Follow For Now - Follow For Now

Chronique CD album (51:50)

chronique Follow For Now - Follow For Now

1991… Quand on parle Funk Metal, remonter aussi loin c'est flirter avec l'archéologie. Il faut dire qu'en cette année sortait The Plague That Makes Your Booty Move... d'Infectious Grooves. Un petit mois après le Follow For Now qui nous occupe aujourd’hui. Eh oui, cet unique album arborant pour titre le nom de son géniteur était disponible deux ans avant le Give a Monkey a Brain… de Fishbone et le Stain de Living Colour. Alors s'il ne s'agit pas d'une œuvre pionnière ou d'avant-garde, il est quand même approprié de parler ici du testament d'un vétéran de la « Première génération ». Et pourtant, vous le constatez en ce moment-même en réalisant que vous n’en aviez jamais entendu parler (… si ?) : Follow For Now est l’un des grands oubliés de l’époque.

 

« Parce qu’il est tout moisi ? » suggère Mr Pierre Jugement-au-lance…

Que nenni, mon petit.

 

Mais laissons tout d’abord défiler le générique de début. Les noms des protagonistes qui s’y succèdent ne vous diront sans doute rien, quoique le compositeur principal de la bande, David Ryan Harris, ait par la suite fait parler de lui à l’extérieur du monde du Rock, en poursuivant notamment une carrière solo chez Sony Records. Par ailleurs, vous aurez peut-être eu l'occasion de croiser Billy Fields, le clavier, sur la même scène qu’Arrested Development. Mais rendons-nous à l'évidence : dans l’absolu, nulle super star ici. À noter également que, bien qu’il aurait clairement pu, vu qu'il est l’un des rares groupes de Fusion 100% afro-américains à l’époque, Follow For Now n’a a priori pas fait partie de la Black Rock Coalition fondée en 1985 par Vernon Reid, le guitariste de Living Colour, aux côtés de membres de Fishbone, 24-7 Spyz et d’autres. Il est vrai qu’étant originaire d’Atlanta plutôt que de New York, cela n’aidait pas… Mais cela ne l’a pas empêché de partager la scène avec nombre des formations y militant, ainsi qu’avec Pearl Jam, Faith No More, ou encore HR des Bad Brains. Vous comprendrez donc qu’on parle ici de relativement grosses légumes…

 

Quel goût a donc ce faux Lofor-nawh, vous demandez-vous ? Eh bien figurerez-vous un Living Colour au spectre légèrement augmenté, arrosant donc un peu plus large : à la fois plus Soul, plus Rap Metal, plus Jazz même, parfois, et affichant plus ouvertement encore les couleurs de l’Amérique de ces années-là. Si on voulait le rapprocher d’autres formations de la même scène, on pourrait également citer Bootsauce, ou The Urge, dans une version toutefois plus « Motown ». Et ce large éventail d'influences d'aboutir logiquement à une tracklist relativement bigarrée... mais également déséquilibrée. Ce sera là l'un de nos griefs les plus importants.

 

D'autant que c'est la première partie de l'album qui pâtit de cette absence manifeste de direction artistique. Parce qu'en dehors des joyeux extrémistes qui ne savent que bourriner sans jamais s'accorder de répit, normalement une tracklist bien gaulée ménage du chaud et du froid, alterne coups de sang et coups de blues. Or, sur Follow For Now, la quasi-intégralité des morceaux taillés pour une écoute en hamac, lorsque la digestion impose son rythme, a été concentrée sur les six premières pistes. Que ce soit la wah-wah libidineuse et le clavier à la Santana de « Temptation », le transat au soleil squatté par une version dénervée de Terence Trent d'Arby sur « Mistreatin' Folks », le slow larmoyant « Time », ou la visite Jazz/Soul/Funk bavarde « Fire'n'Snake », qui montre rarement plus les dents que Lenny Krawitz, on sent bien qu'aucune de ces pistes n'est susceptible de fournir un argument solide au groupe afin de se faire endorser par Red Bull. Notez cependant que tout cela est loin d'être désagréable... Mais dans Funk Metal il y a « Metal », que diable ! On n'a pas mis ce disque sur la platine pour piquer un roupillon !

 

Dès lors, que reste-t-il de gouleyant à cette paresseuse face A ? « Holy Moses », un bon petit tube situé aux avants-postes, dont le riff de guitare introductif rappelle drôlement la ligne de basse ouvrant « Punk It Up » d'Infectious Grooves. Ainsi qu'une reprise de Public Enemy, « She Watch Channel Zero », très orientée Rap Metal, forcément. À noter que les célèbres rappeurs sont une telle influence pour nos amis que le nom-même « Follow For Now » a été extrait des paroles de « Bring The Noise », leur fameux tube, repris plus tard en compagnie d'Anthrax.

