Post In Paris (Ingrina + Membrane + Toundra + Demande à La Poussière) le 05/06/2022, Le Petit Bain, Paris (75)
Ingrina + Membrane + Toundra + Demande à La Poussière
Dimanche 5 juin 2022Salle : Le Petit Bain
Paris (75)
« Fluctuat nec mergitur. » La devise de la capitale de la France sied à merveille à Post in Paris. En effet, après le tumulte de la Fin du Monde imposée par la pandémie mondiale, c’est sur un bateau que cet événement de bon aloi renaît de ses cendres, avec classe et fracas. Sur un bateau, sur les flots, et sous les trombes d’eau déversées par l’ire du ciel. Adonc, c’est à bord du Petit Bain, durant 2 jours de juin 2022, que plusieurs groupes se sont ainsi succédés pour faire allègrement tanguer l’embarcation devenue un des hauts lieux de concerts à Paname. Le tout, pour une traversée aux 1001 ambiances.
Comme son nom l’indique, ce festival se consacre aux scènes post-rock, post-hardcore et post-metal. Essentiellement hexagonale, mais pas que. Jugez plutôt : en tête d’affiche de la 1e journée, Toundra, un des papes du post-rock ibérique a communiqué au public enthousiaste sa joie de se retrouver sur scène. A l’instar de l’un de ses guitaristes, Esteban Giron, véritable pile électrique sur scène, sa musique bondissante a diffusé dans toute la salle une énergie réjouissante et roborative, à tel point que le groupe, devant la liesse générale, s’est improvisé et offert un rappel, bousculant quelque peu le timing très précis et serré de la programmation.
Avant ce point d’orgue très feel good, la programmation fort riche se divisait en 2 parties : la 1e, gratuite, sur le pont supérieur, puis au bar, en intérieur, rempli à craquer, s’avérait variée et généreuse, des expérimentations à la basse du one man band Frise Lumière aux envolées éthérées de Quentin Sauve, en passant par le post-rock pop de Nord. Quel excellent concept que de proposer en alternance cette partie de l’affiche comme une invitation aux découvertes et une ouverture au grand public, faisant ainsi mentir les préjugés selon lesquels ces genres musicaux relèveraient de la niche pour happy few élitistes. Du reste, la partie payante, scandaleusement accessible à toutes les bourses, jouait la carte de la variété. En effet, précédant les ondes positives dispensées par Toundra, des groupes aux univers peu ou prou plus sombres ont défilé dans la cale du Petit Bain :
Carmen Sea, avec son post-rock nerveux enrichi des apports d’un violon, qui peut faire penser aux Nippons de Mono, Cerf Boiteux, trio rennais servant du post-rock aux accents dronesques, lourd et riche de montées en puissance titanesques, Membrane et son post-metal tellurique qui rappelle l’univers des papes du genre, Neurosis, tout en développant sa propre personnalité, Point Mort, le groupe le plus violent, le plus sauvage, le plus metal de la soirée, emmené par une frontwoman charismatique en diable, dont l’ombre chinoise découpée par les halos de lumières épandait une rage salutaire. Et enfin, Vesperine, que les amateurs des cousins belges d’Amenra ne pouvaient qu’apprécier.
La seconde journée a vu le Petit Bain se transformer en sauna de l’enfer, tandis qu’à l’extérieur, les nues se vidaient copieusement comme pour ajouter une touche dramatique aux atmosphères musicales qui envahissaient l’étuve. Ciel lourd pour musique lourde : coïncidence ? Je n’crois pas ! Demande à la Poussière, avec son doom des abysses, donnait l’impression de chercher à envoyer l’assistance par le fond. Personne n’y aurait rien trouvé à redire. Même lorsque le chanteur fait tonner la sirène sur la fin du set. Alpha du Centaure, au milieu de ses lampes de grand-mère clignotant dans une farandole multicolore, contrebalançait ensuite avec la mélancolie onirique de son post-rock tourmenté avant que Nature Morte et son blackgaze enragé ne fasse trembler les murs, non sans humour. Toujours dans une veine sombre, à peine éclairés par des ampoules à filament, Etienne Sarthou (Aqme, Grymt, Karras, Freitot…) et ses camarades de Deliverance entretenaient la chaleur humide et visqueuse avec leur black metal aux relents du sludge bien poisseux. Enfin, pour clore cette édition plus que réussie dans une apothéose qui relève de l’épiphanie, les nouveaux chantres du post-rock français, Bruit, ont servi un show qui achevait leur tournée, dans un déluge sonore massif et introspectif d’une puissance sans pareille. Dans un bain de sueur et d’autres fluides-exutoires, le violoncelle, le violon et les envolées à la guitare ont emporté le public dans une transe tropicale qu’aucun naufrage n’aurait pu interrompre. Car, à l’instar de nombre des groupes programmés à ce festival, Bruit compte parmi ceux dont la musique offre toute sa dimension en live. La communion entre les musiciens s’étend au public tout entier et les corps, les esprits, finissent par ne faire qu’un avec la musique elle-même. On pensait en avoir fini, c’était sans compter avec Ingrina et leur doomgaze post-hardcore aux accents de sludge et de noise d’une richesse insolente. Trois guitares, une polyphonie de chants quand leur musique ne se montre pas taiseuse, des titres obéissant pour la plupart à la sacro-sainte règle des 3L (lent, lourd, long) mais enrichie de mélodies et d’envolées laissant les éléments s’exprimer pour mieux caresser les émotions : le Petit Bain n’a pas bougé, mais il a tremblé, transpiré, et ses équipages ont littéralement fait voyager le public, dans les abysses comme dans l’éther, par vagues successives de musiques aux visages protéiformes mais composant un ensemble cohérent dans sa complexité et ses subtilités.
Les photos













































2 COMMENTAIRES
Seisachtheion le 13/06/2022 à 12:55:07
Super report ! Merki ;) !
Moland le 13/06/2022 à 15:42:50
Haha merci d'avoir lu/regardé. Super festival, super équipe, super programmation. Ça aide pour bosser dans de bonnes conditions.
AJOUTER UN COMMENTAIRE