Eye Of Solitude - Canto III

Chronique CD album (01:06:04)

chronique Eye Of Solitude - Canto III

J'aurais bien aimé ouvrir cette chronique par une blagounette ou un jeu de mot finement ciselé, manqué de bol, l'écoute intensive du nouvel album de Eye Of Solitude a gommé toute mes velléités de comique de fin de mariage. Et c'est au cœur d'une profonde mais viscérale mélancolie que nous plonge de groupe Britannique. Canto III mérite toutes les louanges tant il est éblouissant. Le Funeral Doom atteint ici son apogée. Une œuvre puissante, obscure qui laissera – je l'espère - une empreinte profonde dans les mémoires.

Indispensable.

 

On le sait, le Funeral Doom n'est pas vraiment l'expression musicale la plus poilante, lorsqu'on s'attaque à un disque frappé de ce sceau, on sait qu'il faut se mettre dans une certaine disposition. On se met à l'écart, on fait le vide et on se laisse porter pour parcourir un monde ravagé, un monde éteint où seules les cendres batifolent entre les ruines. Un petit rituel introspectif qui semble bien désuet lorsqu'on se baigne dans la musique de Eye Of Solitude. Rarement, un groupe n'aura aussi bien réussi à mettre en musique la noirceur la plus abyssale. On se fait happer par l'album et l'on se sent lentement emporté dans les méandres d'un spleen tout Baudelairien. De prime abord, Eye Of Solitude ressemble à n'importe quel autre groupe de Funeral Doom/Death: les tempos sont d'une lenteur pachydermiques, l'ambiance brumeuse et les notes toutes plus étirées et lancinantes les unes que les autres. Parfois, le voile des litanies est écorché par une irruption de Death Metal... On songe bien évidemment à Ahab, Evoken ou les Vénérables du Sommet de  Thergothon.

 

Néanmoins, Eye Of Solitude va bien au-delà d'un genre qu'il maîtrise à la perfection. Il sublime le genre et pulvérise les frontières en faisant errer sa musique aux confins du Death Metal, du Doom, du Post Rock, du Dark Ambiant, du Black Metal et de la musique classique. Certains l'ont déjà tenté, certains ont essayé de mélanger les styles les plus lugubres mais beaucoup ont donné naissance à des caricatures de soupe froide qui abreuvent des adolescents gothiques sous Xanax qui confondraient Richard Clayderman avec Frédéric Chopin. La musique de Eye Of Solitude est un accomplissement. Le groupe parvient à fusionner ces genres pour créer quelque chose d'unique, à la fois noir, troublant, ténébreux et irrémédiablement beau.

 

Sur un squelette de Death/Doom plutôt académique - qui rappellera les maîtres du genre – Eye Of Solitude vient greffer tout un tas d'éléments issus d'horizons variés. On est médusé par le talent de ce groupe qui fait cohabiter des vocaux gutturaux d'une profondeur insondable et des passages gorgés d'une sensualité morbide. Des solos aux accents Heavy Metal s'invitent sur des chants incantatoires illustrant la noirceur d'un Dark Ambiant furtivement illuminée par des volutes Post Rock. On pourrait citer Void Of Silence, on pourrait citer les plus grands mais cet égrainage de noms serait vain. L'expérience que nous fait traverser Canto III est unique.

 

On est séduit par l'aspect flamboyant de l'album: les étourdissantes voix d'outre-tombe, la clarté de la prod... mais on est piégé par l'inextricable suavité funeste qui suinte de Canto III. Il se dégage des six titres une poésie évidente que seul un gueux dégénéré ne saurait apprécier. Les nappes de piano, les chuchotements, les entrelacs de cordes feront vibrer votre petit cœur en chocolat et vous rappelleront que la musique est avant tout un art et qu'il est extrêmement jouissif de se faire enivrer par une œuvre.

 

L'album est peut-être difficile d'accès, mais cet effort insignifiant sera grandement rétribué. Les richesses de l'album sont innombrables et chaque écoute apporte son lot de merveilles. Plus on écoute, plus on s'imprègne de l'atmosphère de l'album, plus on prend un plaisir sadique à se laisser aller à cette désespérance. Angoissante, mélancolique, glorieuse, introspective, majestueuse, la musique de Eye Of Solitude est somptueuse. On est embarqué sur un matelas gonflable pour naviguer sur les eaux du Styx et l'on se fait chatouiller par des spectres tantôt vicieux, tantôt taciturnes... Secoué par des tumultes Death Metal, carressé par un souffle, tourmenté par les structures d'un Black Metal maladif digne de Shining ou Mayhem. On rôde parmi les âmes damnées dans une procession mortuaire puis on est mis face-à-face avec sa propre absurdité, sa propre insignifiance. Aucune lueur de joie, on vacille constamment entre amertume, mélancolie et rage (auto)-destructrice.

 

On est aux Enfers.

 

Un album parfait, un disque puissant dont on ne sort pas totalement indemne. Bon voyage au cœur de l'abysse mes petits loulous. Moi, ça m'a retourné l'esprit... du coup, je file me faire une cure de Nanowar pour remonter la pente et oublier cette désolation dans laquelle on se perd aussi facilement que dans les ruelles de Silent Hill.

 

Chronique express: A la croisée des chemins entre Evoken et Paradise Lost. La plus belle leçon de Funeral Doom jamais reçue. Une visite guidée des neuf cercles de l'Enfer.

photo de Cobra Commander
le 05/02/2014

1 COMMENTAIRE

Niktareum

Niktareum le 05/02/2014 à 13:33:33

Album excellentissime ouais. Deuxième coup de maître après un "Sui Caedere" déjà dantesque. Album à ne pas manquer assurément.

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