 

La face B,  quant à elle, se montre plus généreuse. Et ce dès un « Evil Wheel » qui nous secoue méchamment les puces sur des couplets pressés et nerveux, ainsi que lors d'un refrain on ne peut plus accrocheur. Vous me direz que la vitesse de croisière redescend dès « Ms. Fortune », et ce n'est pas tout à fait faux. Mais ce long trip Blues'n'Groove est tellement juteux et viscéral – sexuel, presque, si si – qu'on ne peut que le ranger parmi les grandes réussites de l'album, même s'il ne cavale en effet pas franchement ventre-à-terre. Changement de décor sur « White Hood », sur lequel le groupe oppose des couplets Rockabilly / Country à un refrain plein de chaude disto fonkophone. « Trust » voit le synthé poser un décor sombre et froid servant de cadre à une enquête bien funky – Ska même, parfois – nous menant dans la roue des flics de Chips, sur l'asphalte des highways américaines. « 6's and 7's » offre un trip rétro zéro-prise-de-tête entre Rock, Funk, Soul et Blues, sous le haut-patronage de la pédale wah-wah. Et l'aventure de s'achever sur le Rap Metal gouailleur – et funky toujours, la disto continuant de nous tailler des chemises hawaïennes sur mesure – d'un « Milkbone » se chargeant d'aurevoirs au parfum prononcé de reviens-y.

 

La vérité, c'est que ces 52 minutes passent avec beaucoup plus de légèreté que ce track-by-track étouffe-chrétien. On aurait préféré que le ton soit plus souvent Punk, que le groupe dévale plus souvent les avenues ensoleillées en skate... Mais tout compte fait cette coolitude d'un groupe qui n'a de comptes à rendre à personne est non seulement respectable, mais également bienvenue lorsque vient le temps de mettre en musique un après-midi en bord de piscine. Alors on passe son caleçon à palmiers, on monte sur le plongeoir... et Splash dans le grand bain Funk'n'Groove !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : avec Follow For Now, préparez-vous à retourner aux tous débuts de la hype Funk Metal. En effet ce groupe et son unique album vous proposent une version plus Soul, Rap & Free du répertoire de Living Colour. On peut également envisager la chose comme un chouette complément aux répertoires de Bootsauce et The Urge. Bref, il s'agit là d'une grosse boule de pédale wah-wah, de basse coquine et de sensualité incarnant une version ensoleillée, diversifiée, et aussi relax qu'un Eddie Murphy ensommeillé de cette scène où ont jadis brillé les Fishbone, Infectious Grooves et autres 24-7 Spyz.

photo de Cglaume
le 21/07/2024

8 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 21/07/2024 à 18:38:27

Ah ben oui mais Fishbone a sorti ''The Reality Of My Surroundings'' la même année, avec certains morceaux déjà bien Métalliques, déjà joués en concerts quelques temps encore avant 91 !
D'ailleurs Glaume, as-tu enfin bien écouté autre chose que le ''Give A Monkey A Brain''? Je le réécoutais ces derniers temps, il est bien (le chroniquerais bien...), mais tellement moins bien que ''The Reality...'' !!!

cglaume

cglaume le 21/07/2024 à 19:01:14

Alors 1) j’ai bien écrit “il ne s'agit pas d'une œuvre pionnière ou d'avant-garde”… je sais qu’il ne s’agit pas du premier album ni du premier groupe dans le genre 😉
2) j’avoue: du côté de Fishbone j’ai surtout écouté Give a Monkey. J’ai plein de lacunes, je les comble doucement, à mon rythme 🙂

el gep

el gep le 21/07/2024 à 20:01:44

Ah vi je ne m'offusquais point, hein !

el gep

el gep le 21/07/2024 à 20:21:57

...oh pis tu sais, on a tous des lacunes. J'en ai plein, de partout !
Ca tombe bien, il reste des trucs à faire, si on avait peur de s'emmerder...
Sinon je viens de le décider, je vais chroniquer ''Give A Monkey A Brain'', c'est dit.

cglaume

cglaume le 21/07/2024 à 20:36:46

Ça c’est une belle résolution de fin de semaine ! 🤘👍

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 22/07/2024 à 01:46:29

On dirait que gepeto commence à trouver le meilleur remède à sa fatigue !

el gep

el gep le 22/07/2024 à 20:28:58

Ah-ha ! Dans le genre: t'as déjà trop de trucs à gérer et t'y arrives pas? Ben, rajoutes-en une couche, ça peut pas vraiment être pire, non ?
J'vais crever.

cglaume

cglaume le 22/07/2024 à 21:53:32

En même temps quelle meilleure muse que l’approche de la mort ?

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