Harvey Milk - Special Wishes

Chronique CD album (43:12)

chronique Harvey Milk - Special Wishes

Continuons la présentation – dans le désordre – de la discographie de ce merveilleux groupe qu'est Harvey Milk. Après l'absurde et hirsute My Love Is Higher Than..., sautons une dizaine d'années et nous parlerons encore d'amour et de sensibilité.

L'amour, Creston Spiers nous l'éructe dès le premier titre de ce chef-d’œuvre qu'est Special Wishes, sorti dans une relative indifférence en 2006 : le sien est grand comme une montagne ! Et là je dois bien reconnaître une chose positive à Noise Magazine – quel que soit le nom qu'il portât à l'époque – et sa Françoise Massacre : avoir chroniqué ce disque et vanté ses mérites. C'est ainsi que j'ai découvert la splendeur et la grandeur de la loose totale mise en musique. Harvey Milk. Alors même si vous avez bien raconté de la merde ensuite, merci pour ça, petit magazine !

 

Et donc, il ne me restait plus qu'à tomber amoureux de ces trois types humbles mais pourtant dotés d'une force herculéenne. Car ils réussissent ici à transcender leur Blues rongeant – et artistiquement parlant, il y en a du Blues ici, à tous les coins de mesures – leurs influences – aucun groupe obsédé par les Melvins ne leur avait jamais fait autant honneur, tout en sonnant de façon totalement unique et personnelle – et leur folie indécrottable.

Plus vraiment de plages sonores ineptes et sans structuration, aussi inouïes et intéressantes aient-elles pu être par le passé, mais de vrais et purs morceaux de musique, des chansons, des hymnes, des symphonies bruyantes et tragicomiques, portés à une incandescence émotionnelle douloureuse par le chant déchiré de l'ours Creston, par sa guitare conquérante et tonitruante (un grand artiste de la six cordes : un doigté superbe, une sensibilité à fleur de peau, une rage débordante, une expression pleine de maîtrise et de vie, ah je me pâme la gueule tout seul!), par la basse titanesque de Stephen Tanner et la batterie chaude, lourde et puissante de Kyle Spence ou Paul Trudeau selon les époques.

 

La plus grande surprise viendra certainement de ces passages complètement ringards – des slows, carrément – qui ponctuent régulièrement l'album, en faisant d'un disque qui commençait déjà très bien une œuvre intemporelle et lyrique qui met un gros doigt d'honneur à ne faire que ce que bon lui semble, en envoyant se faire mettre à la fois la police du bon goût et tous les blasés de service.

Car toute critique, toute tentative d'enfermement stylistique sont réduits à néant par l'entièreté et la beauté de ces morceaux épatants.

Ça commence par "Once In A While", qui sort les grattes acoustiques en appui stratégique et la voix abîmée mais tantôt adoucie de Creston, une vraie complainte d'homme blessé. Ça continuera par le charme baroque de la fausse berceuse "The End", au refrain poignant, et ça sera prolongé par l'hymne sudiste « Old Glory », qui devient immédiatement un classique, un incontournable, un "Stairway To Heaven" chez les ploucs, bordel !

 

Cependant il ne faudra pas oublier tous les autres titres, les tubes de gras imparables de, donc, "I've Got A Love", le sur-Blues ralenti de "Love Swing", énoooorme, le menaçant "War" under pressure, ou quand Spiers s'arrache la gueule tout le long de "Crush Them All", qui envoie l'auditeur dans les cordes, sonné de coups d'enclumes, agonisant, tous les os brisés, de la compote de moelle qui se ballade librement sous la peau qui tourne déjà au violet.

Ici on s'abstiendra d'évoquer le Sludge, bien trop réducteur. C'est toute l'Amérique de Bruce Springsteen qui part se faire massacrer la fleur au fusil, le regard digne, le pas du futur macchabée assuré, la lettre pour la fiancée dans la poche de la poitrine, près du cœur.

Et même dans ces moments de lourde et sourde violence, ils sont capables de finesse, de grâce, même, comme vers les 01:15 de "I've Got A Love", ces chœurs éthérés si beaux... presque Queenesques, damn it ! Et paf !, solo nimp-je-dégueule-dans-la-bassine de Creston Spiers ! Et la basse de Tanner sonne comme une contrebasse malade jouée dans le très grave à l'archet.

De l'invention et de l'audace, du rêve, en somme, quel que soit le cauchemar, ça vaut la peine de s'en payer une barre.

 

Eh ne partez pas ! C'est que j'ai gardé le meilleur pour la fin : la fête des mères ! "Mothers Day" tournoie, tournicote, à te coller le mal de terre, vomitif, sucré, gavé, dégoulinant : de l'orgue d'église, un violon, des centaines de guitares à l'unisson, harmonisées, discordantes! Ça ne ressemble à rien. A une montagne ! Au grand manège final dans la lumière du tunnel ! Une symphonie gloutonne, oui! Ou peut-être ça évoquera un peu un certain "Skin Horse", peut-être, mais bon... ça dépasse l'exercice de style, là, c'est du splendide n’importe quoi, c'est de l'émotion par couches telluriques, c'est de la grandeur épique, les larmes aux yeux : BONNE FÊTE MAMAN !

Et ce n'est même pas parodique, je précise bien, évitons les malentendus à ce sujet. C'est à prendre au premier degré.

C'est beau.

Le Hendrix souriant sur le poster de l'étrange pochette peut continuer à sourire, ses enfants font du beau boulot.

 

Allez découvrir ou redécouvrir là bas :

https://harveymilk.bandcamp.com/

Mais merde ! Special Wishes n'est pas dispo sur la page ! Tous les autres, mais pas celui, créfieu!  Sûrement une sombre histoire de contrat avec le défunt Megablade Records / Troubleman Unlimited...

Essayez là, alors.

 

 

Si vous ne connaissez pas encore, je vous envierais presque...

photo de El Gep
le 24/05/2015

2 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 24/05/2015 à 11:12:40

Mon préféré des HARVEY MILK, totu simplement !

el gep

el gep le 24/05/2015 à 15:17:54

Certainement le plus beau, le plus sensible et ce tout en décornant les cocus!

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