéralement « trois fois saint ») est divisé en trois titres, mieux, en trois mouvements. Signalons qu’un bonus track de près de 14 minutes est proposé dans la version physique ("Lanterns"). Et sans ce dernier, la dernière offrande de Hawker dépasse déjà les 64 minutes ! On devine le niveau inouï d’effort et d’investissement pour arriver à un tel résultat final. Véritable miroir des traumas propres à l’auteur, chaque pièce porte un regard excessivement sombre sur le délitement de notre monde, enfermé « dans son propre cycle d’avidité et de destruction », où prévalent le « cynisme », l’entre-soi, le « mépris », la « cupidité ». Ses paroles expriment, dans un même élan, son aversion du fascisme, qui porte en lui l’essence même de la division de la société et de la négation de l’Autre.

 

Une telle intensité brute se retrouve scrupuleusement dans la musique. Structuré autour d’une double facette Black Metal atmosphérique / Funeral Doom, Trisagion est un album indompté, peu accessible, long, très long à se découvrir et qui dévoilera à la fin uniquement « ce que vous êtes prêts à y consacrer ». Donc l’engagement est d’abord et surtout du côté de celui qui l’écoute. Je m’y suis donc engagé et mes efforts ont fini par payer. Et cela a commencé avec l’énorme "Chasmal Fires" qui flirte avec la demi-heure ! Le paysage sonore esquissé à partir de la 9e minute y est sublime, une magnifique déchirure qui vous agrippe, vous saisit. Derrière ses motifs répétitifs, animés spécialement par le jeu de batterie, se cache une musique subtile, habitée, pénétrante.  L’expérience se poursuit et ne s’affadit nullement avec "Discarnate" où passages violents et riffs mélodiques se font face avec autant d’habileté et de force que dans la première pierre.  Les trois dernières minutes doomesques sont de toute, toute, toute beauté. Elles donnent le ton pour "Astral Mariner", troisième et dernier temps de ce Trisagion, plus lent, plus lourd, plus angoissant, plus cryptique, plus cérémonial sur la fin (magnifiques lignes de violon conclusives), mais toujours aussi beau malgré ses … 22 minutes !

 

En fait, vu le bienfait cathartique que fera cette œuvre étourdissante à ceux qui se donneront la peine de s’y attarder, Joseph Hawker ne serait-il pas forcément cette personne si pessimiste, misanthrope et désillusionnée qu’il tend à mettre en avant ? Sinon, comment aurait-il pu proposer un travail si mémorable et si marquant ?

 

Moi qui ai hésité à clore assez tôt mon TOP2021… me voilà conforté dans ma décision de patienter un peu. Et pour cause : BIM, le voilà fracassé ! TOP 10 !!!

photo de Seisachtheion
le 10/12/2021

1 COMMENTAIRE

Seisachtheion

Seisachtheion le 16/12/2021 à 14:27:32

On vient d'apprendre de la plume même de son créateur que Trisagion sera la dernière œuvre d'Ethereal Shroud...

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